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mon bonheur est dans la ville
1 octobre 2017

AGATHA CHRISTIE, AN ENGLISH MYSTERY, de Laura Thompson

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Une biographie que j’ai trouvée objective – qui ne transforme pas « la Duchesse du crime » en icône intouchable des polars, mais au contraire une femme de chair et de sang, qui depuis l’enfance et la jeunesse vivait dans un monde enfantin, imaginaire d’un amour éternel et totalement irréaliste. Qui n’arrivera à « grandir » qu’après le décès de sa mère adorée et son divorce.

 Agatha_christie1

Ce qui ressort – à mes yeux – de cette intéressante lecture, est l’égocentrisme total non seulement d’Archibald Christie, incapable d’accepter un monde où il y avait du chagrin et des difficultés et celui d’Agatha Christie qui pensait avoir trouvé son « prince charmant » et refusait de grandir.

De l’évanescente créature dont il tomba amoureux – et elle devait être très belle dans sa jeunesse – à la jeune matrone qu’elle était devenue en mûrissant et après la naissance de leur fille, il est certain que ce couple était des plus mal assortis. Il aurait voulu qu’elle restât aussi belle qu’à 20 ans, elle aurait aimé qu’il apprécie les voyages et sortir un peu.
Elle n’a pas non plus compris que la guerre 14-18 avait laissé des séquelles dans une personne qui avait déjà, comme toute sa famille, les nerfs assez délicats.

AVT_Agatha-Christie_2970 

Clara Miller avait dès le départ prévenu sa fille que ce jeune homme n’était pas « fiable », mais allez donc raisonner une fille amoureuse ! Ce qui semble évident c’est que la mère d’Agatha n’avait pas fort envie que quelqu’un d’autre fasse l’objet de l’adoration de sa fille et Archibald Christie n’apprécia jamais le regard inquisiteur de sa belle-mère.
Vivant dans l’ombre d’une mère adorée, dont elle ne se rendit pas compte à quel point elle était possessive, Agatha Christie ne fut pas, pour sa part, très maternelle.
En fait, elle dira toujours de Rosalind, leur fille, qu’elle était beaucoup plus « la fille d’Archie » que la sienne. Leurs relations ne furent jamais aisées.
J’ai aussi découvert par cette biographie, qu’Agatha se sentait en compétition avec Madge, sa sœur aînée, qui écrivait aussi – des pièces de théâtre – et devint célèbre avant Agatha, pour le talent de laquelle Madge montrait quelque condescendance – ah les sœurs entre elles !

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Le chapitre « The Quarry » raconte les fameux 11 jours de sa « disparition » en décembre, dont il est évident qu’elle ne fut jamais une disparition puisque Agatha Christie avait écrit à son beau-frère Campbell Christie qu’elle avait décidé de se rendre à Harrogate pour y prendre les eaux et se refaire une santé. La mort de sa mère l’avait fort atteinte et elle sentait aussi qu’Archie se détachait d’elle.
Malheureusement, lorsque Campbell Christie montra cette lettre à la police, lorsque la disparition fut connue au bout de 3 jours, le policier ne la prit pas au sérieux et tint absolument à monter de toute pièce une histoire de crime du mari !
Lorsque finalement Archibald Christie retrouva son épouse à Harrogate, ils jouèrent la comédie de l’amnésie.
La presse fut particulièrement « remontée » contre Agatha Christie, l’accusant d’un coup de pub, d’avoir dépensé l’argent du contribuable dans une course à sa recherche, ce que pourtant elle n’avait jamais souhaité puisqu’elle avait écrit où elle se trouvait. Entre la presse et elle, la guéguerre fut définitivement déclarée.
Ce chapitre, dont la 2ème partie est la plus intéressante car basée sur ce qui suivit lorsqu'Agatha fut retrouvée - commence par « inventer » Agatha à Harrogate -  l’autrice Laura Thompson expliquant que c’était là la seule portion « imaginée » dans cette biographie puisque personne jamais ne révéla ce qu'il en fut.
En tout cas la théorie comme quoi Agatha monta cette histoire de toute pièce avec Nan Kote, son amie, pour punir Archie est aussi invraisemblable que son amnésie, qui fut la version officielle qui arrangeait les principaux protagonistes et qui sera conservée pendant encore de très longues années, y compris par Rosalind Hicks-Christie, qui dira toujours "je connais l'histoire mais je ne dirai rien !". (autant se taire complètement plutôt que de se faire mousser !) 

Le livre dévoile aussi qu’Agatha Christie n’était pas toujours tendre en affaires ; de l’un de ses ancêtres banquiers, elle avait le don de l’argent et ne fit de cadeau à personne, et surtout pas à sa première maison d’édition lorsqu’elle réalisa, grâce à un nouvel agent littéraire, qu’ils s’étaient fait de l’argent sur son dos !
Paradoxalement, dans le chapitre « Last Years », l’autrice nous explique en long et en large  les démêlés de la romancière avec les services des finances tant américains que britanniques, à tel point qu’elle frisa la banqueroute à plusieurs reprises, les services des finances n’aimant guère que le moindre penny leur échappe, et dans son cas, c’était carrément en milliers de livres ou de dollars.
C’est ainsi que se créera l’Agatha Christie Ltd, qui paiera des gages à Dame Agatha. Les problèmes financiers tant avec les USA et l'Angleterre furent un peu fastidieux à lire.

Tout comme Charles Osborne, biographe officiel d’Agatha Christie, Laura Thompson montre à quel point les 6 livres écrits sous le pseudonyme de Mary Westmacott sont en grande partie autobiographiques.
Par contre, en plus, Laura Thompson dévoile que dans chacun de ses romans policiers également, Ms. Christie inclut des pensées et des situations très personnelles dans ses personnages, ces derniers - surtout les jeunes femmes - révélant  ce que Agatha Christie était.
Du vécu sans que le public ne s’en rende compte.

Agatha Christie et l'univers de femme-enfant qu'elle avait créé dans sa jeunesse m'a agacée, je l'avoue. Ce qui me dérange toujours beaucoup sont les personnes qui se font passer pour des victimes, mais qui finalement manipulent leur entourage - et c'est un peu ce que fut le couple Agatha-Archie Christie.
Mais par contre, se dévoile aussi une personne avec des défauts et des qualités, comme n’importe quel être humain, ce que je n’ai pas trouvé dans la biographie de Charles Osborne, les deux livres sont intéressants ne fut-ce que pour lier la fiction des romans à la réalité du vécu.

J’ai apprécié le ton détaché que Laura Thompson a utilisé pour la biographie dAgatha Christie « An English Mystery », froid mais pas impersonnel, objectif surtout - souvent une biographie est teintée de l'émotion, de l'admiration que le biographe ressent vis-à-vis de la personne dont il parle.

L’écriture est belle, un vocabulaire choisi – la biographie est divisée en 11 chapitres = the Villa at Torquay et the Young Miss Miller (parlant de Ashfield et de la jeunesse d’Agatha Miller et sa famille) – the Husband (Archibald Christie entrant dans sa vie) – the Child (Rosalind l’enfant qui ressemblait plus au père qu’à Agatha) – the Secret Adversary – the Quarry (voir plus haut) the Second Husband (l’archéologue Max Mallowan, 15 ans de moins qu’elle, qui l’aima telle qu’elle était – à propos Agatha Christie n’a jamais dit « épousez un archéologue, plus vous vieillissez plus vous prenez de l’intérêt à ses yeux – elle détestait cette phrase, et plus encore qu’on osât la lui attribuer) – WarEnglish Murder (une étude de l’œuvre, entre autres, mais aussi de l’opinion d’autres écrivains de polars – Raymond Chandler ne fut absolument pas tendre à son égard, Ruth Rendell & P.D. James trouvaient aussi que ses livres manquassent de substance) – the Late Years – God’s Mark.

A lire si on aime « la Duchesse du Crime » et ses polars toujours à lire, toujours aussi intemporels (j’ignore si la biographie a été traduite, en tout cas je n’en ai pas trouvé de trace)

téléchargement (1)

LAURA THOMPSON est une journaliste et romancière britannique qui obtint le prix « Somerset Maugham » pour son premier livre « The Dogs = a personal history of greyhound racing ».

Elle est également l’autrice de « Life in a Cold Climate », une biographie de Nancy Mitford. Ce livre fut suivi par « Take Six Girls », l’histoire des 6 sœurs Mitford.
Par ailleurs, elle a aussi écrit un essai sur lord Lucan = « A Different Sort of Murder ».

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Commentaires
M
Cette biographie a l'air en effet complète et intéressante. Peut-être un jour ...
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C
Cela a l'air vraiment très complet comme biographie (si tu as réussi à apprendre des choses sur Agatha Christie, il est évident que j'en apprendrais beaucoup). Si ce n'est pas indiscret, cela fait combien de pages ? Explique-t-elle aussi comment elle a trouvé toutes ces informations (notamment financières) ? Merci et bonne soirée :)
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M
PS : c'est horrible ce que tu dis des matronnes ! On vieillit tous et à part s'appeler Madonna ou les stars hollywoodiennes, rarement les gens restent les mêmes...
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M
J'adore A. Christie mais j'ai déjà lu une bio très complète et ça me suffit ! Mais ton billet est évidemment très intéressant.
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T
Eh bien on pourrait un film de cette biographie ! Et j'espère qu'il sera un jour traduit dans la langue de Molière :)
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