LES MILLE VIES D'AGATHA CHRISTIE, de Beatrix de l'Aulnoit

Lorsque j’ai découvert ce livre, je me suis dit « encore ! mais que peut-on bien encore dire au sujet d’Agatha Christie ? d’autant plus que j’avais lu l’excellente biographie écrite par Laura Thompson (ici). Cette biographie-là n’est hélas pas traduite, je pense que c’est ce qui a incité Beatrix de l’Aulnoit, journaliste et biographe, à écrire cette « nouvelle » biographie.

Une bonne biographie à propos de celle qui s’était baptisée elle-même « la Duchesse de la mort », après avoir obtenu un énième prix dû à son talent pour inventer des meurtres, souvent très retors, mais jamais dégoulinant de sang ou de membres coupés.
C’est d’ailleurs à cause de son beau-frère James Watts, époux de sa sœur chérie, Madge, qu’elle écrivit « Hercule Poirot’s Christmas » (le noël d’Hercule Poirot), car son beau-frère lui avait fait remarquer que,  dans ses livres, tous les crimes étaient « lisses », il n’y avait jamais de sang, puisque la plupart du temps ses victimes étaient dues au poison.
Du coup elle concocta ce « noël » avec une scène pleine de sang !

Le livre est truffé d’anecdotes de ce genre. Il est construit sur le même canevas que la biographie écrite par Laura Thompson = chaque chapitre porte le titre d’un moment important dans la vie de Dame Agatha.
Il commence par une analepse = la notoire disparition.
Pour Beatrix de l’Aulnoit, il ne fait aucun doute qu’Agatha Christie, déprimée par la mort de sa mère adorée et par l’annonce par Archibald Christie qu’il en aimait une autre et qu’il voulait divorcer, l’avait plongée dans un état des plus douloureux au point d’envisager le suicide ; elle avait l’intention de jeter sa voiture dans un ravin, mais termina dans le fossé, elle s’extirpa de la voiture, laissant tout derrière elle et disparut pendant 10 jours !!!
Personnellement j’ai beaucoup de difficultés à croire à ce qui suivit = elle prit le train pour le  nord, s’installa à l’hôtel sous un faux nom - dont le patronyme était celui de la maîtresse de son mari – expliquant qu’elle revenait d’Afrique du Sud, que ses bagages arriveraient plus tard (ils n’arrivèrent forcément jamais) et ce n’est que lorsque des membres de l’orchestre de l’hôtel comparèrent cette cliente avec les photos à la une des journaux, que son mari Archibald Christie, pratiquement accusé du meurtre de son épouse, la retrouva.

Pour avoir ourdi un tel plan, je ne crois pas à l’amnésie, cela ressemble plutôt à ce que l’on a dit depuis = un plan élaboré avec sa meilleure amie pour « punir » son mari et se ressourcer. 

Après ce chapitre-là, la vie de la petite Agatha Miller est racontée de la manière la plus chronologique possible, mais avec ça et là des petits retours en arrière sur l’époque et les détails/anecdotes des gens que la Duchesse de la mort côtoya tout au long de sa  vie.
Y compris ses démêlés avec le fisc, qui se sucra sur ses gains et pas qu’un peu ! heureusement le second mari de sa fille Rosalind, Anthony Hicks, était un spécialiste de la finance et il arrivera à sauver les meubles.

Comme je l’ai dit, le livre est truffé d’anecdotes qui nous la rendent humaine et drôle, car elle avait un excellent sens de l’humour – surtout caustique.
Elle avait une voix magnifique, son rêve était de pouvoir se produire à l’opéra – hélas sa très grande timidité ne le lui permit pas ; cette timidité la poursuivra toute sa vie au point qu’elle se sentait incapable de donner des conférences. Quant aux journalistes, elle ne voulait même pas en entendre parler après le scandale que fit sa disparition.

C’est aussi l’histoire d’une époque, de l’ère victorienne jusque dans les années 1980 – avec beaucoup de détails sur ces époques justement, non seulement au niveau culturel mais aussi politique. 
Sans oublier la place que l’archéologie tint dans sa vie, avec son 2^ème mari, l’archéologue Max Mallowan. A ce propos, là encore Agatha Christie eut l’occasion de s’énerver sur un journaliste, qui lui prêtait cette boutade = « épousez un archéologue, plus vous vieillirez plus il vous appréciera », phrase que jamais elle ne prononça. 

Je recommande donc cette nouvelle biographie de l’une des plus grandes romancières de romans policiers qui ait existé, ses amitiés, son amour pour sa mère et ses deux grands-mères, dont elle gardera la nostalgie tout au long de son existence. Il est des souvenirs qui ne veulent pas s’effacer.

La biographie est suivie d’une bibliographie, dans laquelle on trouve le roman de Brigitte Kernel (Le Chapitre disparu) et la biographie de Laura Thompson. Sans oublier celles écrites par Charles Osborne et François Rivière. 
Et quelques références dans la biographie à ses romans écrits sous le pseudonyme de Mary Wesmacott, comportAnt beaucoup d'éléments personnels. 

Comments

[maggie 76]

J'avais lu son autobio et je crois que je vais m'arrêter là...

[Hedwige]

Autant je suis une grande paresseuse quand il s'agit de lire une biographie, autant j'ai du plaisir quand tu nous en fais savourer l'essence de la quintessence 😍

[Colo]

Les anecdotes, ce sont elles plutôt que les dates ou noms, qui nous font nous souvenir bien mieux des personnes. Je le note donc avec plaisir !



Chouettes photos que tu as dénichées, merci!

[aifelle1]

Ah cette disparition, elle en a fait couler de l'encre ! Et elle a gardé son secret la fine mouche. Je ne lis plus Agatha Chrstie depuis longtemps, mais une biographie, pourquoi pas.

[Teki]

Allez , elle file dans ma PAL :) Merci Niki ;)