D.O.A., de Rudolph Maté
D.O.A. (DEAD ON ARRIVAL) - Version de 1950
Titre français = Mort à l’Arrivée
Un homme arrive au commissariat de police de Los Angeles afin d’y rapporter un meurtre. SON meurtre.
Frank Bigelow est un honnête comptable-notaire du patelin de Banning en Californie. Il a décidé de prendre une semaine de vacances à San Francisco, sans en avoir préalablement averti son assistante-fiancée Paula, qui commence à lui faire d’amères reproches, puis prend un air doucereux pour lui dire de faire ce qu’il a envie et de réfléchir à leur possible vie ensemble.
Dans l’hôtel où il réside, Bigelow fait la connaissance d’une bande de joyeux lurons qui fêtent la fin de la convention à laquelle ils assistaient ; il est invité à se joindre à eux. Le lendemain il se lève avec une terrible gueule de bois – jusqu’à ce que l’état de son estomac lui fasse comprendre que c’est peut-être plus qu’une simple indigestion.
Il se rend chez un médecin, passe des tests et s’entend dire qu’il n’en a plus que pour quelques heures, ou jours, mais certainement pas plus d’une semaine à vivre ! Comme il refuse de croire ce diagnostic, il se rend dans une autre clinique où le diagnostic est confirmé – comme le poison a été bu depuis plus de 12 heures, le diagnostic est irréversible.
Frank court comme un halluciné à travers les rues de San Francisco, puis revient à l’hôtel espérant revoir les noceurs qui ont quitté l’hôtel. Il a alors, une fois de plus, Paula en ligne qui lui rappelle qu’un certain Phillips avait téléphoné plusieurs fois afin de lui parler mais qu’il ne doit plus le rappeler car le type est mort. Surpris par cette coïncidence – le type est mort le même jour où on l’assassinait lui Bigelow – Frank décide de mener une enquête afin de savoir qui et pourquoi on l’a tué.
De San Francisco à Los Angeles il va retrouver la veuve de Phillips, son secrétaire, son frère, un mafieux, bref toute une série de gens qui ont trempé dans une transaction pas nette, dont lui Frank Bigelow a été l’innocent témoin en remplissant un simple papier légal. Bref, au mauvais endroit, au mauvais moment.
HONNETE THRILLER, tout à fait dans la démarche du « noir » (film ou roman, c.à.d. = tout va mal, et ça va aller de plus en plus mal, sans aucun doute).
Il y a quelques scènes fort intéressantes, à commencer par l’ouverture du film, où Frank Bigelow entre dans le commissariat et cherche un responsable afin de venir lui rapporter son meurtre.
Ce « plan éloigné » a été considéré comme l’une des trouvailles cinématographiques la plus intéressantes à l’époque du tournage, ce qui n’a rien de surprenant puisque le réalisateur était directeur de la photographie sur pas mal de films en noir et blanc dans les années 30-40.
Cependant de là à crier au chef d’œuvre du genre, c’est fortement exagéré et cela n’enlève absolument rien à la formidable prestation d’acteur d’Edmund O’Brien qui prouve une fois de plus à quel point il était un excellent acteur.
Forcément, sans lui l’histoire n’a aucun intérêt et ce n’est pas l’idiote qui joue sa secrétaire-fiancée crampon qui le niera car elle, on se demande vraiment ce qu’elle fait là à part à pomper l’air de son malheureux patron-fiancé.
Sa fausse compréhension mais vraie jalousie, du genre « tu fais ce que tu veux mon chéri, je veux que tu te sentes libre » et après cela, elle lui téléphone sans arrêt. (Elle va même venir le rejoindre à San Francisco parce qu’elle « sent » que quelque chose ne va pas et il doit lui avouer qu’il l’aime sinon elle ne partira pas, NA !)
Dans le genre « femme qui vous étouffe » j’en ai rarement vu d’aussi insupportable et l’actrice ne la joue même pas convenablement, en plus ! L’actrice se nomme Pamela Britton.
A part l’intéressante démarche du malheureux empoisonné qui n’a plus que quelques heures à vivre et qui décide de mener l’enquête pour savoir qui est derrière son meurtre, le film est bourré d’invraisemblance car QUI lui a mis ce poison dans son verre ?
Il mettait les pieds pour la première fois de sa vie dans ce bar de Frisco et il n’avait jamais vu de sa vie la nana qu’il drague ???? Le barman ne le connaissait pas et il ne parle à personne d’autre. Par ailleurs, juste avant, il ne connaissait personne parmi les joyeux noceurs de la convention qui terminaient leur séminaire en bambochant …
Alors quoi ? s’il faut ce genre d’invraisemblance pour qu’un film devienne un « chef d’œuvre », j’en réalise un immédiatement ; enfin, cela me permet de constater que dans les années 50 on prenait parfois aussi le spectateur pour une « pauvre tache ».
Il y a évidemment quelques moments d’humour noir particulièrement cynique, lorsque le tueur à gages d’un gangster dit à Bigelow/O’Brien qu’il va s’amuser à le tuer lentement, on ricane évidemment puisque l’autre est en train de crever lentement de toute façon.
La course dans les rues de San Francisco, où Bigelow vient d’apprendre ce qu’on lui a fait et que le poison qu’on lui a administré a déjà complètement entamé son organisme, il fuit comme un fou, a paraît-il été tournée sans autorisation de la police, ce qui fait que les gens ont une attitude naturellement surprise à voir ce type complètement halluciné. En langage cinématographique, cela s’intitule a « stolen shot » (une scène « volée » en quelque sorte).
On ne peut pas s’empêcher non plus, en regardant ce film, de penser à ce malheureux journaliste ou espion russe (je ne sais plus exactement) empoisonné lentement à la dioxine par les sbires de Putin.
Donc, comme je l’ai dit plus haut = un plus qu’honnête thriller, une interprétation impeccable du personnage principal – sorte d’anti-héros - un sujet intéressant, mais pas un chef d’œuvre. Il semblerait que les critiques ont trouvé que c’est ce personnage d’anti-héros, fort imparfait, qui faisait tout l’intérêt de cette histoire – je voudrais quand même rappeler que le principe même du film noir est un anti-héros pour qui tout va mal, et va aller de plus en plus mal.
Le sujet était d’ailleurs si intéressant que deux remakes ont été réalisés sur ce sujet = l’un en 1969, l’autre en 1988 (dans ce dernier au moins on a un semblant d’explication à la fin de l’histoire, lorsque le gars trouve son assassin, même si le film est d’un niveau plus faible que l’interprétation d’Edmund O’Brien, qui je le répète, est fantastique.)
A la fin du film de Rudolph Maté, un mot d’explication au public explique que la toxine utilisée pour empoisonner Bigelow existe réellement. (Quand je vous le disais qu’on prend les gens pour des « taches ».)