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mon bonheur est dans la ville
3 juillet 2010

UN PEU D'HISTOIRE DU CINEMA - 4

LE SERIAL

(selon Roland Lacourbe, historien du cinéma)

En quelque sorte, ancêtre des séries télé actuelles, le « serial » cinématographique fut extrêmement populaire auprès du public américain au temps du muet et jusque dans les années 50.  Sa grande période furent les années 30-40. Il arrivera en Europe en version condensée, remontée pour l’occasion. Les surréalistes et intellectuels européens étaient de grands « fans » des « serials », au contraire des intellectuels américains qui les méprisaient profondément. Malgré sa popularité en Europe, il n’y eurent qu’une trentaine de « serials » qui sortirent en France, alors qu’au moins 231 serials furent tournés aux USA parmi lesquels 66 réalisés par la société Republic.

Le « serial » doit répondre à des normes bien précises = de 13 à 15 épisodes, se succédant de semaine en semaine, en complément à un long métrage.

Chaque épisode doit absolument se clôturer sur un cliffhanger, à savoir un moment d’intense suspense où le héros ou l’héroïne doit faire face à une situation d’un danger tel que le spectateur doit se demander toute une semaine comment il ou elle va pouvoir s’en tirer.

220px_PerilsofpaulineAu temps du cinéma muet, le « serial » le plus célèbre fut « The Perils of Pauline », avec la jolie Pearl White dans le rôle de la demoiselle en détresse. Après avoir été « Pauline », elle sera « Elaine » dans « The Exploits of Elaine ».

Les personnages masculins étaient interprétés par Douglas Fairbanks Senior, Tom Mix, et quelques autres.

En France ce furent « Judex » ou « Belphégor » (première version).

Le sujet de préférence des « serials » était le western, « Zorro » ou le « Lone Ranger » notamment furent des grandes vedettes du genre. Cependant quelques polars et films de sci-fi firent aussi les beaux jours du « serial » (Dick Tracy ou Captain Marvel  p.ex.).

Le chien « Rin-Tin-Tin » fut une très grande vedette de « serial ».

Pour Bertrand Tavernier (réalisateur et scénariste, ancien critique de cinéma pour « Les Cahiers du Cinéma » entre autres), le handicap actuel du « serial » est qu’on n’a  plus du tout la possibilité de le regarder dans les conditions dans lesquelles il paraissait sur les écrans ce qui le rend un peu « aride » au spectateur-cinéphile de dvd (fou d’histoire du cinéma) qui se sent presque « obligé » de regarder les 15 épisodes à la suite les uns des autres, alors qu’à la base le  « serial » était conçu pour être découvert semaine après semaine comme tout bon feuilleton qui se respecte.

Et de fait, je confirme = en les regardant à la suite les uns des autres, cela devient un peu fastidieux car il faut aussi se farcir à chaque fois le générique d’avant et après épisode.

200px_Junglegirl

Frank_Lackteen__Jungle_GirlJUNGLE GIRL- réalisation de William Witney & John English

Cela raconte l’histoire de l’intrépide Nyoka, élevée au fond de la brousse africaine par son père médecin, ayant laissé les Etats-Unis et la civilisation derrière lui à cause d’un frère jumeau à la réputation plus que douteuse, associé à une bande de malfaiteurs notoires.

Le docteur Meredith est très aimé de la tribu qu’il aide et soigne comme il le peut ; il est aussi le dépositaire d’une amulette sacrée qui lui donne accès au temple de la déesse lionne.

C’est dans ce temple que se trouve un coffre rempli des diamants venant d’une mine proche, dont le docteur se sert parfois pour acheter des médicaments et du matériel pour soigner la tribu, rien pour son compte personnel. Le docteur a toutefois un ennemi au sein de la tribu, c’est Shamba, le sorcier qui pratique la magie noire et tient à récupérer sa place d’honneur.

C’est alors qu’arrive un ami de son frère mourant ; Meredith accepte de le soigner mais hélas son jumeau est toujours aussi maléfique et de plus ses associés ont décidé de mettre la main sur les diamants. Après avoir assassiné le brave toubib, la bande de malfrats arrive dans la brousse, où Bradley Meredith se fait passer pour son frère, pendant que tout le monde commence à rechercher les fameux diamants.

Désormais les coups de feu, traquenards tant de la part des alliés du sorcier que des méchants blancs, vont devenir monnaie courante dans la brousse, jusqu’au dénouement final.

Jungle_girl« Jungle  Girl » est « Tarzan, au féminin » en quelque sorte, puisque comme lui Nyoka se déplace de liane en liane, ou à dos d’éléphant. Elle ne pousse toutefois pas de cri qui tue comme son collègue de brousse masculin. Elle émet une espèce d’appel qui ressemble au son que je produis lorsque je me cogne le gros orteil.

Le titre est emprunté à Edgar Rice Burroughs, accentuant encore la similitude avec Tarzan – cependant la similitude avec le roman s’arrête pratiquement au titre, car il ne reste rien de l’histoire écrite par Rice Burroughs.

Du côté des décors, alors là c’est fort dans le style minimaliste = 3 plans différents et c’est tout. Un village soi-disant africain, avec comme lieu principal la case de Nyoka et son père ; la caverne de la déesse de lions  et la case du méchant sorcier, pour les décors « d’intérieurs » ; à part cela on a droit à quelques images d’une supposée jungle, avec quelques précipices où dans le fond coule une rivière avec des crocodiles et des branchages un peu partout.

Pour les connaisseurs, c’est surprenant de la part du tandem réalisateur de « serials » qu’étaient William Witney & John English qui apportaient généralement un soin particulier aux décors.

Du côté des costumes, c’est franchement galère, au point d’en ricaner de bout en bout : les autochtones portent une perruque à hurler de rire tant elle est moche ; ils sont torses nus et certains sont plutôt ventripotents et ils portent des jupettes qui ont l’air d’avoir été découpées dans les tentures de leur grand-mère. Ils portent aussi des peintures, pour faire plus couleur locale j’imagine.

Mais celui que je plains le plus dans l’affaire est le pauvre gars qui a s’est retrouvé dans le rôle et la peau du gorille ! Là, c’est carrément du délire : il faut avoir  vu ça au moins une fois dans sa vie, ce type qui croit imiter la manière dont marche un gorille, avec un costume à moitié (torse) en plastique. Le nom de cet acteur est Emil Van Horn.

Celui qui n’est pas triste non plus dans le genre est Frank Lackteen, un acteur d’origine libanaise catalogué dans les rôles exotiques. Son interprétation du sorcier Shamba vaut le déplacement : généralement il parle par borborygmes à ses copains de la jungle, et sinon comme on supposait que parlaient les indigènes africains (toi aller lire Tintin au Congo pour comprendre quoi moi veut dire – je sens le procès en racisme me pendre au nez).

250px_Frances_Gifford_in_Cry_Havoc_trailerLe reste de la distribution est typique : la jolie et gentille blanche qui aide ses « amis » africains contre les « méchants blancs » ; elle est aidée par deux « bons blancs », le pilote et son navigateur. Et finalement les « méchants blancs », qui prennent tout le monde y compris les « bons blancs » pour des débiles profonds.

Nyoka est jouée par Frances Gifford, qui sera la « reine du serial » parlant. Sa plastique est parfaite, elle est absolument ravissante, mais quel costume elle aussi. On croirait un pyjama dont on a coupé le pantalon pour en faire un short ! Et  il faut la voir se balancer de liane en liane, à côté d’elle Tarzan, c’est le gnognotte.

Tom Neale (acteur de séries B) est Jack Stanton, le héros qui l’aide et est amoureux d’elle (what else ?) ; cet acteur avait un très sale caractère et une fâcheuse tendance à prendre ses épouses pour des punching ball – il tuera même la dernière d’une balle dans la tête. Ici par contre, il est tout sourire et charme !

150px_Eddieacuff2Son sympathique faire-valoir, Curly Rogers, est joué par Eddie Acuff qui apporte une note drôle aux situations même les plus dramatiques par ses remarques d’humour noir.

Il y a encore un jeune indigène du nom de Kimbu, ami de Nyoka, qui parle « petit nègre » évidemment et est joué par un enfant-acteur Tommy Cook.  Il a une bonne bouille, mais à part ça … néant !

Lutembi, le chef de la tribu, qui est l’ami des bons blancs, et tué par le méchant sorcier, est joué par Al Kikume, un acteur récurrent des « serials » puisqu’il jouait déjà dans le plus célèbre de tous les « serials » du cinéma muet « The Perils of Pauline ».

220px_Al_Kikume

Du côté des méchants, il y a comme je l’ai dit Frank Lackteen en Shamba, le très méchant sorcier dont la phrase préférée est « Nyoka mourir », « homme blanc mourir », « chef tribu mourir » etc. – du grand art dans les dialogues !

220px_Gerald_Mohr_Promo_Photo_AutographedLe très méchant blanc, mais ô combien séduisant, le dénommé Slick Latimer cerveau de toutes les manigances est interprété par Gerald Mohr.

Reste encore le double rôle de Trevor Bardette = d’abord le docteur Meredith, père de Nyoka, ensuite Bradley Meredith, roi des faux jetons, pleutre geignard qui se retranche derrière Latimer et joue la comédie devant sa « fille » (sa nièce en fait) ; bien sûr il n’est pas médecin comme son frère assassiné par Latimer. Et ça ne surprend personne parce que (astuce des scénaristes), on fait croire qu’il est partiellement amnésique. Je suis quand même un peu perplexe quant à la crédulité des spectateurs de cinéma des années 40 ! Bradley Meredith est évidemment prêt à doubler tout le monde y compris ses complices.

220px_Trevor_Bardette

Il y a encore, de ci de là, quelques lions que l’on prive régulièrement de leur casse-croûte car Nyoka arrive toujours juste à temps pour détourner le lion de sa proie – c’est à peine si elle ne les attaque pas à main nue comme les crocodiles. (Mais si, je vous jure, elle le fait !)

Oh et j’allais l’oublier, il y a également Bunny the elephant, le plus naturel de tous !

Ce fut donc un grand moment de nanar cinématographique, mais je n’aurais voulu manquer ça pour rien au monde. Très kitsch !

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