MY DINNER WITH ANDRE, de Louis Malle

 

Scenario d’André Gregory & Wallace Shawn 

Ce soir-là celui que l’on appelle familièrement « Wally » se rend au restaurant à la demande d’André Gregory, un ami du monde du théâtre, qu’il n’ a plus vu depuis de nombreuses années et se demande ce dont ils vont franchement pouvoir parler.
Cela ne sera pas un problème = dès qu’ils ont passé commande, le volubile André Gregory se met à parler, écouté avec une ironie gentille par Wally.
Vont y passer tous les sujets possibles = la vie, la mort, la manière dont les autres vous perçoivent et vous traitent avec une soi-disant attention qui n’est qu’une autre forme d’indifférence, le théâtre, la mise en scène, le désespoir des foules face à ce que montrent les médias, les happenings auxquels Gregory participa, notamment en Pologne avec Jerzy Grotowki, un metteur en scène polonais qu’il admire énormément. André parle de ses voyages, de ses expériences dans le domaine de la spiritualité (désert du Sahara, forêts polonaises, ferme tibétaine, la communauté de la secte Findhorn en Ecosse basée sur l’éducation holistique).

Ils parlent aussi de ces réunions mondaines, entre gens du monde théâtral, où lorsqu’on dit qu’on enseigne le latin on vous regarde bizarrement puis l’on s’éloigne de vous comme si vous étiez un pestiféré.
Les deux hommes s’accordent complètement sur ces moments totalement creux.
Au bout de 45 minutes, Wally sort de sa timidité pour exprimer ce qu’il ressent lui aussi sur le désespoir du monde, à contrer un peu ce qu’exprime Gregory sur la spiritualité, lui-même Wally étant nettement plus matérialiste. 

Wallace  Shawn exprime le  bonheur de la lecture qui peut aussi contrer le désespoir, sans passer par la case « religion » ou « spiritualité » - pour lui, la lecture représentait cela à une certaine époque, un livre de Jane Austen apportait ce bonheur qu’André recherchait dans ses voyages et ses expériences.
Pour Wally, en s’activant on peut aussi lutter contre tout cela, il faut tout simplement observer ce qui vit autour de soi, garder ses facultés de perception, s’activer est l’essence d’un être humain.
Alors que pour André il est plus important d’être à l’écoute de soi, savourer le bonheur de ne rien faire. Wally demande aussi « serions nous donc devenus des enfants trop gâtés qui s’ennuient ? ».
Pour l’un, celui qui s’ennuie s’endort, pour l’autre au contraire il est à l’éveil du monde, on retrouve son humanité intérieure plutôt que d’être constamment sur la brèche.
Pour Wally, une trop grande spiritualité est un danger, mais pour André la science et la technologie représentent un tout aussi grand danger. Car cette modernité est une entreprise de lavage de cerveau mise en place par un totalitarisme basé sur l’argent.

J’ai été totalement soufflée par la modernité de ces dialogues, écrits en 1981. Ils sont littéralement brillants.

Les textes furent tellement bien répétés par les deux comédiens-scénaristes-dramaturges que ce « dîner » a l’air totalement spontané alors qu’il s’agit  d’une fiction,  du moins en partie, car les deux scénaristes reconnaissent avoir mis un peu d’eux-mêmes malgré tout dans cette histoire.
Qui ne rencontra pas la faveur de certains critiques, du coup ne fut distribuée que dans un cinéma où à certaines heures passaient des films pornos, mais grâce à Roger Ebert, l’un des meilleurs critiques de cinéma de tous les temps, le film finira par trouver sa place dans d’autres salles et le public suivra avec enthousiasme.

Il a atteint le statut de film-culte et c’est totalement mérité.

Andre Gregory, naquit en France  en 1934, est un directeur de théâtre américain, écrivain et acteur. Il a été dans les années 1960-1970 l’un des metteurs en scène d’avant-garde de la scène newyorkaise, avec notamment une version d’Alice in Wonderland.
Sa compagnie théâtrale était le Manhattan Project. C’est en 1975 qu’il fit la connaissance de Wallace Shawn, il dirigea une pièce de cet auteur et commença alors non seulement une collaboration mais aussi une amitié qui dure toujours.
Andre Gregory est très partisan du « new age » et est un grand admirateur du metteur en scène polonais Jerzy Grotowski. Il quitta le monde du théâtre en 1975, pour y revenir de temps à autre, comme pour la production d’ « Uncle Vanya », qui ne fut finalement jamais monté au théâtre, mais devint un film réellement formidable (chronique ici), dans lequel on retrouve Wallace Shawn et une toute jeune Julianne Moore.
Après cela, il interprétera des rôles de caractère dans des films aussi divers que « the Last Temptation of christ » ou "Demolition Man" .

Wallace Shawn est un dramaturge, essayiste, acteur (notamment voix dans des films d’animation). Il a étudié les arts de la scène dans une université privée, puis l’histoire à Harvard et aussi la philosophie, la politique et l’économie , ainsi que le latin à Oxford. Il avait l’intention de faire carrière dans la diplomatie, puis voyagea aux Indes afin d’enseigner l’anglais dans le cadre d’un échange d’enseignants.
Ensuite il enseigna le latin à Manhattan, mais depuis 1979 il a fait carrière en tant que comédien.
L’une de ses pièces fut contestée pour « contenu pornographique »  par la brigade des mœurs britannique. Plus tard ses pièces de théâtre devinrent très politiques, s’érigeant fortement contre le fascisme de toutes les sociétés en général. Il a aussi écrit des commentaires politiques pour le magazine « The Nation », bref il ne cache pas ses engagements contre les pouvoirs de toutes sortes.
On le rencontre souvent dans des rôles humoristiques ; « Dinner with Andre » et « Vanya » sont deux de ses rôles les plus sérieux.

Si vous en avez l’occasion, je ne peux que vous engager à visionner ce film, en version originale de préférence (le film est sous-titré en français) – je n’ai pas peur des mots = les dialogues sont une vraie merveille (et pour qui voudrait le savoir = oui c’est bavard, mais dans le bon sens du terme).

Comments

[Teki]

Un film "bavard", j'avoue que cela ne me tente pas trop…

[Tania]

Je ne connais pas ce film, tu crois qu'il est disponible en médiathèque ?