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mon bonheur est dans la ville
21 septembre 2013

LE TIGRE BLANC, d'Aravind Adiga

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Titre anglais = The White Tiger

L’Inde attend la visite du premier ministre chinois, WEN Jiabao.
Balram Halwai a décidé de lui écrire une longue lettre – rédaction étalée sur 7 nuits – pour lui expliquer ce qu’est  réellement l’Inde, pas celle que l’on fait miroiter aux touristes et aux ressortissants étrangers, hommes d’Etat ou entrepreneurs venus investir dans le pays.
Son Inde est celle des pauvres, des laissés pour compte, de ceux qui doivent lutter pour survivre, lutter à n’importe quel prix, même celui d’y perdre le petit supplément d’âme que l’on espère toujours en soi. 

Balram – prénom donné par un instituteur , son « vrai » prénom donné par ses parents est « Munna » (garçon) – est issu de Laxmangarh, village des « Ténèbres » ; il est le fils d’un pauvre conducteur de rickshaw, bien qu’il porte le patronyme de « Halwai », c'est-à-dire = fabricant de douceurs.
Mais son malheureux père, analphabète, s’est vu voler ce privilège par un roublard. Depuis le vieil homme s’est tué à la tâche pour nourrir sa famille, avant de mourir de tuberculose, sur le sol d’un hôpital où personne ne s’occupa de lui.
Balram ne veut pas d’une telle destinée et puisque le monde appartient aux rusés, il décide de devenir le plus rusé de tous, à commencer par l'être plus que sa grand-mère  qui régente toute la maisonnée et exige que la moindre roupie lui soit remise. Il sera "le Tigre Blanc".

Après divers petits boulots avilissants, Balram réussit à devenir le chauffeur d’Ashok, fils de celui que l’on surnomme « la Cigogne » et qui est le petit seigneur de Laxmangath. Balram ne cache rien de ses desseins au premier chinois, on connaît très rapidement ses  intentions = pour réussir à devenir riche en Inde, il faut graisser les bonnes pattes. Pour graisser les bonnes pattes, il faut de l’argent et Balram a décidé de prendre cet argent là où il se trouve = chez son patron.
Pendant quelque temps,  il va tergiverser parce qu’Ashok le traite plus aimablement que ne sont traités les autres chauffeurs ; bien vite, ces scrupules vont se transformer en mépris.
Lorsque l’épouse américaine d’Ashok, ayant pris le volant, renverse un enfant, la famille décide d’étouffer l’affaire – après tout, qu’est ce qu’une vie d’enfant pauvre ? et d’ailleurs était-ce vraiment un enfant qu’elle a renversé ?  Balram endosse la faute « puisqu’il fait partie de la famille » … avec argent à l’appui.

Après le divorce de son patron de cette épouse qui déteste l’Inde autant que  la famille de son mari la déteste, Mrs. « Pinky » retournée aux USA .  Ashok – en crise due au divorce et influencé par sa famille -  devient comme tous les Indiens riches = prêt à graisser toutes les pattes nécessaires à devenir encore plus riche. Dès lors, son sort est scellé.

Corruption, exploitation, cruauté – sont les trois mots qui me sont spontanément venus à l’esprit tout au long de ma lecture, ce sont apparemment les maîtres-mots de l’Inde.

Ah, elle n’est pas belle l’Inde décrite par Aravind Adiga, dont celui-ci est le premier roman. L'histoire ébranle fortement l'image d'une Inde lumineuse et mystique.

Bien que relatée sous forme d’une longue lettre, adressée au premier ministre chinois attendu en visite, on a l’impression de lire un reportage sur un pays qui fascine les Occidentaux mais où la méchanceté semble régner en maître = méchanceté des pauvres vis-à-vis des autres pauvres, méchanceté des maîtres vis-à-vis des serviteurs, méchanceté entre serviteurs, il n’y en a pas un pour rattraper les autres, et j’ai bien peur d’être arrivée à la triste conclusion que ce portrait de l’Inde n’est même pas surfait.

Le protagoniste, Balram, a peu de scrupules vis-à-vis de sa famille, il est profondément individualiste, il veut s’en sortir, il veut quitter « les Ténèbres » pour la lumière, peu importe le prix à payer.
Aravind Adiga a expliqué dans un interview qu’il s’agissait de la lutte d’un homme pour sa liberté – mais dans l’Inde capitaliste, imprégnée de mondialisation et américanisation, on ne peut réussir qu’au prix de l’argent. Son protagoniste se « fournit » donc à la source. Et devient un « entrepreneur »  dans ce qui est la silicone valley de l’Inde, Bangladore.

Il est beaucoup question de la « Cage aux poules » dans l’histoire – une métaphore pour décrire les pauvres, qui semblables aux poules dans une cage trop petite pour toutes, tuent pour survivre, mais ne tentent jamais de s'échapper. 
En principe, le système des castes a été aboli en Inde après la révolution qui la libéra des Anglais.
Les castes sont une division de la société, déterminant ceux qui appartiennent aux castes supérieures et ceux appartenant aux castes inférieures. Elles n’ont pas disparu, contrairement à ce que l’on fait croire ; si elles semblent avoir disparu dans les grandes villes, elles restent très incrustées dans les campagnes. Si vous êtes né dans une caste, il ne vous est pas, en principe, possible d’en sortir – sauf à coups de corruption.
Les castes supérieurs oppriment encore et toujours les castes inférieures, et la police n’est pas la moindre des couches corrompues de la société.

Il s’agit d’une histoire réellement très sombre et pourtant le ton utilisé par l’auteur – subtile mise en abyme sous la forme de lettre « autobiographique » - est souvent plein d’ironie, d’impertinence.
Cela cache néanmoins une profonde désespérance à mes yeux.

Je crois que je suis guérie désormais de mon rêve à visiter l’Inde, car derrière le portrait que j’en recevrai en tant que touriste, son portrait par Aravind Adiga me restera trop en tête pour apprécier le pays.
L'Inde est tout sauf une démocratie - et je ne vous parle même pas de la situation des femmes !

Un livre « coup de poing » dont je conseille vivement la lecture.

Aravind_Adiga

L’auteur, Aravind Adiga, a obtenu le « Booker Prize 2008 » avec ce premier roman (vu la manière dont se déroulent les prix littéraires, ceci m’impressionne peu).
Il naquit à Madras en 1974 (nouveau nom de Madras = Chennai). Après des études en Inde, il émigra en Australie avec sa famille, ensuite il poursuivit ses études à New York, puis à Oxford.
Après avoir entamé une carrière de journaliste pour le Financial Times, puis devint journaliste indépendant. Il entama parallèlement une carrière d’écrivain ;  deux autres livres ont été édité depuis ce premier opus – Aravind Adiga est également l’auteur de nouvelles.

2 images de Delhi (celle des riches et des autres)

images  delhi__Medium_

Laxmangarth - le gange, où l'on se "purifie"

images_TourismPhotos_lax_fort article_gange

d'autres billets sur ce roman = critiqueslibres, amanda meyre, legrenieràlivres, surmesbrisées, voyelle&consonne

un auteur recommendé par lounima 

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Commentaires
M
Oui, on commence à le dire, quand je dis ce qui est tu et caché, c'est que c'est moins visible que ce qui se passe en Inde. Et surtout beaucoup de gens préfèrent nier.
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M
Un livre qui est dans ma PAL et qui me fait très envie. Cela dit, corruption, exploitation et cruauté peuvent s'appliquer au monde entier mais peut-être est-ce plus subtil ici ? Sais-tu que nous, bon occidentaux faisons des tests de médicaments sur les indiens (par exemple sur les survivants de Bopal) en prétextant les soigner ? Mais bien sûr comme c'est caché et tu, nous passons pour hypocritement des gens civilisés et moins cruels alors que notre cruauté est tout simplement tue par nos médias complices des pouvoirs ;-) <br /> <br /> Bref, pour en revenir à ce livre, tu m'as donné envie de le sortir de ma PAL.
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T
Quelle idée bizarre d'écrire une lettre au premier ministre chinois ! sans doute parce que pour arriver là il a du lui aussi graisser pas mal de pattes ;)
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