Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
mon bonheur est dans la ville
16 décembre 2012

UNE CHATTE SUR UNE BRANCHE PERCHEE, de Nicole Provence

Vous ne l'ignorez pas, la romancière Nicole Provence est une bonne copine qui régulièrement me fait le plaisir d'écrire de très jolis textes, soit inspirés par mes aquarelles, soit en commentaire sur certaines chroniques
(nicole provence écrit également de jolis commentaires chez la Maison de Milly, qui met en ligne de beaux billets sur ses lectures mais aussi ses "méli-mélo" sur de multiples sujets de la vie quotidienne, sur ses  ressentis.)
Suite à la mise sur mon blog de l'un des marque-pages cuvée 2013, nous avons demandé à Nicole Provence de partager ses souvenirs des frasques de sa jolie Cléo.

Voici donc ce texte  plein d'humour et de tendresse, concernant une chatte, non pas sur un toit brûlant, mais =

Une chatte sur une branche perchée…

A peine le sapin déposé dans un coin du salon Cléo arrive, comme propulsée par un vent furieux. Elle déboule du couloir, les pattes touchant à peine le sol. Elle dérape et atterrit en longue glissade contre nos jambes. Chaque année, l’odeur de la sève et des aiguilles qui se diffuse dans la maison  déclenche en elle une frénésie. Elle tourne autour du petit conifère, l’inspecte, l’ausculte, hésite, le renifle encore. Elle fait la grimace, ouvre sa petite gueule pour analyser cette odeur étrange qui s’en dégage et ne ressemble en rien à celle des plantes vertes de la maison. Inutile de la chasser, elle restera là, plantée, à observer tout ce que ces humains vont pouvoir inventer pour l’amuser jusqu’à la fête des rois, ce jour où tout disparaîtra jusqu’au prochain Noël.
Tapie à quelques mètres de nous, la tête posée sur ses pattes,  elle observe le déballage des décorations, fait mine de s’en désintéresser. Je souris, je ne suis pas dupe. Une fois le sapin fixé sur un tabouret pour lui donner de la hauteur et laisser de la place à la crèche, le champ de bataille est enfin libre.  Elle ne résiste plus, se coule sous la forêt improvisée, se hausse sur ses pattes arrières et tente l’escalade de l’arbre, interrompue par mon cri d’alerte et de menace.
-          Cléo, arrête ! Et file d’ici, chatte dévastatrice !
Trop tard, elle a atteint une branche et s’y installe, jouant à l’acrobate. L’arbre frémit, oscille et s’incline. Inutile d’essayer de l’en dégager. Elle se cramponne, ne lâche pas prise. Les enfants hurlent de joie. L’arbre choit dans une cascade d’aiguilles qui se répandent sur le sol. Tout est à recommencer. Mais je ne suis pas aussi fâchée que je le parais, je retiens même une furieuse envie de rire. Je dégaine la sommation qu’elle déteste :

-          Allez, ouste «  sale chat »… !

L’insulte la blesse. Outrée, la petite chatte s’éloigne, ondulant, haussant les épaules avec insolence. PFFFT ! A quoi sert ce déballage si on ne peut s’amuser un peu ! Elle prend son poste de guet à distance respectueuse,  accroupie sous la table, prête à bondir. Elle ne renoncera pas, c’est dit ! A bon entendeur, salut !
Mais les boules multicolores qui dansent dans les branches à chaque tressautement du sapin  la narguent. Elles deviennent proies et la chasseresse en elle se réveille. Avant que je ne réagisse,  elle jaillit comme une bombe  et d’un uppercut digne d’un boxeur,  envoie valser la boule de soleil d’or, qui à son étonnement, rebondit et lui échappe. Elle la poursuit, glisse et saute en l’air sans pouvoir l’attraper. L’astre de soie brillante joue au yoyo, un jeu qu’elle ne maîtrise pas. Vexée de sa défaite, elle renonce… pour l’instant. Une autre boule a roulé sous le divan, inaccessible, elle s’approche, tente une patte, puis recule,  attendant de cette souris verte qu’elle sorte de son trou. Vaincue, frustrée, elle revient vers nous à pas lent, tel un fauve dans la savane, hypnotisée par les longues guirlandes scintillantes que je déplie avec soin.

Alors, c’est la folie, l’apothéose. En quelques coups de patte hystériques les guirlandes s’entremêlent, c’est le désastre complet. Des filaments d’or et d’argent jonchent le sol, elle en récupère même quelques brins sur son pelage, elle se transforme en chatte-fée dans sa robe étincelante. Elle est trop belle.  Je la soulève, la serre dans mes bras, enfouit mon nez dans la fourrure de son ventre et lui montre les dégâts. La grosse étoile de la cime est tombée dans l’abîme, les guirlandes ressemblent à une toile d’araignée,  au bout d’une branche, l’oiseau de terre et de plumes, patiemment pétri par une de mes filles à la maternelle a subi des dommages irréparables.  Il continuera sa vie de décoration de Noël avec une aile en moins et une moitié de queue.

Mais ce qui l’excite le plus est la fabrication de la crèche en papier rocher. Déjà le froissement lui fait dresser les oreilles,  briller les pupilles, elle en saliverait presque.   Silencieuse, elle se glisse auprès de moi, jouant à la discrète qui ne me convainc pas. Elle me regarde façonner la grotte qui servira d’abri à l’enfant Jésus. Elle trépigne intérieurement sous mon regard noir qui lui interdit toute invasion. Mais c’est plus fort qu’elle. Moutons et bergers valsent d’un bout à l’autre de la pièce. Elle les poursuit en se délectant, ils sont devenus boules de billard, balles de golf,  explosent dans tous les coins.
Peu importe mes cris de protestations mêlés de rires, elle sait qu’elle ne sera pas punie. Je lui pardonne tout. Punit-on un clown qui apporte une onde de gaieté ?

Quand enfin l’arbre est revêtu son habit de fête, de couronnes de raphia tressé, de bottes écarlates et d’anges merveilleux, de flocons de  neige et d’étoiles d’or, clignotant de mille petits feux, Cléo s’en désintéresse. D’un bond prodigieux, elle plonge à grands fracas de papier rocher effondré et s’installe au-dessus de l’enfant Jésus, le couve de sa chaleur en nous adressant un regard de défi.
J’y suis, j’y reste ! 

chat

Et pour épargner définitivement la crèche, ne restait qu’une solution, lui en construire une pour elle toute seule. Aussitôt faite, aussitôt adoptée !

Combien de photos ai-je pris durant tous ces Noëls où elle réjouissait nos cœurs même s’il fallait maintes fois recommencer l’étable de Bethléem.

Aujourd’hui, l’étable est construite de rondins, les moutons restent immobiles, le sapin clignote paisiblement.
Cléo n’est plus. Mais son souvenir ne manque jamais de nous visiter en cette période de fête. Et nous revivons quelques instants de délire….

( ce texte et la photo sont la propriété exclusive de Nicole Provence)

Publicité
Publicité
Commentaires
L
Photo très réussie ! :D
Répondre
A
@Niki : " on a généralement plus de patience avec ses chats qu'avec les enfants " :lol: c'est TOUT A FAIT ça ! Je n'ai aucune patience avec mes neveux et nièce mais je laisse tout faire à Fanny.
Répondre
N
Merci à chacun de vous, :-) et un petit clin d'oeil spécial à Aline et sa Cléo( qui je l'espère est toujours auprès d'elle) <br /> <br /> Si ces souvenirs vous ont été doux ou joyeux, me voilà bien satisfaite! :-)<br /> <br /> Il faut dire que Cléo se prenait souvent pour le clown de service et même au camping elle amusait la galerie.<br /> <br /> Pratiquement même topo pour la deuxième, Pistache... mais ce sont vraiment les souvenirs de Cléo qui m'ont le plus marquée...
Répondre
T
Que ce beau texte me rappelle de souvenirs !!
Répondre
-
C'est épique ! J'aurais aimé faire la connaissance de cette chatte, moi !!! J'admire son entêtement ...comme la patience de ses maîtres ;) <br /> <br /> J'avais un chat avec lequel je jouais à la balle...:)
Répondre
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 85 226
Archives
Derniers commentaires
Publicité