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mon bonheur est dans la ville
30 juillet 2009

CAESAR & CLEOPATRA, de Gabriel Pascal

cesar_cleopatre1Dans le désert, César contemple les étoiles et le sphinx et s’épanche sur sa propre grandeur en s’adressant à ce gardien de l’Egypte. Une petite voix fluette lui répond et apparaît une gamine, qui rit en le regardant, le traitant de vieillard. Elle lui parle avec horreur de Jules César, ce barbare cannibale dont toute l’Egypte a peur.

Il l’emmène avec lui et là, elle réalise sa méprise. Elle l’amuse par sa frivolité, mais peu à peu lui fait prendre conscience de la manière dont doit se comporter une reine.

Pendant ce temps, au palais, les partisans du jeune Ptolémée ont l’intention de le mettre sur le trône afin de gouverner à sa place.

Une confrontation entre les partisans du petit roi et de ceux de la petite reine et ses alliés est inévitable.

Ce n’est pas parce que le texte est écrit par le célèbre (et formidable) auteur George Bernard Shaw que l’on doive nécessairement parler de chef d’œuvre, car tout est en stuc et trompe-l’œil dans cette histoire qui m’a fait rire du début à la fin, même si le texte est bien écrit.

A peu de choses près, ce peplum  est pour moi le nanar des nanars, du moins parmi les films de jadis que j’ai le plaisir de découvrir ou redécouvrir de temps à autre. Dans son genre « Samson & Delilah » n’était pas mal non plus, mais ici j’ai l’impression que le record est battu.

Tout d’abord, on a l’impression d’assister à une version peplum de « Pygmalion », l’une de ses pièces les plus célèbres.

Comme beaucoup de dramaturges et d’auteurs, je crois que G.B. Shaw a été tenté par l’écriture d’une pièce « historique ». Mais qu’on se le dise, il n’y a pas grand’chose d’historiquement précis dans ce sympathique nanar.

La vision de Shaw sur Jules César (conquérant, dictateur, tyran) est assez élogieuse et donc, à mes yeux, exaspérante ; je me demande d’ailleurs s’il n’a pas inspiré involontairement Colleen MacCullogh dans sa saga sur « les Maîtres de Rome » ; ici aussi, César est un homme fatigué des intrigues, juste, clément même et surtout avec ses ennemis,  imbu de sa personne, désabusé et ironique, bref pas vraiment éloigné du Professeur Higgins par moment.

Sur Cléopâtre il n’a guère d’illusions, il ne l’aime pas, surtout il ne l’estime pas ; elle est son pion sur l’ échiquier de l’Egypte. Il lui fait croire qu’elle l’intéresse, mais heureusement elle n’est pas non plus née de la dernière pluie.

La Cléopâtre de Bernard Shaw est une écervelée frivole, complètement idiote, qui n’a qu’une envie : tuer son frère pour monter sur le trône de l’Egypte, mais d’intelligence elle n’a point, du moins dans la première partie de cette histoire.

Lorsqu’après l’incident du tapis, elle sort de l’eau, sauvée par César, c’est une nouvelle Cléopâtre qui naît, comme Vénus sortit des flots. Désormais, elle s’instruit, s’occupe de philosophie, raisonne, étudie musique et art – toutes choses où en réalité cette jeune princesse excellait bien avant de rencontrer le conquérant.

Pourtant lorsqu’elle tentera d’appliquer à la lettre de ne pas se laisser humilier par ceux qui sont censés la servir, la mise à mort de Pothinus lui vaudra l’ire et le mépris de César. Comme quoi : faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais. La clémence de Jules, sa fidélité en amitié, le dévouement qu’il suscite chez ses hommes qu’il appelle « ami » ou « fils » sont aussi creuses que toutes ses paroles de paix.

Ce qui est certain, c’est que tout au long du film (dont le scénario fut écrit par G.B. Shaw sur base de sa pièce de théâtre), l’auteur veut nous prouver que seule la politique liait César et Cléopätre ; on le croit sans peine !

La jeune femme voulait régner sur l’Egypte, César voulait que l’Egypte soit une province romaine ; ces deux là étaient faits pour s’entendre.

Quant aux décors et les costumes, là c’est carrément le délire : c’est tellement kitch que cela en deviendrait beau, surtout lorsqu’il s’agit du palais de la reine, de ses robes, quoique les vêtements dans le film, hommes comme femmes, louchent plutôt du côté des toges et peplums romains. Deci delà on a tout de même droit à quelques coiffures tirées d’un bas-relief égyptien, mais les tenues de certains eunuques ou soldats ressemblent plus à des langes en tissu, c’est d’un comique ! Quant aux toges de César, il semblerait que la costumière ait utilisé un drap de lit, car elle n’avait rien d’autre sous la main.

Et les tenues militaires … un régal ! toutes en lamelles de faux cuir, clinquantes, avec les jupettes juste un peu trop longues pour être élégantes.

Il faut voir, au moment où le film commence, César se balader dans le sable du désert – quelques monticules dans le studio – pour ensuite s’adresser à un sphinx déposé là pour faire plus vrai … j’en ris encore.

La rumeur prétendait à l’époque que ce « Caesar & Cleopätra » (version pour intellos non shakespeariens)  était l’une des superproductions les plus coûteuses dans le cinéma britannique ; le film ne remplit pas les caisses non plus d’ailleurs et fut boudé par le public ;  ceci ne me surprend guère car c’est vraiment la version la plus – involontairement - rigolote sur le sujet.

De toute façon, quelques vingt années plus tard, Joseph Mankiewicz proposera sa version de la vie de la reine d’Egypte, de ses amours avec César et Marc Antoine, et cela deviendra aussi un gouffre à dollars, donc que les Britanniques n’aient pas de regrets.

Un mot à présent sur l’interprétation. Si Claude Rains est un César vieillissant, ironique à souhait, Vivien Leigh - cinq ans après "Gone with the Wind" - fait de son rôle un chef d’œuvre, rachetant d’ailleurs le film en partie.

On la croirait interprétant « Scarlett O’Hara en Egypte » tellement sa Cléopâtre est similaire en tous points à la capricieuse et frivole Miss O’Hara, se servant d’un homme mais amoureuse d’un autre (ici Marc Antoine, qu’elle aperçut enfant et qu’elle veut revoir).

Agée de 32 ans au moment de ce rôle-ci, elle est absolument crédible et excellente dans le rôle de la jeune et sotte reine de 16 ans, ayant peur de tout et surtout de sa suivante.

Celle-ci, nommée Ftatateeta, est jouée par la célèbre Flora Robson et cette magnifique actrice, ayant interprété des rôles bien supérieurs à cette mascarade, est malheureusement complètement ridicule dans ce rôle-ci ; ses  yeux d’aigue marine sont la seule chose que l’on remarque, mais elle porte une perruque calquée sur celles des gravures égyptiennes et cela lui va comme un coup de poing dans l’œil. Mais comme elle était une grande artiste, elle transforme quand même ce rôle en quelque chose de crédible dans cette nourrice totalement dévouée à sa reine.

Celui qui est hilarant aussi est Stewart Granger ; complètement maquillé en brun afin d’avoir l’air plus vrai en commerçant sicilien, il est charmant, drôle, hableur, élégant malgré les toges qu’on lui a concoctées. Il tire son épingle du jeu avec cette élégance qu’on lui retrouvera dans toutes ses autres interprétations.

Il y a encore Cecil Parker, un comédien célèbre à la fois de théâtre et du petit écran, plus à l’aise dans les rôles de généraux anglais et qui parvient à tirer son épingle ici, sans trop de ridicule, mais c’est très limite. Il joue Britannus, un esclave celte (je vous recommande la perruque et la moustache  rousses).

Bref, si vous en avez l’occasion, surtout ne ratez pas ce nanar, vous manqueriez non seulement quelque chose si vous vous intéressez à l’histoire du cinéma, mais un bon fou rire en plus.

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