Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
mon bonheur est dans la ville
18 décembre 2009

LETTER TO THREE WIVES, de Joseph L. Mankiewicz

200px_A_letter_to_three_wives_movie_poster

Adaptation du roman de John Klempner “Letter to FIVE Wives” par Vera Caspary, scénario de Joseph Mankiewicz et Vera Caspary

Titre français = Chaînes Conjugales

Nous sommes dans une petite ville typique des Etats-Unis, dans ses faubourgs élégants, où trois bonnes copines accompagnant bénévolement un groupe d’enfants de l’orphelinat se demandent où reste Addie Ross.

L’ambiance n’est pas tout à fait au beau fixe dans leurs cœurs, car juste avant de partir Deborah s’est chamaillée avec son époux Brad qui ne sera pas présent au premier dîner de la « saison » - le dîner du Country Club. De son côté, Rita et son sympathique époux George sont en froid ; de plus George qui généralement part pêcher le samedi est tiré à quatre épingles et a un comportement mystérieux.

Arrive enfin Lora Mae Hollingsway mais toujours pas d’Addie ; un coursier apporte alors un pli adressée aux trois jeunes femmes = c’est un mot d’Addie Ross leur annonçant qu’elle quitte la ville définitivement, mais qu’elle emporte dans ses bagages le mari de l’une d’entre elles.

Totalement prises de court, les trois jeunes femmes embarquent avec les enfants pour l’annuel pique-nique ; inutile de dire que chacune est terriblement inquiète de ce qu’elle découvrira au retour = sera-ce son mari qui sera parti avec Addie ?

5560__350Chacune à son tour va alors se remémorer certains événements de sa vie ; pour Deborah ce sera la première rencontre avec les amis de Brad et son inquiétude à ne pas être à la hauteur, elle qui vient de sa province. De plus sa robe et ses cheveux ne sont pas des plus élégants, c’est le moins que l’on puisse dire.

Le couple Rita et George Phipps arrive pendant ce presque psycho-drame et Rita a vite fait de comprendre que la malheureuse Deborah est plus que mal à l’aise.

Pour Deborah cette soirée fut la plus désastreuse de celle de son couple et la jeune femme, qui manque totalement de confiance en elle, est très inquiète.

Rita de son côté, avec ses airs désinvoltes, se souvient de la soirée qui a tout déclenché, lorsqu’elle s’est mis en tête d’inviter sa patronne à dîner. Rita écrit des textes publicitaires pour contribuer à leur quotidien, son professeur d’époux n’ayant pas un énorme salaire. George Phipps est mal à l’aise de cette situation mais fait contre mauvaise fortune bon cœur, même si Porter Hollingsway, l’homme le plus riche de la ville et époux de Lora Mae, n’hésite pas à lui dire qu’un homme ne devrait pas se laisser entretenir par sa femme dont la place est au foyer !  Inutile de dire que le dîner des Phipps tournera au vinaigre, et soudain Rita se demande si George sera encore là à son retour.

5560__letter_to_three_wivespdvd_007newMalgré son allure indifférente, Lora Mae s’active plus que de coutume afin de ne pas penser à la situation. Elle et son mari Porter ne se sont jamais entendus ; désireuse de grimper dans l’échelle sociale, Lora Mae voulait un riche mariage, Porter Hollingsway était donc le candidat idéal même s’il avait décidé de ne jamais se remarier. Malheureusement, dès le départ, le malentendu s’est installée dans le couple, lui persuadé qu’elle n’en veut qu’à son argent, elle convaincue qu’il ne l’aime pas. Sa mère va lui ouvrir les yeux, seulement voilà, il sera peut-être trop tard lorsqu’elle rentrera.

« Letter to three wives » est désormais considéré comme un classique du cinéma américain, catégorie « mélodrame ».

Le film est plutôt une comédie dramatique qu’un mélodrame « made in Hollywood », et certainement pas aussi mélo et larmoyant que ceux du maître du genre c’est-à-dire Douglas Sirk ; ici nous avons une satire, une typique peinture de la vie américaine d’après guerre, une sorte de conte de fées où les princes épousent les bergères - comme dans son film « Barefoot Contessa » et où - lorsque les princes et les bergères se réveillent de leurs rêves - ils se rendent compte que la vie n’est pas toujours facile. L’histoire dévoile petit à petit, à l’aide de flash backs, les défauts et qualités des personnages, ainsi que les faiblesses des relations dans les couples. Le regard sur le mariage est une réflexion plutôt cynique sur cette institution tellement prisée dans la société américaine. Mankiewicz aimait bien parler de l’amertume au sein des couples.

Mais comme Hollywood exigeait des « happy end » à l’époque (on est en 1948, le monde lèche ses blessures), pour montrer que l’espoir et le bonheur existent malgré la guerre et ses morts,  le film offre donc un (presque) « happy ending » alors que le roman se termine nettement moins positivement.

Des « Five Wives » du roman de John Klempner, deux seront  « perdues » en cours de route et il n’en reste que « Trois » dans la version cinématographique.

C’est le directeur de la Fox, Darryl F. Zanuck qui suggéra d’enlever une ou deux épouses dans le scénario lorsque le réalisateur Joseph Mankievicz se plaindra de la longueur du film s’il respectait le livre.

De toute façon, comme c’est souvent le cas au cinéma, les personnages dans le film diffèrent assez bien du roman, sans oublier les deux épouses qui  ont « disparu » en cours de route ; le roman ne montre pas non plus une possibilité de résolution des problèmes de couple, ce que le film par contre semble démontrer.

Ce genre de différences est fréquent au cinéma et c’est pour cela que l’on conseille bien souvent ou de lire un livre après sa version cinématographique, ou en tout cas de ne pas lire et voir les deux de manière trop rapprochée afin d’éviter les possibles déceptions. C’est quelque chose qui ne risque toutefois pas de se présenter avec le livre de John Klempner qui n’est plus vendu, ou alors sur les sites aux enchères d’internet.

Tout comme dans ses autres films, Joseph Mankiewicz excelle à mettre en images les travers, les conflits au sein des couples, avec un petit fond de critique sociale (pas bien ça une femme qui gagne des sous au lieu de se consacrer à son ménage. Pas bien non plus une société où la publicité remplace les études, ce à quoi je ne peux qu’adhérer mais hélas…)

Je dois dire que la diatribe moqueuse de George Phipps, le professeur dont l’épouse écrit des slogans publicitaires », est extrêmement savoureuse et c’est l’une des parties ironiques du film qui m’a le plus plu. Mais j’avoue que le personnage de « Sadie » est une excellente trouvaille également.

Côté interprétation c’est épatant =

Kirk Douglas est George Phipps, un professeur qui adore son métier, qui est plein d’idéalisme sur l’éducation et qui méprise profondément la  publicité (radio ou télé confondues) ; on peut presque y voir un dialogue visionnaire lorsqu’il parle de l’abêtissement des foules par ces media. Cette tirade particulièrement satirique a parfois été « amputée » (presque annulée) lors du passage du film sur certaines chaînes de télévision américaine !

Son épouse qui tente de mettre du beurre dans les épinards en écrivant des textes pour la radio est interprétée par Ann Sothern. Leur couple est celui qui est le plus uni des trois, du moins en apparence.

240px_Kirk_Douglas_in_A_Letter_to_Three_Wives_trailer

240px_Ann_Sothern_in_A_Letter_to_Three_Wives_trailer

Il y a la jolie Jeanne Crain dans le rôle de Deborah, une jeune femme très peu sûre d’elle, venue de la campagne, qui s’est réalisée en servant son pays dans la Navy et y a rencontré son prince charmant, nettement plus haut qu’elle dans l’échelle sociale, Bradford Bishop, joué par Jeffrey Lynn, que l’on ne voit pas très longtemps dans le film ; il est le mari le plus absent des trois pour des raisons professionnelles.

240px_Jeanne_Crain_in_A_Letter_to_Three_Wives_trailer 240px_Jeffrey_Lynn_in_A_Letter_to_Three_Wives_trailer

Enfin, le troisième couple formé par la superbe Linda Darnell et le sympathique Paul Douglas – dans le rôle de Lora Mae, une femme qui veut à tout prix réussir socialement, Linda Darnell apporte toute la froideur en apparence, alors que sous sa fougue de sud-américaine brûle le feu de la passion. Douglas est tout aussi parfait en lourdeau bon enfant, au franc-parler. Ces deux acteurs sont, selon moi, les plus naturels du film, ce qui n’enlève rien au talent de tous les autres. Personnellement, c’est ce couple-là qui m’a le plus touchée.

Linda_Darnell_in_A_Letter_to_Three_Wives_trailer

240px_Paul_Douglas_in_A_Letter_to_Three_Wives_trailer

220px_Thelma_Ritter_in_The_Mating_Season_trailerIl y a aussi (et surtout dirais-je) le personnage de Sadie, une femme du peuple, amie de la mère de Lora Mae, elle aussi a un franc-parler et comme toujours l’actrice Thelma Ritter, grande spécialiste des seconds rôles, l’interprète avec un humour pince-sans-rire absolument excellent. J’ai toujours beaucoup apprécié cette actrice, qui avait le don de dire leur quatre vérités aux gens, avec un sérieux imperturbable même si elle leur balançait des sarcasmes fort drôles.

Pas vraiment belle, l’actrice jouait sur cet humour par lequel elle volait bien souvent la scène aux acteurs, comme ici d’ailleurs.

Je vous recommande la scène où elle sert chez les Phipps, à l’occasion d’un dîner très sélect auquel Rita Phipps (Ann Sothern) tient beaucoup.

La mère et la sœur de Lora Mae sont interprétées respectivement par Connie Gilchrist et Barbara Lawrence. Le couple Manleigh pour qui les Phipps organisent le dîner « select » est joué par Florence Bates, une vraie caricature de la femme d’affaires américaine qui écrase littéralement son malheureux époux, joué ici par Hobart Cavanaugh.

200px_Hobart_Cavanaugh_in_I_Cover_the_Waterfront

200px_Celeste_Holm_in_All_About_Eve_trailerIl faut encore citer Celeste Holm, en « Addie Ross », que l’on ne voit jamais à l’écran mais qui est omniprésente ; Celeste Holm n’apparaît que par la voix « off » qui raconte l’histoire.

Sa prestation, même si seulement vocale, est tout aussi excellente que celles des autres protagonistes, la douceur qu’elle met dans l’ironie de ses commentaires est un bel exemple de ce que peut parfois être la rosserie féminine.

Ce qui paraît assez évident de ce personnage « invisible », c’est qu’Addie Ross est quelqu’un de conscient du pouvoir d’attraction qu’elle avait (ou a encore) sur les hommes du petit groupe d’amis qu’ils forment tous, et que dans une certaine mesure cela l’amusait beaucoup d’agacer leurs épouses qu’elle appelle « ses chères amies ». Pour beaucoup de spectateurs, la fin est très ambigüe et c’est la qu’il serait intéressant de trouver le livre.

jaquette_727Pour la petite histoire, il paraît que le général McArthur écrivit au réalisateur Joe Mankiewicz afin de lui demander quelle est exactement la fin de l’histoire car il éprouvait une certaine confusion à ce sujet.

Par ailleurs, pour obtenir l’air de profond mépris de Linda Darnell lorsqu’elle regarde la photo d’Addie Ross sur le piano de Porter Hollingsway/Paul Douglas, le réalisateur plaça une photo d’Otto Preminger dans le cadre – comme on ne voit pas la photo mais seulement l’expression sur le visage de l’actrice, on comprend mieux quelles furent ses relations avec le réalisateur Preminger qui fut son metteur en scène sur deux films où, paraît-il, il se comporta comme le dernier des goujats. Vrai ou faux, je l’ignore, mais ce qui est sûr c’est qu’à voir l’expression de Linda Darnell, elle ne le portait pas dans son cœur !

jaquette_14351 lettertothreewives

220px_Joseph_L__Mankiewicz 225px_Vera_Caspary

Publicité
Publicité
Commentaires
N
moi ce serait plutôt le roman dont le film est adapté, hélas introuvable ! ou alors pour 129$ sur ebay !!!!!
Répondre
M
Voilà un film que j'ai envie de voir après avoir lu le dernier livre de Alice Ferney, où il a une grande place. Ton billet m'en donne encore plus envie !!!
Répondre
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 85 240
Archives
Derniers commentaires
Publicité