GASLIGHT, de George Cukor
Titre français = Hantise
Scénario adapté de la pièce de théâtre « Gas Light » de Patrick Hamilton
Remake d’un film de 1939
Lorsque l’histoire commence, les journaux londoniens affichent en gros titre le meurtre de la célèbre cantatrice Alice Alquist – au n° 9 du charmant Thorston Square. Elle fut probablement assassinée pour ses somptueux joyaux – mais l’assassin-voleur a été interrompu par la jeune nièce de la victime, élevée par sa tante à la mort de sa mère.
On retrouve Paula plusieurs années plus tard, chez le professeur de musique, le maestro Guardi, qui fut également le professeur d’Alice. Le maestro est frustré car malgré les talents évidents de Paula, ses pensées semblent ailleurs que dans « Lucia di Lamermoor ». Elle lui confie alors qu’elle est amoureuse et qu’elle se sent trop heureuse pour interpréter des drames ; le brave homme, plein d’affection, lui conseille de laisser parler son cœur et de vivre sa vie et non celle de sa tante.
En fait, Paula est amoureuse du pianiste Gregory Anton, accompagnateur chez le maestro ; bien qu’il la presse de l’épouse, Paula a besoin de réfléchir un peu et part en voyage avant de revenir vers le lac de Côme. Dans le train elle a fait la connaissance d’une vieille lady, terriblement curieuse, qui lui parle du crime non résolu de Thorston Square, où elle-même s’est installée depuis quelque temps.
Finalement, Gregory et Paula se marient – après la lune de miel italienne, Gregory confirme à sa jeune épouse qu’il lui plairait de vivre à Londres, dans l’une de ces charmantes résidences dans la sérénité d’un petit square. Malgré le choc que lui causent ces mots, Paula, désormais Mrs. Anton, confirme à son époux qu’elle possède ce type de petite maison et qu’ils peuvent s’y installer, malgré les souvenirs qui la hantent. Au moment de l’installation, ils croisent la bavarde et trop curieuse Miss Thwaites, contente de retrouver Paula.
Après avoir mis tous les souvenirs d’Alice Alquist au grenier, la porte en ayant été condamnée, Gregory et Paula vivent assez cloîtrés ; la jeune femme est fortement sous l’influence de son époux qui lui confirme qu’elle ne va pas très bien, qu’elle oublie ou perd sans arrêt des objets lui appartenant. La jeune femme devient de plus en plus angoissée et confuse, d’autant plus que régulièrement l’éclairage au gaz de la maison se met à vaciller ou à presque s’éteindre sans raison, ensuite elle se met à entendre des pas – bruits que personne d’autre n’entend. Par ailleurs, Paula est de plus en plus isolée et ne rencontre pratiquement plus personne, sauf ses domestiques : la presque sourde Elizabeth et l’insolente et vulgaire Nancy. Il est vrai que chaque sortie se solde par un nouveau problème pour Mrs. Anton.
Pendant ce temps, le jeune inspecteur Brian Cameron, de Scotland Yard, a aperçu Paula et est sous le charme de sa ressemblance avec Alice Alquist qu’il vénérait . De plus, la disparition de certains joyaux l’intrigue. L’affaire a été classée et son supérieur prie Cameron de ne pas se mettre à rechercher l’assassin-voleur. D’autant plus que les joyaux furent offerts par « quelqu’un de très haut placé qui ne veut pas de vagues »…
Cela ne plaît guère à Brian Cameron – la cantatrice était son idole depuis l’enfance, elle l’avait même honoré d’une certaine amitié. Pour le jeune homme, ce meurtre doit être résolu.
Lors des oscars de 1944, le film de George Cukor obtint pas moins de 7 nominations, parmi lesquelles meilleurs premiers rôles pour Ingrid Bergman et Charles Boyer, et meilleurs seconds rôles pour Joseph Cotten et Angela Lansbury. Meilleure adaptation de scénario, meilleure mise en scène et meilleure photographie noir & blanc
Cette nomination d’Angela Lansbury la fit toujours ricaner car comme elle le disait avec son humour caustique = « c’était mon premier rôle au cinéma ; j’ai toujours trouvé ridicule qu’ ils soient prêts à me donner une importante récompense alors qu’il n’était même pas certain que je sois capable d’interpréter autre chose ! »
Pourtant elle était bien capable d’interpréter tous les types de rôle, cette formidable Angela Lansbury que le public retient surtout pour son rôle de « Jessica Fletcher ». Il suffit de la voir dans « Portrait of Dorian Grey » - 1ère version noir & blanc (billet ici) pour s’en rendre compte.
Dans « Gaslight » elle interprète la jeune femme de chambre, Nancy, et elle est d’une insolence, d’un mépris à l’égard de sa jeune patronne, totalement réaliste.
Je trouve même qu’elle vole la vedette à Ingrid Bergman, qui joue la victime d’une manière tellement mélodramatique que j’ai envie de la secouer à chaque fois que je regarde ce film – que j’ai déjà vu et revu au moins 5 fois.
Ingrid Bergman refera ce type d’interprétation d’une jeune femme, victime d’un psychopathe, dans « Under Capricorn » d’Alfred Hitchcock. (chronique ici)
L’époux musicien, assez ambigu, est interprété avec talent par Charles Boyer, considéré à l’époque comme le « french lover » à la manière dont Hollywood les voyait.
Le jeune inspecteur du Yard est joué par Joseph Cotten, qui sera également la vedette de « Under Capricorn » d’Alfred Hitchcock, où là il interprétera l’époux ambigu d’Ingrid Bergman, un rôle totalement à l’opposé du brave type de « Gaslight ».
La vieille dame curieuse est interprétée par Dame May Whitty, qui fut la disparue de « A Lady Vanishes » d’Hitchcock.
Contrairement à ce qui a souvent été pensé à son sujet compte tenu de son excellente interprétation, mise en scène et surtout photographie noir & blanc qui accentue les effets mystérieux et inquiétants, « Gaslight » n’est pas un film d’Alfred Hitchcock mais bien de George Cukor.
Ce metteur en scène était surtout connu à l’époque du film pour ses comédies, genre dans lequel il excellait – il est entre autres le metteur en scène de la première version de « Women », nettement supérieure à son remake.
Et il fut aussi le metteur en scène du prestigieux « My Fair Lady » avec la lumineuse Audrey Hepburn. Ses relations ne furent pas des meilleures avec Marilyn Monroe, dont la production fut arrêtée lorsque la Fox renvoya l’actrice.
Le réalisateur fut aussi un grand amis de Garson Kanin et Ruth Gordon avec qui il collabora sur plusieurs projets.
« Gaslight », même lorsqu’on connaît le meurtrier, est un film qui se laisse voir et revoir, ne fut ce que pour avoir le plaisir de trembler aux malheurs de la pauvre Paula Anton, née Asquit.
Les studios MGM tentèrent de supprimer toutes les copies de la première version de ce film, version datant de 1940, afin d’éviter la compétition avec la nouvelle version interprétée par des acteurs beaucoup plus connus. Ils n’y arrivèrent pas heureusement et j’aimerais bien la découvrir car, paraît-il, elle est encore supérieure à l’adaptation de Cukor.
Ambiance totalement roman gothique, à découvrir et re-découvrir – attention aux frissons si on regarde tard le soir – dur de s’endormir après cela.