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mon bonheur est dans la ville
30 août 2009

SEPARATE TABLES, de Delbert Mann

200px_Separate_tablesBournemouth, au bord de la mer, en été grouille d’une foule hétéroclite de vacanciers, vivante et chamarée ; en hiver, la station balnéaire anglaise s’habille de gris et de mélancolie.

L’hôtel Beauregard, fort bien géré par Pat Cooper, abrite en cette morne saison deux ladys plutôt âgée, la fille un peu simplette de l’une d’entre elles, un prof à la retraite, une vieille fille qui adore les paris, un écrivain plutôt alcoolique aimé de Miss Cooper et le major Pollock, retraité de l’armée qui aime un peu trop parler de ce ses exploits au cours de la seconde guerre mondiale.

Sibyl, la gentille (trop gentille) fille de Lady Railton-Bell est véritablement le souffre-douleur d’une mère on ne peut plus toxique ; elle la traite comme sa bonniche, pire comme un petit chien, et ne rate pas une occasion de l’humilier et de lui imposer ses façons de voir et de vivre.

Or Sibyl nourrit un tendre sentiment pour le major ; sa mère lui fait comprendre à quel point tout cela est déplacé ; que sa fille puisse s’intéresser à autre chose que sa mère n’a pas l’heur de plaire à cette dernière et le fiel qu’elle déverse sur la gentille Sybil rend celle-ci particulièrement nerveuse. Pendant ce temps, Miss Meacham joue au billard avec le prof retraité, le major revient de la ville et semble anxieux de découvrir le journal du soir.

C’est dans cette routine que débarque la très belle Ann Shankland, dont la rencontre avec John Malcolm l’écrivain, et son ex-époux, va mettre une  certaine ambiance dans la calme auberge.

Malgré l’amitié amoureuse qui le lie à Pat à qui il a promis le mariage, John et Ann vont passer une partie du dîner du soir à s’envoyer des propos faussement polis, fort acerbes. Il est évident qu’elle le nargue et il ne parvient pas à retenir son agressivité. Convié dans la chambre pour un verre, leur soirée tourne pratiquement au pugilat et John se sauve. Pat Cooper, malgré le chagrin que lui cause la situation, va chez Ann pour l’aider.

Entretemps, intriguée par le manège du major Pollock, l’odieuse lady Railton-Bell a trouvé la page du journal qu’il lisait et elle découvre que l’homme n’est finalement pas ce qu’il dit être ; il n’a jamais participé à la guerre, il n’est même pas major. Aussitôt la manipulatrice décide de rallier tous les pensionnaires afin qu’il vote l’exclusion et le renvoi de l’hôtel du major. Ellle prend aussi un malin plaisir à prouver à sa fille à quel point elle avait tort d’aimer cet individu. Dans l’hôtel, tout le monde a pitié de Sybil est espère qu’elle finira par oser tenir tête à sa mère, mais la pauvre jeune femme s’écrase depuis bien trop longtemps.

Découvert, le major discute avec Miss Cooper, qui lui confirme qu’elle préfère qu’il reste, peu importe son passé, il est un hôte agréable. Il lui confie alors à quel point il est touché par Sybil et comme il aimerait rester pour elle.

Le matin, tout ce petit monde se retrouve dans la salle à manger ; l’attitude pleine de dignité du major fait en sorte que chacun lui parle avec amitié à la colère de Lady Railton-Bell qui comprend qu’elle ne pourra pas faire renvoyer le brave homme.

Et à la surprise de tous, Sybil aura enfin le courage de lui tenir tête.

Pour tous les habitants de la pension, c’est comme si soudain le soleil s’était mis à briller !

« Separate Tables » est un film basé sur deux courtes pièces d’un acte du dramaturge britannique Terence Rattigan = « Table by the Window » et « Table Number Seven » ; les scénaristes du film les ont condensées en une histoire.

Les dramaturges et écrivains anglo-saxons excellent dans la description des sentiments humains et des frustrations face à la vie ; timidité, tendresse, froideur, maladresses ou méchanceté sont étudiées avec un œil acerbe et décrit d’une plume trempée dans l’ironie.

C’est l’une des plus belles histoires qu’il  m’ait été donné de voir ces derniers temps.

Pratiquement tous les personnages  y sont gentils (sauf la mère de Sibyl) ; ils sont vulnérables, solitaires, perdus. Et pourtant il y a en eux une vraie générosité.

Le plus beau rôle de ce théâtre filmé – tout le film se joue en huis-clos, pratiquement dans le salon et la salle à manger de l’hôtel – est celui de la gérante, Pat Cooper, interprété par Wendy Hiller ; elle est épatante dans le rôle de cette femme réellement bonne et compatissante qui aime profondément un homme dont la passion pour son ex-épouse est toujours là et qui aura la générosité de le laisser partir avec Ann, qu’elle comprend mieux que lui.

Et c’est sa compréhension et sa tolérance qui permettront au major de retrouver sa dignité.

Ann Shankland est interprétée par la très belle Rita Hayworth, dont on disait qu’elle n’était qu’une danseuse et chanteuse qui tentait de jouer des rôles et qu’elle n’avait pas le talent pour cela ! Charmant !

Ici – comme dans bien d’autres rôles – elle prouve une fois encore à quel point ce commentaire est faux et mesquin; dans le rôle du mannequin qui a peur de vieillir et qui voudrait avoir une nouvelle chance avec son ex-mari, quitte à le provoquer de manière pathétique, elle est vraiment bien.

Elle passe de la femme riche, futile et manipulatrice au pathétique du mannequin vieillissant, qui sait que ses jours devant la caméra sont comptés.

Deborah Kerr est la douce et simplette Sybil, et quelle performance aussi ! Sa transformation physique est bluffante : elle est enlaidie pour le rôle, puisqu’elle doit avoir l’air d’une vieille fille, mochement coiffée et habillée par son chameau de mère. Elle se tient mal, la tête toujours ployée sous le poids de la méchanceté maternelle, toujours proche de la crise de nerfs attisée par la mère ; elle est parfois agaçante et terriblement attachante aussi dans ses maladroites tentatives de s’opposer à Lady Railton-Bell.

Elle est pitoyable et émouvante et comme tous les habitants de l’hôtel, on attend avec impatience qu’elle remette la vieille peste à sa place.

Cette horrible bonne femme est interprétée avec grand talent par l’actrice Gladys Cooper.

John Malcolm, écrivain et journaliste, peu publié, sincère lorsqu’il demande Pat en mariage mais tourmenté par ses anciens démons d’alcool et de colère est joué par Burt Lancaster qui excelle dans ce type de rôle. Même s’il agace, le personnage est émouvant aussi.

Mais celui qui domine tout le monde et qui a d’ailleurs obtenu un oscar pour ce rôle, est le sympathique acteur David Niven, que l’on cantonnait dans des rôles de sympathique gentleman, très british et qui était très heureux de pouvoir prouver qu’il était capable d’interpréter autre chose, d’avoir une autre dimension.

Et pour ce qui est de le prouver, il le prouve de bout en bout de cette histoire dont il est le principal protagoniste.

C’est fort dommage que par la suite on ne lui ait plus rien proposé de similaire et qu’il est retourné à ses rôles de charmant gentleman.

Tous les autres résidents permanents de l’hôtel, les seconds rôles, sont aussi bien interprétés que les rôles principaux.

Petite mention spéciale à May Hallatt qui joue Miss Meacham, vieille fille adorant les paris en tous genres et qui préfère les chevaux aux humains. Elle est vraiment savoureuse.

Un autre rôle à mentionner, même si ses apparitions sont très limitées, est la petite bonne Doreen, interprétée par Priscilla Morgan, qui est d’une insolence invraisemblable, sous l’indulgence amusée de sa patronne qui trouve quand même qu’elle exagère un peu.

Finalement il faut encore mentionner le jeune couple, interprété par Rod Taylor et Audrey Dalton ; elle, coquine, veut qu’il vienne dans sa chambre tous les soirs, lui sérieux aimerait étudier son prochain examen de médecine. Il lui propose le mariage, ce qu’elle redoute par peur de s’ennuyer ! Le couple est un petit élément humoristique dans une situation qui s’avère assez pesante.

Dans les pièces originales de Rattigan, il y a un battement de 18 mois entre les deux histoires ; la première étant consacrée au couple Ann-John qui se déchire, tandis que la seconde pièce est consacrée à l’amitié tendre que se portent la vieille fille et le major.

Personnellement je trouve que la fusion des deux est fort réussie et je suis enchantée d’avoir eu l’occasion de découvrir ce petit bijou théâtral (même si c’est du cinéma) dans le cadre d’une rétrospective consacrée à l’actrice Deborah Kerr.

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