LA MAISON ASSASSINEE, de Pierre Magnan
Tout à la fin du 19ème siècle, à Lurs en Haute-Provence, dans le relais-poste nommé La Burlière s’est produit un massacre dont seul un nourrisson de 3 semaines a été épargné. Trois hommes à l’époque furent condamnés et guillotinés, trois ouvriers herzégoviens qui clamèrent leur innocence jusqu’au moment de leur mort. L’enfançon fut confié aux sœurs de la charité.
Une vingtaine d’années et une guerre plus tard, le jeune Séraphin Monge a reçu les clés de La Burlière d’un notaire qui lui expliqua en long et en large que c’était ce qui restait de son héritage Monge, car il fallait pourvoir à son éducation. Le jeune homme est devenu cantonnier, a reçu un petit logement au centre ville et n’a guère d’intérêt dans cet héritage.
Au cours d’un orage où il se réfugie avec son collègue le vieux cantonnier Burle dans La Burlière qui se trouvait tout près, le vieux lui raconte l’histoire de cette maison maudite, c’est ainsi que Séraphin Monge apprend le drame de sa famille, et comment mourut cette mère qu’il n’a jamais connue mais qui se traîna jusqu’à son berceau pour le protéger avant d’y mourir, comme tous les autres Monge (l’aïeul, le Félicien et les deux jeunes garçons) sous les coups de couteau qu’on nomme tranchoir.
Il parle aussi des trois hommes qui payèrent ces crimes de leur vie, mais le vieux Burle était persuadé de leur innocence, mais qui l’aurait crû ?
Peu après, c’est un moine qui vient chercher le jeune Monge pour que leur prieur, mourant, puisse lui raconter la même histoire et lui demander de lui pardonner car il était trop jeune et trop peureux pour en parler.
Dès lors Séraphin Monge décide de démolir du toit à la cave cette maison maudite. D’abord le mobilier, puis le toit et les murs. Le jeune Patrice Dupin, une « gueule cassée », rescapé comme lui de la guerre, vient régulièrement bavarder avec lui, il aimerait s’en faire un ami, tout comme poursuivent Monge de leurs assiduités Marie Dormeur et Rose Sépulcre.
Pendant ces travaux de démolition, il a l’impression d’être surveillé, mais qui d’autre que des curieux du village ou des promeneurs du dimanche pourrait le surveiller ?
Plus tard, ce sera la sœur de Patrice qui voudra en faire son amant, le spectre de sa mère l’empêche de donner suite à ces avances. Monge n’a qu’une envie abattre cette maison.
C’est lorsqu’il s’attelle à la démolition de la cheminée qu’il trouve une boîte en métal comprenant des louis d’or et trois reconnaissances de dettes. Et ces papiers sont signés = Dupin, Dormeur, Sépulcre. C’était donc vrai ce qu’avait dit le vieux Burle, les trois ouvriers retrouvés ivres et les bottes couvertes de sang étaient innocents.
A partir de cette découverte, Séraphin Monge n’aura plus qu’une envie, venger sa mère. Seulement, à chaque fois qu’il décide de tuer un des trois coupables, quelqu’un devance ses intentions et le prive de sa vengeance en tuant le coupable avant lui.
Alors qui ?
Ce que j’en pense = ouvrir un livre de Pierre Magnan c’est comme ouvrir un livre de poésie en prose. Il parle de sa Provence, qui est aussi celle de son ami Giono, avec une telle beauté que, malgré la dureté de ce drame-ci, on oublierait presque cette vengeance de la part du jeune Séraphin Monge, revenu de la première guerre mondiale, où il pensait avoir côtoyé les pires horreurs, mais il est d’autres horreurs qu’il découvre en revenant au pays.
Il s’était bien rendu compte que les gens l’évitaient, mais il ne comprenait pas trop pourquoi jusqu’à ce que parle son collègue cantonnier.
La force de la nature, la Durance où il jettera toutes les pierres de cette maison maudite, la violence des sentiments, mais aussi des éléments lorsque la nature se déchaîne, lorsque souffle la montagnière, les senteurs de la terre, tout cela contribue à renforcer la noirceur du drame qui se produisit plus de vingt années auparavant.
Le personnage de Séraphin Monge n’est même pas vraiment sympathique, il rejette tout le monde d’un même visage fermé, on a pitié de ce qui arriva à sa famille, mais c’est tout, du moins ce fut tout pour moi. Son histoire, c’est vrai, est poignante si seulement il ne se comportait pas comme une brute avec ceux qui tentent, vainement, de l’approcher pour son affection voire son amour.
Les paysages et les sentiments sont âpres, les mœurs villageoises ne sont guère aimables, elles traînent dettes et rancoeurs et empêchent de vivre « normalement ». Quand les temps sont trop durs, même le chant des oiseaux se tait.
Le réalisateur Georges Lautner a adapté le roman au cinéma en 1988 (ici), il a rendu le personnage de Séraphin Monge bien plus humain que dans le roman.