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mon bonheur est dans la ville
10 mars 2010

PASOLINI, le Barbare, de Fabien Gérard

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CINEMATEK

Une conférence d’introduction à la rétrospective consacrée à Pier Paolo Pasolini au musée du cinéma (actuellement Cinematek)

J’ai toujours été une grande admiratrice de Pier Paolo Pasolini, probablement pour cette joie quasi physique qu’il éprouvait à provoquer les mentalités petites-bourgeoises (que moi-même je n’ai jamais beaucoup appréciées !)

Au cours de mes six années d’étude de la langue italienne, j’ai dû présenter plusieurs fois une élocution en langue italienne – inutile de dire que j’ai pris un malin plaisir à parler de lui devant cet auditoire de dames (et quelques messieurs, mais peu) qui étudiaient l’italien « parce que ça fait chic » (heureusement quelques unes l’apprenaient aussi par plaisir et intérêt comme moi).

C’est le contenu de cette élocution que j’ai d’ailleurs eu le plaisir de traduire en français pour l’ajouter à la rubrique « Artistes & Personnalités ».

Fabien Gérard, après avoir vécu à Rome et travaillé notamment avec Bernardo Bertollucci dans les années 80, enseigne (entre autres) l’histoire de l’art du cinéma ) l’ULB et à l’école supérieure de La Cambre. J’ai eu l’immense plaisir de suivre ses 2 années de cours à l’ULB où il réputé non seulement pour son érudition, mais aussi pour son extrême gentillesse.

Fabien Gérard est également l’auteur de deux livres, malheureusement épuisés (et comme je le regrette) = « Pasolini ou le mythe de la barbarie » et « Ombres jaunes », le journal de tournage du « Dernier Empereur ».

Lorsque je lus le programme du musée du cinéma et que j’y vis que dans le cadre de la rétrospective consacrée à Pasolini, Fabien Gérard viendrait en parler en guise de « démarrage du cycle », j’ai immédiatement noté la date dans mon agenda (et j’y ai sans scrupule entraîné mon copain Denis, qui écrira certainement un billet sur son blog lui aussi).

Résumer la conférence de Fabien Gérard n’est pas chose aisée, elle était non seulement intéressante mais très fouillée.

Pourquoi appliquer le terme de « barbare » à Pasolini ? tout simplement parce qu’il ne répondait pas aux conventions sociales – il était l’étranger – le terme que les Grecs anciens appliquaient à tous ceux qui n’étaient pas nés grecs.

L’écrivain-réalisateur aimait provoquer pour secouer les consciences – pour que le spectateur ne soit pas seulement passif devant les images sur grand écran, pour qu’il se sente touché jusqu’au plus profond de lui-même.

Pier Paolo Pasolini était avant tout un poète et un écrivain – dans le petit film de clôture de la conférence, Pasolini au cours de l’interview de Philippe Bouvard dit préféré le titre d’écrivain à tout autre, lui qui était poète, écrivain, dramaturge, peintre, scénariste, réalisateur et parfois acteur.

peintureAyant fait des études artistiques et s’étant essayé à la peinture, c’est assez naturellement qu’il va se tourner vers l’écriture, profondément attaché à son Frioul natal, où il écrira ses premiers poèmes dans le dialecte régional.

De la peinture à l’écriture jusqu’au cinéma => il n’y avait qu’un seul pas à franchir et c’est ce que fit cet immense artiste.

avec anna magnani (qui tourna "Mamma Roma" avec lui

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avec toto qui tourna dans "Uccellacci e Uccellini"

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ici avec son ami, l'écrivain Alberto Moravia

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RCCNTIl sera aussi l’un des premiers réalisateurs à montrer l’histoire de manière un peu plus réaliste que dans les grandes productions peplum américaines – son « Decameron » et « Contes de Canterbury » sont de vrais petits morceaux d’anthologie sur un moyen-âge plus proche de la réalité, de même sa passion pour les mythes grecs permettra au public de découvrir ces sujets loin des décors de carton pâte ; « Medea » ou « Œdipe Re » montrent l’arridité des pays et la force des passions sauvages.

Medea

Pier Paolo Pasolini fait partie de l’âge d’or du cinéma italien, celui des années 60/70/80, le temps des Risi, Rosi, Monicelli, Pietro Germi, Comencini, Antonioni et bien d’autres.

Au cours de sa conférence, Fabien Gérard cita l’une des dernières phrases de Claude Levi-Strauss, dont Pasolini était un admirateur, phrase qui reflète parfaitement ce qu’a éprouvé Pasolini au cours des dernières années de sa vie = « Je quitte un monde pour lequel j’ai perdu toute estime » citation dont je partage l’idée moi aussi.

Ces deux grands philosophes n’ont eu de cesse tout au long de leurs vies de tirer le signal d’alarme sur ce que devenait notre société où l’on nous force quasiment à posséder de plus en plus d’objet. D’ailleurs Pasolini avait une formule très forte à ce sujet = le nazisme n’a pas quitté notre monde, simplement il n’est plus appliqué par un Hitler, il a subi une opération de chirurgie esthétique – mais le neo-libéralisme dans lequel nous vivons est un nazisme qui serait vêtu différemment.

Pour Pier Paolo, nous vivons un monde sans choix, sans retour en arrière possible.

C’est dans ce même propos qu’il dira que sa « Trilogie de la vie » montre le monde tel que lui Pasolini l’espérait, mais que c’est pour cela qu’il tournera « Salo » après = pour montre le monde tel que Pasolini craint qu’il ne devienne.

Pier Paolo Pasolini dérangeait beaucoup de monde avec sa tribune libre dans la presse italienne, il envoyait systématiquement ses éditoriaux aux quotidiens, trop heureux de voir leur chiffre d’affaires augmenter ce jour-là. Sa mort le prouve = il sera littéralement EXECUTE par la droite italienne, qui comptait faire passer ce meurtre pour un crime sexuel, compte tenu de l’homosexualité de l’écrivain – La mort de Pasolini ne fut JAMAIS une affaire de mœurs, ce fut une sordide mais magistrale exécution politique.

cadavre

Toute sa vie Pasolini dira que même s’il n’était inscrit à aucun parti, il était et resterait toujours un homme de gauche, un vrai marxiste et qu’il continuerait à dénoncer les outrages de notre temps.

Je ne sais si ma chronique reflète fidèlement l’éloquence et l’érudition sur son sujet par Monsieur Gérard, sujet qui comme on le devine me passionne (Denis pourra confirmer ou infirmer) – si je l’ai trahi, c’est bien involontairement, mes notes ayant été prises un peu au hasard des nombreux détails de sa conférence.

pierpaolo_pasolini_2

Pierpaolo_Pasolini_2 rabbia_di_pasolini_1

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Commentaires
N
oui je me souviens qu'on en avait parlé il y a quelques temps, au début où l'on se connaissait ;o)
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M
Tiens, j'ai moi aussi suivi le cours de Fabien Gérard quand j'étais étudiante à l'ULB :-) Il m'a fait découvrir de bons films, même à moi qui ne suis pas fana de cinéma ;-)
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N
merci denis, comme tu étais présent, je suis contente de ne pas avoir trahi les paroles du conférencier<br /> j'aime beaucoup pasolini, je n'ai donc pas grand mérite car je trouve que c'est un sujet passionnant
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D
Comme toujours, tu as la patience d'écrire un véritable sujet sur un thème déterminé là où moi je suis plus rapide parce que plus impatient ! Très bien fait ton billet !
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