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mon bonheur est dans la ville
26 juillet 2009

QUAI DES ORFEVRES, d'Henri-Georges Clouzot

Quai_des_orf_vres

 

henri_georges_clouzot_011


Adaptation du roman « Légitime Défense » de S.A. Steeman, par H.G. Clouzot et Jean Ferry.

« Avec son tralala, son petit tralala … »

Maurice est pianiste, accompagnateur de son épouse Jenny, une jeune femme à la très jolie voix, bien décidée à faire son chemin dans le monde du spectacle et prête à (presque) tout pour cela ; Maurice vit très mal la frivolité de son épouse, sa jalousie le dévore et empoisonne leur vie de couple. Jenny a beau dire qu’elle n’aime que lui, ils se disputent comme chien et chat à longueur de journée.

A tour de rôle, chacun se plaint à Dora, la très belle photographe, amie d’enfance de Maurice et profondément amoureuse de Jenny, ce qu’elle cache habilement.

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Dora n’hésite pas, afin de gagner sa vie, à faire des photos d’un genre un peu particulier et plus particulièrement pour un certain Brignon, sale type, mais très riche. Ce Brignon est très amateur de très jeunes femmes ; il est terriblement attiré par Jenny à qui il promet la célébrité.

Malgré la colère de Maurice, Jenny a décidé d’accepter un dîner chez Brignon, afin de discuter d’un contrat. Est-elle donc si naïve, c’est ce que même Dora lui demande.

Lorsqu’il réalise que sa femme, malgré sa promesse, s’est quand même rendue chez le vieux dégoûtant, Maurice – qui a déjà proféré des menaces contre lui – décide d’aller récupérer son épouse ; il emporte même une arme ; avant cela il se prépare un alibi en se rendant dans un music-hall, où chacun le reconnaît. Puis s’échappe à l’entracte par l’entrée des artistes.

Arrivé chez Brignon, il constate que le bonhomme est couché devant l’âtre, tout autour de lui indique une lutte. Affolé, il veut reprendre sa voiture, qu’on lui vole sous son nez. Il va cependant retourner vers le music-hall, mais fort tard.

Jenny, pendant ce temps, sanglote dans les studios de Dora ; elle dit avoir tué Brignon d’un coup de bouteille sur le crâne après qu’il soit devenu trop empressé. Puis réalise qu’elle y a oublié sa cape. Dora la récupérera pour elle ; elle en profite pour essayer des empreintes ça et là.

Entre en scène l’inspecteur principal (adjoint) Antoine, qui tente tant bien que mal de réchauffer son petit intérieur où dort son fils qu’il adore. Il doit cependant quitter la chambre pour rejoindre la P.J. puisqu’on lui colle l’enquête de Brignon sur le dos.

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Antoine est un brave homme, revenu blessé des colonies, avec un petit garçon métis qui est son seul bonheur dans la vie. Antoine n’est pas un homme très amer, c’est surtout un cynique, qui sait qu’il ne montera pas les échelons par manque de diplomatie.

Bien vite ses soupçons vont se tourner vers Maurice dont l’alibi soi-disant parfait présente quand même quelques lacunes. Jenny est effondrée, elle réalise que c’est son comportement qui a mené à cela, mais lorsqu’elle veut se dénoncer Dora l’en empêche, n’arrivant pas à cacher totalement ses sentiments pour elle.

Entre Dora et l’inspecteur principal (adjoint) se noue une relation d’estime mutuelle, même s’il est persuadé qu’elle lui cache quelque chose.

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Par contre, lorsque Jenny l’insulte lui et tout le corps policier, il la remet vertement à sa place, lui expliquant que c’est peut-être un sale boulot mais que les péquenots sont quand même bien contents que les criminels soient derrière les verrous, comme par exemple ce garagiste-voleur de voitures qui a assassine, entre autres, un tout jeune policier.

Maurice est donc arrêté et tout laisse à penser qu’il sera condamné pour un crime qu’il n’a même pas commis.

Après m’être délectée de cet « Assassin habite au 21 », tiré également d’un roman de Stanislas-André Steeman, il m’est venu l’envie de revoir d’autres films de H.G. Clouzot, ce cinéaste formidable qui dut subir une chasse aux sorcières à la libération, pour avoir réalisé son film « Le Corbeau », produit comme « L’Assassin… » par une société allemande, et ce malgré la critique évidente du climat de délation provoqué par les Allemands que  l’on retrouve dans « le Corbeau ».

Bien que défendu grâce à son ami Henri Jeansson, Henri-Georges Clouzot subira une brève interdiction d’exercer son métier de cinéaste. Plus tard, il sera innocenté de l’accusation de « collaboration », mais il n’empêche que Clouzot ne tournera plus avant 1947, l’année du « Quai des Orfèvres ».

Une fois de plus, il s’agit d’une adaptation TRES libre du roman de S.A. Steeman, ce qui ne plaira qu’à moitié au romancier.

Il faut bien reconnaître qu’ici le cinéaste, qui est aussi l’un des scénaristes, insiste lourdement sur l’aspect sordide du récit.

Stanislas-André Steeman enrageait d’ailleurs des libertés prises avec tous ses romans, Clouzot ayant déjà adapté en tant que scénariste son roman « le Dernier des Six ».

C’est hélas le propre de la plupart des romanciers d’être souvent déçus par les adaptations cinématographiques de leurs romans.

« Quai des Orfèvres » (adapté de « Légitime Défense ») est véritablement un classique du film « noir », c’est une vision amère de la vie et des difficultés à vivre des protagonistes, tous mal dans leur peau.

L’histoire se divise en deux parties assez distinctes, toutes deux étant des sortes de huis-clos assez pesants : d’abord les relations Jenny Lamour/Maurice Martineau, où sa légèreté d’attitude à elle exacerbe sa jalousie à lui, avec entre eux Dora la photographe qui tente de calmer le jeu dans le huis-clos de leur immeuble et du music-hall.

Ensuite, entrée en scène de la police, représentée par Antoine, brave homme mais policier sans illusions sur le genre humain, ici encore huis-clos au sein des bureaux du quai des Orfèvres.

Les cadrages semblent directement hérités du cinéma expressionniste allemand, celui des années 20, où les personnages se reflètent et sont comme « emprisonnés » (les miroirs, la cellule de prison, les coulisses du music-hall ou les bureaux exigus de la P.J., la nuit, les ruelles vides, pleines de flaques), tout cela formidablement accentué par la photographie noir & blanc.

Les personnages sont prisonniers d’eux-mêmes, de leurs passions, de la jalousie, de l’envie de sortir de la pauvreté, et leur sensation d’étouffer se transmet véritablement au spectateur.

C’est aussi l’une des premières fois où l’on ose parler de l’homosexualité féminine dans un film, mais de manière suffisamment subtile pour que la censure ne passe pas par là.

Le personnage de Dora et ses rapports ambigus avec Jenny sont un sujet que l’on retrouvera ultérieurement dans « Les Diaboliques ».

Que dire de l’interprétation ? qu’elle est formidable ? c’est un terme bien banal pour tout le talent qu’expriment Louis Jouvet, Bernard Blier, Suzy Delair et Simone Renant.
Jouvet est un inspecteur Antoine parfait, qui cache sous ses dehors bourrus un cœur très tendre, très bon. La manière dont il manifeste son affection à son petit garçon est émouvante à souhait, tout est sympathique la manière dont il comprend Maurice, Jenny et Dora.
C’est Bernard Blier qui interprète le pianiste trop jaloux, se trimbalant avec un air de chien battu, qui mord quand on le pousse à bout.

Et pour ce qui est de le pousser à bout, elle le pousse à bout sa Jenny Lamour, arriviste, provoquante, sensuelle. Elle est jouée par Suzy Delair, lancée grâce à Clouzot avec « L’Assassin habite au 21 », où elle était l’agaçante mais très amusante compagne de Mr. Wens.

Celle dont j’ai trouvé le jeu sublime c’est Simone Renant, toute en retenue et en souffrance dans le rôle de Dora, qui aime, essaie de protéger, d’aider.
Je comprends qu’elle plaise au policier charge de l’enquête car en fait elle lui ressemble beaucoup.

Reste encore à signaler la courte performance de Charles Dullin, un grand ami de Louis Jouvet, dans le rôle de Brignon par qui le malheur arrive.

Dans de petits rôles, on trouve Robert Dalban en garagiste-truand, Pierre Larquey en sympathique chauffeur de taxi, Raymond Bussières en jeune truand, Annette Poivre en téléphoniste, sans oublier Jeanne-Fusier Gir en dame du vestiaire.

Et dans le rôle d’un inspecteur-adjoint à Jouvet, on trouve un tout jeune Jean Daurand, qui deviendra plus tard, l’inspecteur Dupuy, l’adjoint de Bourrel-Raymond Souplex dans « Les Cinq dernières minutes ».

Je suis enchantée d’avoir pu revoir ce « Quai des Orfèvres », parce que j’adore Louis Jouvet et bien que je sache que depuis il y a eu dans le cinéma français d’excellents acteurs, il reste totalement irremplaçable.

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