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mon bonheur est dans la ville
26 juillet 2009

THE BIG STREET, d'Irving Reis

967673« Little Pinks », surnom d’Augustus Pinkerton, est serveur dans la boîte de Case Ables où chante la maîtresse du patron, la belle Gloria Lyons.

Parce qu’elle lui a sauvé son petit chien, Gloria insiste auprès du patron pour que Pinks conserve son travail car il lui a fait raté un pari et lui a donc fait perdre une grosse somme d’argent.

Pour remercier sa « bienfaitrice », il lui fait parvenir une rose, très belle, très chère, de manière anonyme. Il n’en faut pas plus à la chanteuse pour imaginer que celui lui vient du jeune playboy millionnaire, Decatur Reed, sur lequel elle a jeté son dévolu, bien décidée à se faire épouser.

bigstreet1942_ff_104x78_101020061250Alors qu’elle se prépare à sortir avec lui, malgré l’interdiction d’Ables, elle se dispute avec ce dernier qui la frappe ; la jeune femme tombe de l’escalier et reste inconsciente, pendant qu’Ables se prépare déjà un alibi prétendant qu’elle est tombée parce qu’ayant bu.

Pinks va à présent, avec l’aide de Ruby, la bonne de Gloria, prendre sur lui de faire en sorte que la jeune femme ait la meilleure chambre à l’hôpital, des fleurs, des soins. Elle est convaincue qu’il s’agit de Reed qui paie cela par amour pour elle, et passe son temps à houspiller Pinks.

Ce que personne ne veut dire à Gloria, c’est qu’elle est paralysée et ne guérira probablement jamais. Elle va se rendre compte de la perte de sa motricité, un jour où se mettant à chanter dans la chambre, elle souhaite bouger tout son corps.

Face à cette affreuse réalité, c’est encore sur Pinks qu’elle passera ses nerfs.

Ruby, pour aider Pinks, vend petit à petit tous les bijoux de la chanteuse jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien ; elle doit alors le quitter car elle doit aussi nourrir sa famille. Avec l’aide de ses copains les parieurs et Violette et le bon gros « Nicely », Pinks continue à s’occuper de Gloria qui n’a aucun respect pour lui et pour tout ce que ces personnes humbles font pour elle.

Elle se comporte avec hauteur et mépris, au point d’être surnommée « Altesse ».

Et lorsqu’elle se met en tête de partir pour la Floride où il fait chaud, et où vivent désormais Violette et Nicely, c’est encore Pinks qui va la conduire, à pied s’il le faut puisqu’il ne reste pas assez d’argent pour prendre le train.

Commence alors un périple où camionneurs et automobilistes vont régulièrement s’arrêter pour aider le couple à avancer jusqu’à la Floride, où comme par hasard se trouve aussi le jeune millionnaire.

Gloria va essayer de cacher son infirmité au playboy, mais trop tard, il l’a aperçue et c’est encore le brave Pinks qui trinque !

Cette fois, il en a assez, elle l’a insulté dans son travail, la chose dont il est le plus fier.

Pourtant, lorsqu’il apprend qu’elle se laisse mourir de désespoir, c’est encore lui qui va tout tenter – y compris voler – pour la sauver. Mais est-il encore possible de sauver Gloria dont la soif de richesse est le seul moteur ?

bigstreet_henrylucyCeux qui aiment les mélodrames seront servis avec « The Big Street », qui en comporte absolument tous les ingrédients, avec une toute petite touche d’humour parsemée ça et là pour alléger l’intrigue qui serait plutôt mince.

Une scène est particulièrement amusante, celle où ayant décidé de rejoindre la Floride à pied et en chaise d’infirme, Pinks et Gloria bloquent toute la circulation sur un pont pendant que le corps de police débat s’il s’agit d’un « véhicule » puisque la chaise à des roues ou non !

Bien sûr, c’est plutôt invraisemblable de rejoindre la Floride à pied depuis New York, mais ne soyons pas trop regardant sinon mieux vaut ne pas regarder le film.

Le personnage de Gloria n’est pas sans rappeler – dans les grands traits – celui de Mildred de « Of Human Bondage » ; ici nous avons également une jeune femme d’éducation limitée, particulièrement décidée à escalader l’échelle de la société par le biais d’un homme riche, jusqu’à l’obsession.

Elle est aussi méchante et vulgaire que Mildred, méprisant l’amour d’un homme bon mais pauvre. Et son destin est aussi tragique que celui de Mildred.

Je trouve qu’il est d’ailleurs assez typique des années 30, dépeignant des sociétés essentiellement basées sur les succès masculins de dépeindre des jeunes femmes arrivistes comme des monstres de méchanceté – comme si leur succès ne peut être lié qu’à la méchanceté, la bêtise et donc à leur chute. La société a toujours aimé prouver que le pire ne pouvait qu’advenir d’une femme obsédée à se sortir de la misère.

bigstreet_portraitLucille Ball - que je connaissais surtout à travers des comédies hollywoodiennes, mais surtout par sa sitcom « I Love Lucy » et tous les dérivés de la série, que j’adorais regarder chez mes grands-parents lorsque j’étais petite fille - prouve dans le rôle de Gloria qu’elle était aussi capable d’une réelle intensité dramatique.

Etant un peu inquiète à interpréter un personnage aussi peu aimable, Lucille Ball demanda conseil à son copain, le célèbre acteur Charles Laughton qui lui donna le conseil de ne surtout pas tenter de rendre le personnage sympathique malgré ses défauts : « tant qu’à interpréter une salope, autant le faire à fond ! ». Elle suivit donc ce conseil et le résultat à l’écran est époustouflant        .

Lucille Ball fut très fière de ce rôle qu’elle considéra tout au long de sa vie d’actrice comme son meilleur rôle, mais hélas les studios ne lui re-proposèrent guère de rôles similaires et elle retourna à la comédie. Puis prouva qu’elle n’était pas qu’une jolie actrice de rôles drôles, excellente danseuse et chanteuse, mais aussi une femme d’affaires très avisée. Elle fut une véritable pionnière dans le monde de la télévision, non seulement au niveau technique mais en tant que femme d’affaires particulièrement avisée.

En tant que Gloria Lyons, elle est parfaitement odieuse et pathétique, inspirant à la fois une certaine répulsion par son agressivité et de la pitié pour sa situation malheureuse.

Face à elle, il y a Henry Fonda, l’éternel brave type du cinéma – ce sera Sergio Leone dans « Once Upon a Time in the west » qui lui enlèvera ce vernis pour en faire un vrai salaud, mais tout au long de sa carrière, le père de Jane Fonda interprètera le rôle d’homme simple et bon. J’avoue qu’ici il en remet une couche – on a l’impression que ce brave « Pinks » se repaît d’être systématiquement humilié, bafoué.

En opposition au couple « dramatique » que forment Ball et Fonda, il y a le couple «humoristique » formé par Agnes Moorehead et Eugene Pallette. Celui-ci est tout en rondeurs comme dans le rôle de Frère Tuck de « Robin Hood ».

Quant à Agnes Moorehead, à qui l’on confiait surtout des rôles de « peste » et qui fut une formidable Endora dans « Ma Sorcière bien-aimée », elle est ici la bonne copine, mariée à Pallette, qui comprend l’amour inconditionnel de « Pinks » et qui accepte de jouer le jeu avec lui dans son entreprise de sauver Gloria, de lui apporter du bonheur.

Il y a encore un « couple comique » dans cette histoire au demeurant vraiment mélodramatique, il s’agit des copains, parieurs invétérés qui se chamaillent sans arrêt, sauf quand il s’agit de faire face à la police.

Il s’agit de Sam Levene (Horsethief) et Ray Collins (Professor B) ; leur interprétation est savoureuse et sympathique, dans le rôle de ces deux types où tout est raison de pari. Qu’ils perdent la plupart du temps !

Le méchant de l’histoire, le truand Case Ables est joué par Barton MacLane ; quant à celui par qui Gloria espère le mariage et la fortune, il est joué par William Orr, un acteur qui devient agent, réputé avoir le nez fin pour découvrir de vrais talents ; il proposa des contrats à des jeunes acteurs comme James Dean, Paul Newman et Marlon Brando.

Le réalisateur Irving Reis, par contre, était un débutant au moment du tournage et ce dernier ne se passa pas au mieux de la direction d’acteur ; Fonda étant déjà un acteur confirmé s’en fichait, mais pour Lucille Ball le tournage ne fut guère agréable.

Le scénario est basé sur une histoire de Damon Runyon et « The Big Street » fait référence à Broadway à New York, plus particulièrement ses rues adjacentes telle cette « Loser’s Lane », le lieu des parieurs, des fauchés, des boîtes de nuit aux patrons pas très nets.

Ce film fait partie de l’histoire des STUDIOS R.K.O., ceux qui furent ruinés par la mégalomanie d’Howard Hugues ; une série de cent des films de la RKO, surnommée un peu pompeusement « les chefs d’œuvre de la RKO », viennent de faire une réédition pour faire connaître des films peu connus.

Plutôt que d’utiliser le terme « chef d’œuvre », je préfère « trésors », car la série permet de découvrir une vraie mine d’or de films des années 30/40, tous filmés en noir et blanc. Parmi lesquels, il est vrai, figurent quelques chefs d’œuvre.

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