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mon bonheur est dans la ville
15 mai 2011

PROMENADES NORMANDES - 2

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ZOLA A MEDAN

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Si je devais ne retenir qu’une ou deux choses de ce voyage, c’est cette découverte de la maison d’Emile Zola (un personnage autant qu’un écrivain que j’admire depuis mes jeunesse parce qu’il mit sa plume au service de ceux que frappa l’injustice) – l’autre beau souvenir étant l’exposition consacrée à Bonnard (au musée des impressionnistes de Giverny).

 

Depuis 1985, la maison d’Emile Zola est ouverte au public, elle est située rue Pasteur à Médan, sur les bords de Seine – le bas de la propriété est seulement séparée de la rivière par le chemin de fer. Chemin de fer qui inspira d’ailleurs « La Bête Humaine » à l’auteur.

Après cet été, la maison de Zola va être fermée pendant quelque temps afin de transformer la maison du charpentier - dont une partie appartenait à l’assistance publique (grâce à Madame Zola) – en Musée Dreyfus, grâce à l’aide matérielle de Pierre Bergé, compagnon d’Yves-St-Laurent.

 

Au départ, seule la partie centrale est achetée (maison de charpentier), en guise de maison de vacances – Zola la surnomme « sa cabane à lapin », elle ne comprend d’ailleurs également que le petit jardin à l’anglaise. Au fur et à mesure des succès littéraires de son propriétaire, « la cabane à lapin » s’agrandira =

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Même chose pour le jardin, qui au départ est le petit jardin à l’anglaise et qui finira par devenir un parc de plusieurs hectares avec  une ferme.

 

Il y aura beaucoup de relations entre les romans et Médan = comme je l’ai dit, le chemin de fer lui inspire « la Bête Humaine », symbole de modernité, mais la campagne de Médan lui inspirera « La Terre », un roman âpre et très dur, qui ne reçut pas un accueil très favorable de la population qui se reconnut à travers ces querelles de familles âpres à l’ appât du gain, ces personnages brutaux, dans une atmosphère dure et rude.

 

En tout il y écrira 8 romans = dont Germinal, Nana, les deux précités et au Bonheur des Dames.

 

Bien que considérée au départ comme une maison de campagne, Emile Zola va tellement se plaire à Médan qu’il y vécut pendant plus de 20 ans.

Au-delà du chemin de fer et de la Seine se trouve son endroit préféré = une île surnommée le « Paradou » ; il s’y réfugiait régulièrement avec son chien PINPIN, surnommé aussi « Chevalier Pinpin » par son propriétaire et ami ; ensemble ils faisaient de longues balades à travers la campagne, puis repos, sieste au Paradou.

 

Pourquoi «Paradou » terme provençal signifiant « paradis » - mais tout simplement parce qu’Emile Zola passa toute sa jeunesse dans le midi de la France, où il eut d’ailleurs pour ami d’enfance celui qui deviendra le peintre Paul Cézanne.

 

Emile Zola appréciait la modernité et le confort qu’il apportait – la maison de Médan possédait un calorifère, qui chauffait la maison, de même qu’une salle de bain avec un chauffe-serviettes.

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Par ailleurs, il fut un passionné de photographie, excellent photographe au demeurant qui développait ses photos lui-même dans un laboratoire installé dans la maison. Il fut aussi l’un des premiers à posséder une bicyclette.

 

La maison de Médan est un lieu qui montre aux relations de Zola la réussite de l’écrivain ; elle est remplie de détails, tous décidés par l’auteur – car il ne s’agissait pas uniquement de « prouver sa réussite », il désirait réellement en faire un lieu où se retrouvaient tout ce qu’il aimait.

Son admiration pour le peintre Claude Monet - qui était son ami, à qui il rendait régulièrement visite à Giverny – se retrouve dans l’aménagement de la cuisine qui est identique à celle du peintre.

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La maison a de Médan  été restaurée sur base des photos d’époque prises par son propriétaire.

C’est l’épouse d’Emile Zola, Alexandrine, qui surveilla les travaux lors des absences de son mari à Paris.

 

Cette maison et son aménagement est l’une des raisons, pense-t-on, de la dispute entre Paul Cézanne et Emile Zola. Le peintre qui poursuivait sa vie de bohème parfois difficile, n’apprécia pas, paraît-il, cette maison « tapageuse » de gros bourgeois.

De plus, il semble que Cézanne se soit complètement reconnu dans  le roman « L’œuvre », paru en 1886, la vie d’un peintre qui souffre pour son art, et ce portrait ne lui a pas plu, il en a voulu à Zola de l’avoir dépeint, ce que nia pourtant le romancier.

 

Il est vrai qu’à l’époque, Zola – qui défendit toujours les impressionnistes, notamment lors du fameux Salon – avait perdu une partie de son enthousiasme pour ce style de peinture et d’après Cézanne, cela se sent dans les pages du roman, ce qui lui déplut. Ils se gardèrent toutefois une estime mutuelle mais leur amitié était finie. On pense aussi qu’Emile Zola qui apportait son aide morale au peintre ne l’aida pas matériellement alors qu’il en avait les moyens, ce qui occasionna aussi une certaine rancœur.

 

La maison de Médan est aussi une revanche du journaliste-romancier sur son enfance difficile ; son père était un  émigré italien, Francesco Zola. Son père était ingénieur des travaux publics qui obtint le contrat pour la construction d’un système afin d’amener l’eau potable de la montage Sainte-Victoire vers Aix-en-Provence.

 

Hélas le père Zola meurt de pneumonie après la construction du barrage Zola. Les créanciers poursuivent la veuve qui monte à Paris avec le jeune Emile, entamant une action en justice contre les créanciers qui se disputent la société créée par son époux. La société sera rachetée, mais la mère d’Emile Zola est totalement démunie – elle élèvera Emile avec l’aide de la grand-mère maternelle de l’enfant. Elle restera très proche de son fils.

Ce portrait de femme courageuse et forte inspirera plusieurs portraits de femme dans l’œuvre du romancier

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A l’école Emile Zola fut fréquemment surnommé avec méchanceté « Gorgonzola », en raison de ses origines italiennes. Il obtint finalement la naturalisation française à l’âge de 22 ans.

Zola est depuis toujours passionné de littérature et sa décision de faire de l’écriture sa profession naît très tôt. Il rédigera même un roman sur les croisades ; son premier lecteur sera bien sûr Paul Cézanne. 

 

 

Dans le but de travailler comme écrivain, Emile Zola monte à Paris où il vit très modestement ; lui qui se passionne de littérature et écrit bien, échouera deux fois au bac en français !

 

Du coup il entre aux éditions Hachette au service des expéditions ; bien vite, ses remarques judicieuses sur certains textes attirent l’attention de ses supérieurs et il entre au service publicité des éditions. C’est ce travail là dont il profitera pour se lancer dans le journalisme et se consacrer désormais à l’écriture.

 

L’engouement pour la littérature se concrétisera bien sûr à Médan où les « Soirées de Médan » attirent ses amis – ensemble ils écriront un recueil de nouvelles, sous le titre des soirées – ceux qui les signèrent, en dehors de Zola,  se nomment Guy de Maupassant,  J.K. Huysmans, Henry Céard, Léon Hennique, Paul Alexis.

Gustave Flaubert, Tourgueniev, les frères Goncourt, Alphonse Daudet assisteront régulièrement aux soirées du groupe.

Oscar Mirbeau en fit également partie, mais la distance Paris-Médan finalement eut raison de sa présence aux dîners.

les auteurs des "soirées de médan"

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 Le cabinet de travail d’Emile Zola se trouve en haut de la Tour Nana – sur la cheminée, sa phrase préférée, sa citation personnelle = nulla die sine linea (ou « pas un jour sans une ligne », une citation de Balzac dont c’était aussi la devise personnelle que Zola fit sienne).

Le bureau de Zola est conçu comme un atelier d’artiste, avec de grandes fenêtres laissant entrer la lumière, donnant sur le jardin.

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Dans les escaliers figurent des affiches de films, adaptations de ses romans, mais également les adaptations théâtrales réalisées avant que le cinéma ne s’en empare.

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Chaque roman d’Emile Zola fait partie d’un travail de recherche minutieux, réellement journalistique, ce n’est pas sans raison qu’on le surnomme « le père du naturalisme français ». Pour « La bête humaine », il montera dans une locomotive afin de décrire l’engin avec précision ; pour « la Terre », il parla aux paysans, travailla dans sa ferme. Il se rend autant que possible sur les lieux où il situera son roman, afin de se documenter au maximum.

 

Dans la lingerie de la maison se trouve « la table à couper », qui sera construire dans la pièce même.  Madame Zola coupait et cousait elle-même ses vêtements. Cette femme admirable secondera son mari tout au long de sa vie, prenant en charge tous les détails matériels de la vie afin qu’il puisse travailler en toute quiétude.

 

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Mais c’est dans l’histoire de Jeanne Rozerot qu’elle se montrera réellement sous son vrai jour de femme généreuse. 
Ayant dû engager une jeune lingère pour l’aider au travail de la maison, cette jeune fille, Jeanne Rozerot, deviendra la maîtresse d’Emile Zola – qu’il installera dans une autre maison, qui lui donnera deux enfants et qu’il voyait en secret d’Alexandrine qu’il aimait aussi.

Lorsqu’une lettre anonyme lui apprendra l’existence de Jeanne et des enfants – le couple Zola n’avait pas eu d’enfant – Alexandrine eut beaucoup de difficultés à l’accepter, mais finalement se fit une raison et décida d’ « accepter ».
A la mort de son mari, c’est elle, Alexandrine qui mettra tout en œuvre pour que les enfants d’Emile et Jeanne soient reconnus et portent son nom.

la magnifique alexandrine zola

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Emile Zola ne fut pas immédiatement dreyfusard. Lorsqu’éclate l’affaire Dreyfus, il refuse de s’en mêler n’ayant pas assez d’éléments, pense-t-il, pour croire à l’innocence du capitaine.

Mais lorsque l’on découvre que le capitaine Dreyfus est innocent,  qu’Esterhazy est reconnu coupable mais pas condamné parce que pas juif lui, alors que Dreyfus croupit au bagne, là Zola va se réveiller. Comme il l’écrira = « désormais la vérité est en marche et rien ne peut l’arrêter ».

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C’est alors qu’il écrira le fameux « J’accuse » (titre par ailleurs choisi par Clémenceau et non Zola), un violent pamphlet contre l’armée française, une véritable apologie des droits de l’homme. On fera un procès à Emile Zola qui sera condamné à un an d’exil.  Cependant un nouveau procès graciera enfin le capitaine Dreyfus, qui ne sera cependant pas réhabilité comme il le méritait.

 

Emile Zola y aura consacré les dernières années de sa vie. Il mourra le 29 septembre 1902 à Paris, d’une asphyxie provoquée par les  émanations toxiques produites par la cheminée, où un feu avait été allumé pour réchauffer la chambre. La cheminée aurait présenté un problème d’obstruction. Alexandrine elle-même fut intoxiquée, mais put être sauvée à temps.

 

Cette mort déclarée d’accidentelle, due aux émanations de gaz toxiques,  provoquera quelques controverses, on n’exclut pas la possibilité d’un acte criminel. Cette thèse sera appuyée en 1952, lorsqu’un certain Pierre Hacquin affirmera avoir fait la connaissance en prison du  responsable de la mort de Zola, un ramoneur qui aurait intentionnellement bouché le conduit de cheminée et aurait fait disparaître toute trace de son acte criminel le lendemain matin même. Ce ramoneur était un partisan du mouvement de Déroulède, celui des antidreyfusards.  Ce témoignage n’a pas pu être vérifié.

une reproduction du tableau d'henri fantin-latour,
hommage aux artistes et écrivains amis
"Un atelier aux Batignolles"

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décor = l'atelier de Manet
Manet au chevalet
debout à gauche, le peintre Otto Schölderer
assis à côté de lui, l'artiste et critique d'art Zacharie Astruc
debout, de 3/4, avec chapeau sombre, Auguste Renoir
à droite de Renoir, Emile Zola
ainsi que le musicien Edmond Maître, ami de Fantin-Latour
debout le peintre Frédéric Bazille (de grande taille)
et finalement, dans le coin Claude Monet

(une immense merci à la guide-conférencière grâce à qui j'ai pu écrire cette chronique, pour son enthousiasme communicatif, qui m'a donné envie de relire tout Zola !)

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Commentaires
N
non, ça ne ressemble pas du tout à un "musée", cela ressemble à une maison où on a l'impression que quelqu'un y habite encore - mais bon j'ai pas mal d'imagination et un esprit un peu romantique :D<br /> <br /> tout y est en relation avec zola, tout y est d'origine<br /> <br /> la maison de médan va fermer pour les travaux destinés au musée dreyfus, mais je ne sais pas quand exactement
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M
J'adore Zola, je pensais aller voir cette maison !!! Est-ce que ça ressemble à un musée ? Il y a beaucoup d'objets en relation avec Zola ?
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N
mais quel compliment ! henri guillemin, c'est trop, vraiment :D
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L
un bon point pour toi, tu n'as pas fait ce voyage pour rien. ;OE)!<br /> Comme d'habitude tu es mon Henri Guillemin du blog.
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N
mais c'est grâce à la jeune femme guide que j'ai pu savoir tout ça ;)
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