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mon bonheur est dans la ville
24 juillet 2009

DRAGONWYCK, de Joseph L. Mankiewicz

200px_32_1946_elcastillodedragonwyck_usa_5492135342Miranda Wells, fille de fermier dans le Connecticut, rêve parfois d’autres horizons que ceux que son père a délimité pour elle, aussi lorsqu’arrive une lettre destinée à sa mère, se référant à un lointain cousinage et demandant que l’une de ses filles deviennent la gouvernante de sa petite fille Katrine, la jeune femme supplie ses parents de la laisser partir.

La voilà donc à New York son père et elle, où ils auront rendez-vous avec Nicholas van Ryn, leur richissime et lointain cousin, de l’autre côté du fleuve. Celui-ci les reçoit avec un certain faste, ce qui surprend l’homme simple qu’est le père de Miranda. Cependant, séduit par les bonnes manières de van Ryn, il consent à ce que sa fille devienne l’institutrice de la petite Katrine.

Miranda est fascinée par la propriété qu’elle aperçoit du bateau qui les amène, Dragonwyck  semble un véritable château à ses yeux et lorsqu’elle y pénètre, elle est encore plus éblouie, ce qui provoque l’ironie de Magda, la gouvernante. Miranda s’arrête devant le très beau portrait de l’aïeule des van Ryn, celle qui fut très malheureuse et dont la voix s’entend lorsqu’un malheur frappe la famille.

Johanna van Ryn, l’épouse de Nicholas, est une femme qui semble chercher la consolation dans la nourriture ; elle accueille la jeune fille avec politesse. Quant à la petite Katrine, elle est quasi ignorée tant par son père que par sa mère.

La fête de l’indépendance approchant, Miranda fait la connaissance de Jeff Turner, le médecin du village qui à l’évidence n’apprécie par van Ryn qui le lui rend. Miranda et Katrine observent les paysans qui s’amusent jusqu’à ce qu’arrive Nicholas van Ryn et son ami, le comte.

Hautain air supérieur et méprisant face aux paysans qui à l’évidence ne sont guère impressionnés ; il est là pour encaisser les fermages. Chez les fermiers le mécontentement gronde, les fermiers refusent d’ôter leur chapeau, parlent de liberté et autres grossièretés de ce type mais qui plus est, ne veulent plus payer, ce qui est quand même nettement plus grave.

Depuis 200 ans qu’ils travaillent les terres et en plus doivent payer, les descendants des premiers fermiers refusent désormais de servir les « patroons » ; ce mouvement s’étend peu à peu à travers le pays, soutenu par des progressistes comme le médecin qui parle de liberté et de droits, ce que van Ryn traite par l’ironie et le mépris, pour lui les choses sont claires : depuis 200 ans, sa famille vit des fermages, la terre lui appartient et il ne changera jamais d’attitude à leur égard. Il est un homme enfermé dans le passé, qui ne veut en aucun cas savoir que les temps changent et évoluent. Une dispute s’en suit, que la diplomatie du docteur parvient à adoucir.

Le soir une grande fête réunit les amis des van Ryn. La prétention est de mise à ce bal où les jeunes femmes se mettent à appeler Miranda « Miss van Wells », parce qu’il ne leur vient pas à l’idée qu’elle pourrait n’être qu’une roturière, tout comme ces dames aiment à parler français pour montrer qu’elles sont différentes du commun des mortels.

Après une escarmouche avec les sottes jeunes filles de la soirée, Miranda réalise que sa position est fort complexe : elle n’est pas une servante, mais pas non plus quelqu’un de la société. C’est une fois encore Magda la gouvernante qui, avec une mine faussement apitoyée, lui fait entendre que le personnel la plaint.

C’est alors que Nicholas van Ryn entre en jeu, une fois encore, pour flatter la jeune fille et l’invite à danser ce qui va provoquer commérages et sourires entendus – derrière les éventails bien sûr, les gens bien élevés ne montrent pas leurs sentiments en public. Tout le monde regarde Johanna van Ryn avec pitié.

L’été terminé, les van Ryn n’ont pas quitté Dragonwyck comme à l’accoutumée ; Johanna est fortement enrhumée et se plaint de rester dans ce lieu de montagnes et de tempêtes. Pour la consoler van Ryn lui a donné sa plante préférée et lui apporte un gâteau. Cette même nuit, madame van Ryn meurt. Le docteur Turner qui l’avait auscultée ne comprend rien à la situation et est pratiquement accusé par van Ryn de ne pas avoir soigné son épouse correctement.

Le lendemain du décès de son épouse, Nicholas van Ryn déclare son amour à Miranda, qui part chez ses parents ; peu après, van Ryn arrive et demande sa main.

Voilà Miranda devenue maîtresse de Dragonwyck ; elle n’est guère acceptée par la société huppée mais cela lui importe peu, seul lui importe le bonheur de Nicholas. Et le bonheur de van Ryn va être complet puisqu’elle attend un bébé ; son époux est convaincu que cette fois enfin il aura un fils ; il a d’ailleurs éloigné Katrine, désormais en pension.

Après la mort de leur premier bébé, Nicholas van Ryn disparaît de plus en plus longtemps dans sa tour où Miranda décide un jour de le confronter. Elle apprend ainsi que son époux est un toxicomane ; sans aucun reproche, elle lui demande de lui expliquer, mais une fois de plus il la traite avec condescendance. C’est alors qu’elle explose en disant qu’elle a parfaitement compris que depuis la nouvelle loi sur la propriété, il fuit puisqu’il ne peut rien contre cette loi qui libère les fermiers et les rend indépendants du maître du domaine.

La jeune Peggy qui craint pour la vie de sa maîtresse, demande l’aide du docteur Turner ; elle lui parle de la plante que van Ryn a offert à sa femme, qui prend la plupart de ses repas dans sa chambre. Jeff se souvient alors de la plante à côté du lit de Johanna.

Nicholas commence à montrer les premiers signes de cette subtile cruauté qu’il témoignait déjà à Johanna.

Pendant ce temps, lui et Miranda s’opposent jusqu’à ce que soudain il entende la voix-fantôme d’Azilde, que l’on entend les jours de malheur.

Van Ryn, à l’évidence, vient de basculer dans la folie.

180px_Joseph_L__MankiewiczGrand admirateur d’Ernst Lubitch, Joe Mankiewicz disait que « non seulement pour Lubitsch il tournerait un film sur l’annuaire du téléphone et même qu’il écrirait l’annuaire du téléphone » !

Donc malgré son manque d’enthousiasme à réaliser « Dragonwyck » qui ressemble par beaucoup d’aspects au « Rebecca » de Daphné du Maurier, qui venait d’être réalisé par Hitchcock, il se lança dans l’aventrure à la demande de son mentor dans l’incapacité de réaliser lui-même le film pour cause de crise cardiaque.

Scénariste à la Fox, Mankiewicz  avait déconseillé d’acheter le manuscrit d’Anya Seton, bestseller de l’époque, à cause justement des similitudes avec « Rebecca », ce que les studios choisirent d’ignorer.

Selon Pascal Mérigean, un des biographes de Mankiewicz, on retrouve les grands thèmes privilégies du réalisateur-scénariste : une lettre, une rivalité entre un aîné brilalnt et un homme plus jeune, plus simple bien que tout aussi brillant, ainsi que les mots et leur pouvoir de séduction.

3318__1071dragonLe film est totalement dans la lignée « gothique » : images de tempête, nuages sombres, pluie battante, éclairs et tonnerre. L’automne succédant aux lumières du bal, au soleil de la journée d’été.

Le domaine ressemble à l’un de ces « folies » chères aux Britanniques : des pignons, des tourelles, d’immenses pièces, une très grande propriété. Ce décor est l’une des grandes vedettes du film.

Sans oublier les ombres inquiétantes dans la maison et cette tour dans laquelle s’enferme van Ryn et où il défend à Miranda d’entrer, ce qui a évidemment pour effet de l’attirer.

Ah la curiosité … Miranda à l’évidence ne connaît pas le conte de  Barbe-Bleue !

Effets de lumière sur le portrait du salon, lui donnant une allure étrange et maléfique, l’enfant qui entend le chant de l’aieule, la musique de son clavecin comme la nuit d’orage où Johanna van Ryn mourut sans raison apparente.

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300px_Gene_Tierney_in_Laura_trailerMiranda Wells est jouée par la très belle Gene Tierney, star à la vie privée malheureuse. C’est le triste épisode de la vie privée de l’actrice qui inspira d’ailleurs à Agatha Christie la trame de son roman « The Mirror cracked », l’histoire d’une star qui ayant eu la rubéole au début de sa grossesse, met au monde un bébé handicapé à vie.

C’est exactement ce qui arriva à Gene Tierney : une admiratrice atteinte de rubéole ne respecta pas la quarantaine imposée par le médecin ; elle vint demander un autographe à la star à l’Hollywood Canteen et Tierney contracta la maladie avec les conséquences citées plus haut.

Elle est au début de sa carrière avec ce rôle-ci, charmante et délicate en jeune fille au bon sens campagnard, amoureuse d’un rêve qui va tourner au cauchemar.

175px_Vincent_Price_in_Laura_trailer_cropElle est face à un maître du genre, le grand Vincent Price, un acteur qui excellait dans des rôles comme celui-ci, où avec seulement l’expression hautaine et ses intonations vocales, il parvient à flanquer la chair de poule ; comme le disait très justement mon copain Baudet, lorsque nous discutions du personnage, on accentuait ses expressions effrayantes par des éclairages.

Ce qui est exactement le cas dans le film de Mankiewicz : la manière haineuse dont il regarde ses épouses quand il ne les aime plus, la raideur de son attitude, sa voix pleine de sarcasmes et de calme méchanceté m’a vraiment fichu la trouille ! (il est vrai que je suis facilement impressionnable)

Après quelques comédies et quelques polars, Vincent Price entra dans le monde du film d’horreur avec le remake de « The House of Wax ». Entre les scénarios d’horreur, Price tourna dans quelques peplums, tout cela avec énormément d’humour et de bonhommie. On le retrouvera d’ailleurs dans des comédies loufoques ou parodies d’horreur.
Il formait avec ses copains Christopher Lee, Peter Cushing et Peter Lorre, une fameuse bande de joyeux lurons, ne se prenant guère au sérieux et aimant être à l'écran le contraire de ce qu'il était dans la vie.

Gene Tierney et Vincent Price se retrouveront dans un autre film culte de Joe Mankiewicz "Laura".

250px_Walter_Huston_in_The_Treasure_of_the_Sierra_Madre_trailer200px_Anne_Revere_in_Gentleman_27s_Agreement_trailer_cropped 250px_Spring_Byington_in_Little_Women_trailer  Le père Wells est interprété par Walter Huston, parfait évidemment en fermier puritain et sévère ; son épouse est jouée par Anne Revere.

La sournoise Magda est jouée par Spring Boyington, que l’on a connue dans des rôles nettement plus sympathiques.

180px_Photo_jessica_tandyPeggy O’Malley, la mignonne petite femme de chambre boîteuse qui craint pour la vie de sa maîtresse, insultée pour son infirmité par son patron qui veut la renvoyer, est interprétée par la toute jeune Jessica Tandy, alors au début de sa carrière qui sera à son apogée grâce à « Driving Miss Daisy » et « Fried Green tomatoes ».

Le jeune médecin amoureux est joué par Glenn Langan, un habitué des seconds rôles. La petite Katrine est interprétée par Connie Marshall, une enfant-actrice qui connut leur triste sort : après avoir été pratiquement élevée dans les studios hollywoodiens, elle fut oubliée en grandissant et lorsque sa cote diminua au box office.

Il faut encore citer Harry Morgan en fermier refusant l’autorité de van Ryn ; il est surtout connu pour son rôle hilarant dans la série télé « M.A.S.H. ».

Les costumes sont aussi beaux que les décors, La fort belle photographie est due à Arthur C. Miller qui fut nomminé plusieurs fois aux oscars de la meilleure cinématographie (aucun rapport avec son homonyme écrivain, Arthur Miller).

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Le film respecte le roman qui est considéré par les historiens comme une  page sérieuse sur l'histoire américaine des « patroons », louant leurs terres aux fermiers, ce qui finalement revenait presque à une forme de servage : non seulement les fermiers travaillent la terre mais en plus paient une redevance sans aucun espoir de pouvoir un jour en acheter ne fut ce qu’une parcelle.

Le terme « patroon » utilisé dans le film pour définir van Ryn et ses semblables, est un mot qui n’a pas d’équivalent en français, ni en anglais d’ailleurs – le terme dérive du hollandais « patroon » et signifie un propriétaire terrien avec des droits féodaux ; le « patroon » possédait des droits en propre, pouvoirs et privilèges d’un seigneur moyenageux, autorisé à avoir son propre tribunal civil et criminel.

Les terres des « patroons » possédaient leur village avec église entre autre infrastructure, où étaient enregistrés les naissances, décès, mariages, baptèmes des fermiers.

En Belgique, au 19ème et début 20ème siècles, un système patronal de ce type existait au Grand-Hornu, pour s’occuper des ouvriers travaillant dans les mines de charbon.

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