CONVERSATIONS AVEC MA MERE, de Santiago Carlos Ovès
D’après Conversaciones con Mamà
Adaptation théâtrale de Jordi Galceran
Traduction de Dyssia Loubatière
Scénographie & Costumes Delphine Coërs
Mise en scène Pietro Pizzuti
Enregistré en public par Julien Benchara à l'Atelier Jean Vilar de Louvain la neuve
Interprété par = Jacqueline Bir & Alain Leempoel
Jaime a 50 ans, il rend visite à Mamà, 82 ans, qui oublie parfois l’âge de son fils et n’hésite pas à lui faire la leçon, comme quand il était petit garçon. Ce qui agace quand même un peu Jaime.
Ce n’est pas pour cela qu’il est venu lui dire bonjour, du coup elle râle un peu car elle a cuisiné pour lui et il ne veut pas rester manger, il n’a pas le temps.
Au fil de leur conversation, il finit par avouer qu’il a perdu son emploi et elle ne peut pas rester dans l’appartement qu’elle habite car il appartient à Jaime et son épouse Laura, ils auront besoin de l’argent de cette vente.
Mamà fait-elle semblant de ne pas comprendre, ou bien décide-t-elle de manipuler la situation, non pas en jouant les victimes, mais en mettant l’accent sur la belle-mère de Jaime, la mère de Laura, qu’elle considère comme une vraie peste – et elle est certaine que l’idée vient d’elle.
L’antagonisme à l’égard de la belle-mère revient de manière ponctuelle.
Jaime tente en vain de se faire entendre de sa mère, qui le remet à sa place – surtout à cause du repas dont elle va encore devoir déposer les restes à l’extérieur. C’est ainsi que finalement Jaime apprend que sa mère a un ami de cœur. Qui a 13 ans de moins qu’elle !!!
C’est ce Giorgio, qui est Argentin, qui a ramassé une première fois les restes de repas que Mamà déposait dans un sac, à côté des poubelles. Pour les chiens qu’elle disait.
Et d’abord c’est quoi ce Giorgio ? Eboueur, Argentin et contestataire, comme Jaime quand il était à l’université. Quand il ne travaille pas il va sur la place publique pour exprimer ses revendications.
On retrouve Jaime, dans une pièce tendue de blanc, avec Mamà toute habillée de blanc ; ils attendent les pompes funèbres – il a beaucoup de chagrin Jaime, et le fantôme de Mamà continue à l’encourager – il va quitter sa femme, sa fille est boulimique, son fils veut abandonner ses études.
Jaime est au bout du rouleau, et pourtant les paroles de cette mère légèrement manipulatrice mais surtout terriblement tendre et encourageante vont pousser Jaime à prendre une bonne décision, loin de la cruauté de Laura, et aussi tenter de mieux accepter ce que veulent ses enfants.
Un immense coup de cœur pour ce dialogue entre une mère et son fils, avec énormément de tendresse et d’émotion, avec des touches d’humour parfois un peu noir, des paroles parfois involontairement blessantes, avec parfois un petit moment de cruauté, mais vite terminé.
Beaucoup de profondeur aussi dans les paroles qui remettent en question la société, le jeunisme professionnel, la crise économique, sans oublier des réflexions sur le mariage et l’amour.
Quelques propos sur la difficulté de vieillir, de ne plus se souvenir de certaines choses, de se souvenir d’autres choses qui sont pourtant sans importance – il n’est pas simple de vieillir.
J'ai mis un peu de temps avant de comprendre que dans le 2ème acte, Mamà est morte, mais elle est terriblement présente dans le cœur et l’esprit de son grand fils, qui va devoir prendre une décision qui remettra sa vie en question. Ce sont les réflexions sur le catafalque et la belle-mère qui m'ont fait comprendre cette situation.
J’ai beaucoup aimé les remarques de la mère à propos de Freud, qui selon elle, sans les mères il ne serait rien celui-là !
L’une des grandes comédiennes belges Jacqueline Bir est une Mamà extraordinaire et Alain Leempoel, dans le rôle de Jaime, n’a rien à lui envier pour le talent.
Ils sont tour à tour drôles, tendres ou émouvants, même dans leurs exaspérations.
Les rôles ont l’air d’avoir été écrits pour eux.
Une fois encore, grâce à l’enregistrement réalisé par Julien Bechara, j’ai eu la possibilité de regarder ce beau moment de théâtre sur la plateforme « spectacles » de la rtbf.