MINE VAGANTI, de Ferzan Ozpetek
Titre français = Le Premier qui l’a dit
Titre anglais = Loose Cannons
Pas simple d’avouer son homosexualité à sa famille, surtout en Italie où un homme se doit d’être un « homme, un vrai ! ». Faut pourtant bien se lancer un jour – et c’est ce qu’a décidé de faire Tommaso Cantone, le plus jeune fils de la très bourgeoise famille Cantone, fabricants de pâtes de père en fils. Il a déjà avoué son homosexualité à son frère aîné, Antonio, celui à qui le père veut confier la direction de l’usine, leur sœur étant considérée comme quantité négligeable – et son mari n’est même pas apprécié par le père. Tommaso a décidé de faire son « coming out » le soir du grand dîner où se signera l’accord avec les Brunetti – seulement voilà : au cours du fameux dîner, c’est Antonio Cantone, le fils aîné, qui avoue son homosexualité à lui, son amour pour un ancien travailleur de l’usine, qui a été renvoyé pour sauver les apparences.
Toute la famille est sous le choc, sauf la tendre grand-mère, et le père Cantone est tellement choqué qu’il en fait un infarctus ! Du coup, Tommaso n’ose plus rien dire par crainte d’achever le paternel. Leur mère aussi est choquée, quant à la tante Lucia, elle en profite pour boire un verre en plus !
Lorsque le père sort de l’hôpital, il met désormais tous ses espoirs sur Tommaso, sans savoir que celui-ci préfère la littérature et l’écriture aux études d’économie – et qu’il a, à Rome, un amant Marco, qui attend son retour avec impatience.
Quant à Vincenzo, le père, bourgeois étroit d’esprit, il est devenu totalement paranoïaque, convaincu que dans leur petite ville du fond des Pouilles, tout le monde se moque de leur famille.
Pendant ce temps, Tommaso tente de s’intéresser à la fabrication des pâtes en compagnie de la jolie Alba Brunetti, très douée pour la gestion d’entreprise mais dont la conduite automobile laisse quand même à désirer !
Entretemps, les copains romains et Marco ont eu envie de revoir Tommaso et ont débarqué à l’improviste, ce qui va tout de même un peu bouleverser les Cantone, dont les parents ne se rendent compte de rien et trouvent tous ces jeunes gens des plus sympathiques.
La douce grand-mère de son côté, qui a caché un amour secret toute sa vie, décide soudain de s’offrir une orgie de petits gâteaux, alors qu’elle est diabétique.
Selon moi, beaucoup plus « drame » que « comédie dramatique », ces « Mines Dérivantes » explosent sous les pieds des protagonistes du film à chaque moment où ils s’y attendent le moins. Les moments où l’on sourit sont nettement plus rares que les moments d’amertume ou d’émotion.
Tommaso Cantone est interprété avec sensibilité par Riccardo Scamarcio – aux superbes yeux bleus – interprète avec sensibilité un jeune homme qui se sent obligé de cacher qui il est vraiment afin de préserver leur père, qui vient de chasser son frère aîné qui lui a coupé l’herbe sous les pieds. Antonio est joué par Alessandro Preziosi.
Le père, Vincenzo Cantone, est fort bien interprété par Ennio Fantastichini, le rôle lui a d’ailleurs valu un « Davide di Donatello » (oscar italien) pour meilleure interprétation masculine 2010 – il est très vrai en père qui trouve normal de tromper son épouse, mais par contre n’arrive absolument à comprendre pourquoi son fils n’est pas comme lui.
Son épouse est jouée par Lunetta Savino, et elle est assez touchante en mère qui refuse aussi d’admettre que son fils ait pu lui cacher sa nature profonde.
La tante Luciana, qui boit pour oublier sa solitude et qu’elle étouffe d’ennui au sein de sa famille, est jouée très justement par Elena Sofia Ricci.
Celle qui vole la vedette à tous est la Nonna – la grand-mère – l’actrice Ilaria Occhini a elle aussi obtenu le « Davide di Donatello » pour meilleure interprétation féminine 2010, et ce n’est que justice. Toute son interprétation est pleine de justesse, d’émotion retenue et de sensibilité. Carolina Crescentini l’interprète dans les scènes de jeunesse.
La jolie et compétente Alba Brunetti est jouée avec talent par Nicole Grimaudo.
C’est la région de Salento qui a prêté son paysage au film – la plage de Gallipolli propose un agréable moment de vacances, dans une histoire qui aurait pu être très étouffante s’il n’y avait pas eu des moments d’humour pour alléger les tourments de Tommaso.
Le film a également gagné un prix au festival de Tribeca, fondé par Robert de Niro.
Apparemment, le réalisateur d’origine turque Ferzan Ozpetek se serait inspiré d’une mésaventure similaire qui arriva à l’un de ses amis – la famille et l’homosexualité semblent être au centre de son travail de metteur en scène, puisqu’il avait déjà traité de ces sujets dans « Tableau de famille ».
De plus, le réalisateur dit apprécier les comédies françaises – avec Louis de Funès notamment - qui l’inspirent dans ses mises en scène. Selon lui, dans la comédie italienne comme dans le mélodrame turc, le rire naît de situations dramatiques – peut-être cela se ressent-il dans ses autres films, mais comme je l’ai déjà dit, j’ai trouvé qu’ici on était plutôt dans le drame.
J’avoue avoir toujours quelques difficultés à comprendre qu’en 2011 on puisse avoir de telles réactions face à l’homosexualité d’un membre de sa famille.
Un autre avis sur ce film sur le blog de denis (rubrique cinema).