BEAUTE ET DEMENCE A BRUGES

Sous ce titre légèrement racoleur, l'église Notre-Dame de Bruges a proposé en 2006 une exposition consacrée à Philippe le Beau, dernier duc de Bourgogne, et à Jeanne la Folle, tous deux parents de Charles Quint et de Ferdinand Ier. L'exposition fut d'abord présentée à Burgos, ville où Philippe le Beau décéda il y a 500 ans, pour ensuite arriver à Bruges, la ville où il naquit en 1478.

Le visiteur a notamment pu découvrir le berceau du jeune prince, son orgue ou son tableau préféré, à savoir "La Vierge à l'Enfant" d'Hans Memling.
Le choix du lieu même de l'exposition était un symbole en soi, c'est en effet dans l'église Notre Dame de Bruges qu'est conservée l'urne contenant le coeur du duc, mort dans la fleur de l'âge, à 28 ans.

L'urne est ensevelie dans le tombeau de sa mère, Marie de Bourgogne.

Petit rappel historique :

Philippe Ier de Habsbourg, dit le Beau, était le fils de Maximilien, empereur du saint empire germanique et de la duchesse Marie de Bourgogne, elle aussi morte très jeune (à 25 ans) des suites d'un accident. Par la mort de sa mère, le jeune garçon alors âgé de 4 ans hérite du duché de Bourgogne dont son père sera régent.

A 18 ans, il épouse Jeanne d'Aragon & Castille, que l'histoire retiendra sous le nom de "Jeanne la Folle".

Jeanne est la fille de Ferdinand d'Aragon et d'Isabelle de Castille; elle était également la soeur de Katherine d'Aragon, première épouse de la longue série des femmes du Barbe-Bleue de l'histoire, Henri VIII.

Le jeune duc de Bourgogne étant d'une nature très volage, les jeunes époux ne seront guère heureux; ses infidélités répétées provoquent chez la jeune duchesse des crises de jalousie très graves, agissant sur un tempérament un peu neurotique et provoquant des paroxysmes de rage où elle se rendit coupable d'actes d'une rare violence.

A la mort d'Isabelle de Castille, Ferdinand d'Aragon tenta de faire main basse sur la régence de la Castille mais fut obligé d'y renoncer à cause de l'inimitié des nobles. Du coup, le jeune Philippe dut se rendre en Espagne où il fut nommé roi.
Il y débarqua en compagnie de mercenaires allemands. Les rencontres entre le père de Jeanne et son gendre débouchèrent sur une querelle de famille assez choquante, même pour cette époque (c'est dire !), Ferdinant prétendant agir pour le bien des intérêts de sa fille Jeanne, emprisonnée sur l'ordre de Philippe. (Non seulement il la trompe, mais il la séquestre ... charmant !) Une guerre civile se préparait, mais la mort brutale de Philippe - bien incapable de régner d'ailleurs - y mit heureusement fin. On pense que le jeune duc mourut de fièvre typhoïde.

Jeanne, folle de douleur, refusa pendant longtemps l'autorisation non seulement d'enterrer le corps de son mari, mais également de s'en séparer (pour une fois qu'il était tout à elle...).

Déjà reine de Castille depuis le décès de sa mère Isabelle, Juana devient reine d'Aragon à la mort de Ferdinand; cependant son état de santé l'empêche d'exercer le pouvoir et c'est son fils aîné, Charles de Habsbourg qui règnera à sa place. Lorsqu'il sera élu empereur du sains-empire germanique, Charles prendra le nom  de Charles Quint. 

L'accession au trône de Charles des Espagnes, comme on disait alors, fut soumise à certaines conditions, l'une d'entre elles étant un traitement plus respectueux de sa mère Jeanne, enfermée à Tordesillas, dans la province de Valladolid.

Après son abdication, c'est le second fils de Philippe et Jeanne qui règnera sous le titre de Ferdinand Ier du Saint-Empire germanique.

Jeanne, leur mère, fut séquestrée pendant 49 ans.

Le déséquilibre mental de la jeune reine a suscité la curiosité de maints historiens, d'autant plus que dans sa jeunesse, elle était fort éduquée et d'une grande sensibilité. Ce n'est qu'après son mariage que les troubles commenceront; ces signes seront utilisés afin de l'écarter du pouvoir.

On a aussi évoqué une possibilité d'hérédité, sa grand-mère maternelle,  Isabelle de Portugal, aurait paraît-il souffert de schizophrénie.

Une pièce de théâtre a été écrité à partir de la vie dramatique de Jeanne la Folle. L'auteur, Alexandre Parodi, s'en inspirera pour écrire "La Reine Juana", une pièce en vers interprétée par la Comédie-Française; la piève relate l'histoire de sa folie, tantôt douce, tantôt furieuse, et ensuite l'agonie et la mort de la reine, le tout mis en scène très sombrement, avec torches, cierges et glas.

Le cinéaste espagnol, Vincente Aranda, a réalisé un film sur ce même sujet en 2001, film qui n'est pas passé sur nos écrans, mais pour qui souhaite le voir, pas de problème : il suffit de se rendre à Montréal où il a rencontré un grand succès.