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mon bonheur est dans la ville
19 mars 2014

UN AMOUR FOU, de Catherine Hermary-Vieille

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L’histoire l’a retenue sous le nom de « Jeanne la Folle », pour sa mère Isabelle de Castille elle était « la pusillanime », pour son époux Philippe de Habsbourg « elle était le démon de la jalousie personnifiée », pour son père Ferdinand d’Aragon elle était « sa plus jolie fille, sa préférée ».
Pour Margareth d’York, grand-mère de Philippe de Habsbourg « elle était une jeune femme qui aimait trop ».
Pourtant,  à part Margareth de Habsbourg qui la défendit auprès de son époux, toutes ces personnes l’abandonnèrent aux diverses étapes de sa vie, jusqu’à son fils Charles Quint,  trop heureux de se débarrasser d’elle pour  usurper le trône d’Espagne,  qui la garda dans la forteresse de Tordesillas, où son père déjà l’avait enfermée.

Qu’avait-elle fait cette malheureuse jeune femme qui aimait trop ? Aimer trop justement. 

Quand le roman commence, elle a 12 ans et regarde ses parents – les très catholiques souverains d’Espagne, Isabelle  de Castille et Ferdinand d’Aragon – entrer victorieusement dans Grenade, après avoir vaincu et chassé les Maures. Avec l’exigence d’Isabelle qu’il n’y ait ni massacres, ni pillages. Ce qui ne plut guère à Torquemada le grand inquisiteur qui se vengea sur les Juifs = ou ils se convertissent, ou on les brûle (après torture, évidemment – où serait le plaisir sinon !).
Jeanne est la 2ème des filles des souverains, après l’aînée Isabelle mariée à 13 ans au roi du Portugal, mais déjà veuve et revenue chez ses parents,  se montrant une catholique intégriste au même titre que ce Torquemada qu’elle admire sans condition, ce qui n’est guère le cas de Jeanne. Celle-ci est  plutôt renfermée, ne trouve son bonheur que dans la nature et la musique.
Elle sait que c’est l’infant Juan qui est le préféré de leur mère, cette dernière d’ailleurs ne s’en cache pas. C’est pour lui qu’elle a lancé cette « reconquista » pour libérer toute l’Espagne des Maures, c’est pour lui qu’elle a aidé Christophe Colomb à obtenir les bateaux, les fonds monétaires et le titre de grand amiral.
Ses filles, comme toutes les filles de son époque, ne sont que des pions dans les diverses alliances destinées à renforcer le trône. Catherine est promise au prince héritier d’Angleterre et Jeanne, à 13 ans, est officiellement fiancée à Philippe de Habsbourg, héritier de la Bourgogne, entre autres.
Les négociations pour  le mariage prendront 3 ans, au cours desquels des tas de petites mesquineries sur la dot et autres biens que la fiancée est supposée apporter. Son frère Juan est fiancé à Marguerite de Bourgogne, la sœur de Philippe. 

Jusqu’alors, Jeanne ne connaît de Philippe qu’un portrait,  qu’elle chérit déjà, mais lorsqu’elle le rencontrera pour ses noces, ce sera le début de cet « amour fou » qui durera 10 ans, jusqu’à ce que la haine remplace l’amour.  Philippe de Habsbourg est beau (c’est d’ailleurs là son surnom = Philippe le Beau), et il le sait – on le lui répète depuis l’enfance, on le gâte outrageusement , les femmes de la cour surtout  - après tout n’a-t-il pas perdu sa mère à 4 ans.  Le jeune homme ne compte plus les conquêtes féminines, les femmes se jettent littéralement à ses pieds pour être choisies.
Pendant quelque temps il va  être  touché par la passion, l’amour, qu’il a suscité chez Jeanne, charnellement entre autres. Le mariage  pour raison d’état va pendant quelque temps être un mariage d’amour.
Mais Philippe est volage, pour lui, une seule femme ne suffit pas.
Peu à peu les humiliations vont se faire sentir à l’égard de la maison espagnole de Jeanne, elle-même devant pratiquement supplier son époux  de la voir parfois – ce qu’il fera puisqu’ils auront 6 enfants, qui lui seront tous retirés, sauf la petite dernière,  la « nina » de Jeanne, qui naîtra  à Tordesillas  après la mort de Philippe et y restera pendant 12 ans, jusqu’à ce que Charles Quint décide de lui faire épouser un roi voisin.

Que Jeanne se soit fait littéralement voler son trône d’Espagne à la mort de sa mère n’a rien de surprenant, elle était fidèle à  son pays et à son père qu’elle estimait digne de régner – Ferdinand de Castille et Philippe de Habsbourg se livreront une guerre sans merci, surtout psychologique, qui usera la malheureuse jeune femme, dont la nature montrait déjà des signes d’un certain déséquilibre, peut-être hérité de sa grand-mère maternelle.
De toute façon, Isabelle la catholique n’avait préparé à régner que son fils, elle ne jugea jamais utile d’enseigner le gouvernement à ses filles.
Dans ce pays ultra catholique, regrettant que la loi salique n’y soit pas promulguée, les « Costes » se firent un plaisir de monter Ferdinand et Philippe l’un contre l’autre, avec au milieu une Jeanne déstabilisée. 
A la mort de Philippe de Habsbourg, elle eu un comportement étrange,  refusant de se séparer du cercueil, puis comprenant qu’elle avait été le jouet de son père, elle accepta résignée de se retirer dans la forteresse de Tordesillas, qui scella son destin.

Le manque de respect de son époux se fera d’autant plus sentir pour cette jeune reine que lorsqu’ils voyageront en France et en Angleterre, pour raison d’état, les cours de ces souverains étrangers ne furent guère accueillants pour cette jeune femme, retranchée dans un silence hautain malgré sa parfaite maîtrise des langues.
Car malgré le portrait de Jeanne  la passionnée qui oubliait tout le reste, elle était érudite – peut-être pas versée dans les règles de la politique.

HermaryVieille-web

Catherine Hermary-Vieille dresse un portrait émouvant de la belle Jeanne de Castille, dont  on pense qu'elle était peut-être  bi-polaire (terme actuel pour expliquer que l’on est maniaco-dépressive) ou souffrant de schizophrénie et déstabilisée par un amour qu’elle ne dominait pas.
Elle fut submergée par sa passion, puis son envie de vengeance.
Jeanne de Castille est émouvante (et un peu exaspérante tout de même) en ce sens qu’elle fit toujours confiance en ceux qui n’hésitèrent pourtant pas à la trahir au jeu de leurs ambitions.
Qu’est donc une vie de cour royale si ce n’est un nid de frelons,  un nid de courtisans  changeants au gré du vent, où les manipulations et trahisons sont  l’habitude.
Jeanne de Castille fut la victime de la raison d'état - enfermée à 30 ans, elle restera emprisonnée pendant 46 ans.

Dans la très catholique Espagne, où l’inquisition règne, la passion amoureuse de Jeanne fut jugée indécente et « prouvait » qu’elle était incapable de se contrôler, qui plus est contrôler un pays. Même les gens de sa maison ne la traitaient pas avec respect.
Jeanne de Castille n’avait aucune chance puisque même son fils était son concurrent au trône et, de plus, comme je l’ai dit, pas du tout préparée en politique au contraire justement de Charles V, élevé par sa tante Marguerite de Habsbourg, fine politique.

C’est tout cela que l’on retire de cette biographie romancée, joliment écrite, qui se lit pratiquement comme un thriller (livre pour lequel je remercie cécile(Sblog) qui me l’a gentiment offert).

J’avais lu, il n’y a quelque temps, « the Last Queen » de C.W. Gortner – publié chez Random House en 2009.
En lisant le roman de Catherine Hermary-Vieille, j’ai réalisé que certains passages de son livre – publié en 1991 – ressemblaient énormément à la version de Gortner.
Je n’ose pas utiliser le terme « plagiat », pourtant j’ai l’impression que C.W. Gortner a dû lire lui aussi  le livre de la romancière française avant de se lancer dans sa propre version, car comme je le dit, certains passages ont pratiquement l’air « copiés/collés ».
C’est un peu choquant tout de même. 

J’apprécie énormément Catherine Hermary-Vieille, grande admiratrice des romans d’Alexandre Dumas et Maurice Druon, et qui a toujours dit vouloir raconter l’Histoire comme ceux-ci.

jeanne

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Commentaires
K
Coucou Niki<br /> <br /> J'aime les romans historiques. Celui-ci devrait me plaire<br /> <br /> Bises du dimanche soir<br /> <br /> Béa kimcat
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M
Je te le laisse celui-ci ;-)<br /> <br /> J'avais lu une trilogie de cette romancière mais bon, je ne me souviens même plus de quoi ça parlait (hum hum) c'est dire !
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L
Les livres d'histoire sont toujours tentants. Merci !<br /> <br /> Le Papou
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T
L’amour du pouvoir est toujours plus important que l’amour tout court
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C
Je me disais bien que le titre me disait quelque chose :) Je suis contente que tu aies aimé. <br /> <br /> Sinon, j'avais abandonné un roman de cette dame mais là tu me donnes quand même envie de m'y remettre (parce que je l'ai toujours dans ma PAL). Je dis cela à chaque fois ...
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