HISTOIRES DE CINEMA, de Pauline Carton
Avec quelques dessins humoristiques de Paul Perret
Dans ce livre-document, la comédienne-chanteuse-auteure de théâtre Pauline Carton, partage en 19 chapitres, sur un ton savoureusement caustique, des souvenirs de comédienne, mais surtout de ce que fut le cinéma(tographe) et ses débuts balbutiants. C’est à la fois un travail de « mémoire », rempli de détails historiques, exacts, puisque pris sur le vif.
Intitulés des Chapitres = poncifs – truquages – lardons de l’écran (=> enfants) – les amoureuses – pudeur et morale – débuts (ceux du cinéma, pas de l’auteure) – extérieurs – plus ça change – mais … - gloires et soucis de vedettes – ici, l’on paie … - commanditaires - habilleuses et maquilleurs – spectateurs – pépins et étrangetés – les petits, les obscurs – féeries – scénarios ingénus – destination inconnue –
Dire que le document m’a fait rire, ce n’est pas lui rendre l’hommage qu’il mérite, j’ai carrément éclaté de rire à certains passages, mais aussi été émue par ces souvenirs – si on a eu la chance de voir Pauline Carton au cinéma, dans les rôles qu’elle préférait (concierge, soubrette, ou mégère), on comprendra aisément le ton pince-sans-rire qu’elle utilise pour donner son avis ou partager ses souvenirs.
Dans le chapitre « spectateurs », elle n’hésite pas à dire que le genre qu’elle préfère c’est le roman noir ! vous pensez si dès lors elle m’a conquise, moi qui suis une avide lectrice de polars (mais pas que =^-^=).
Je la cite = quelle que soit la profondeur de monsieur Sartre, le clacissisme de monsieur Prévert et la « jovialité bien connue » de monsieur Genet, le genre de production moderne qui m’épate et me séduit, c’est le roman noir.
Dans « féeries », elle rend un vibrant hommage à Georges Mélies, ce véritable magicien qui avait voulu acheter l’invention des frères Lumière, qui avaient refusé, et dès lors Méliès bricola tout ce qui était nécessaire pour filmer des petites histoires de son invention, non pas des « trains entrant en gare » ou autres documentaires, mais de véritables petits scénarios humoristiques, dont il était l’auteur mais aussi l’un des interprètes avec son épouse et des amis.
Oublié après la guerre 14-18, un journaliste redécouvrit Méliès et il fut fêté, félicité, décoré. D.W. Griffith déclarait que le cinéma lui devait tout. (un bel hommage à Mélies est aussi le film de Martin Scorsese sorti en 2011 « Hugo Cabret »)
Dans « scénarios ingénus », c’est à Max Linder qu’elle rend hommage, citant notamment qu’il inspira Charlie Chaplin.
Et à propos de ce pluriel, Pauline Carton reconnaît que le pluriel serait « scenarii », mais comme elle ne parle pas italien, elle ne voit pas pourquoi elle devrait frimer de cette manière.
J’ignore si le livre est encore disponible, le mien a été trouvé dans une bouquinerie il y a bien longtemps et j’ai décidé d’un peu nettoyer ma pal.
De plus en ces jours pénibles de pandémie, rien de tel pour retrouver le sourire.
En tout cas, si vous le trouvez, surtout n’hésitez pas à l’acheter car il en vaut la peine – l’auteure utilise parfois des expressions argotiques, mais elles sont très faciles à comprendre, d'autant plus qu'elles sont peu nombreuses.
A propos de Pauline Carton = je ne citerai pas ici une biographie de cette femme talentueuse, mais je veux absolument mettre l’accent sur sa grande culture, qui fit dire d’elle par Sacha Guitry « qu’elle était sa bibliothèque ambulante (et particulière). Elle était devenue sa confidente et il la chargeait généralement du casting « non officiel », il la laissait choisir qui elle pensait ferait l’affaire pour un rôle, ensuite l’affaire suivait son cours officiel. Elle était aussi sa secrétaire pour les films historiques ; elle était chargée des recherches afin que le tournage d’histoires historiques soient les plus vraisemblables possibles, même si romancées.
Certaines correspondances entre ces deux personnages montrent qu’elle n’hésitait pas à lui donner son avis, et même ses critiques, sur les mises en scène au théâtre.
Pauline Carton se vit offrir pas moins de 22 rôles par Sacha Guitry, toujours dans le registre qu’elle appréciait = soubrette, concierge, mégère.
J’aime par-dessus tout une citation d’elle = « quand j’étais jeune j’avais le visage lisse et des robes plissées ; maintenant c’est le contraire ! »