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mon bonheur est dans la ville
29 octobre 2009

LES TROIS REVES DU MANDARIN (Europalia 2009)

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La Chine étant à l’honneur dans cet Europalia 2009 ; l’exposition située à l’espace culturel d’une banque belgo-néerlandaise propose un cheminement à travers les « Trois Rêves du Mandarin ».

43121_2Comme toujours, je me suis efforcée de résumer au mieux les intéressantes inscriptions figurant à côté des multiples vitrines exposant des objets magnifiques, en bois précieux et pierres rares (jade, corail) ainsi que des métaux naturels. Le visiteur se promènera  dans l’ espace à la fois temporel et mental du lettré (alias le mandarin) ; à chaque étape du parcours un végétal est choisi pour ce qu’il évoque : bambou = résistance ; prunier = délicatesse ; lotus = pureté.

Pendant un siècle et demi la Chine a connu un système politique basé sur le recrutement des gouvernants par le biais de concours ; des concours très sélectifs dont la matière comprenait un vaste nombre de textes qui remontaient jusqu’à Confucius.

Les candidats étaient jugés en fonction de leurs connaissances littéraires, historiques, philosophiques, ainsi que sur la qualité de leur style et de leur calligraphie.

C’est dans ce contexte que se développa une culture lettrée, à la fois vaste et restreinte : celle des mandarins. Plus large vu le nombre d’hommes (et de certaines femmes) instruits ; plus restreinte car pour être un vrai lettré il fallait aller au-delà des connaissances purement scolaires requises pour passer les concours. Il fallait témoigner d’un engagement artistique et littéraire de toute une vie.

Cela impliquait que l’on sorte du cadre strict du confucianisme et que l’on s’intéresse à la fois au taoïsme et au bouddhisme.  Développer une culture de l’anticonformisme était aussi très bien reçu.

L’exposition se divise en deux parties – même s’il s’agit de « trois rêves » =

·         Le mandarin dans sa vie, dans son cabinet de travail ; les apprentissages, les liens aux maîtres et aux ancêtres, ainsi que les outils de travails, les collections de livres, jades, bronzes et porcelaines.

·         Dans la deuxième partie – celle que j’ai préférée – la part belle est faite à la peinture et la calligraphie. Il s’agit des lettrés sans réel ancrage officiel, mais plutôt l’artiste, le poète, l’écrivain.


C’est là que résident les trois rêves = ceux des aspirations lointaines, éloignées de la réalité prosaïque ; ils sont
l’art, l’amour, la liberté. Ils sont représentés par

1.    Le rêve dans le bosquet de bambous, qui évoque les origines de la vision « lettrée » de l’existence, dès les premiers siècles de notre ère (idéal d’indépendance à l’égard du pouvoir et amitié entre pairs)

2.    Le rêve sous les pruniers ombreux ilustre la vie sentimentale du lettré ; développement de l’amour entre jeunes gens partageant les mêmes goûts artistiques et littéraire, des thèmes récurrents dans la littératures, les arts décoratifs et ceux de la scène.

3.    Le rêve du papillon parle de la relation étroite des Chinois avec la nature. Basé sur un rêve mis en poème par un artiste célèbre,  il entraîne le visiteur comme le concepteur du rêve dans l’espace domestique – donc apprivoisé qu’est le jardin.

Lettrés = Mandarins

Ils sont des hommes d’un pouvoir immense, mais aussi d’un immense bagage intellectuel. Seuls deux des trois aspects de la vie de ces fonctionnaires – délégués du pouvoir impérial – est évoqué (la vie sociale et intérieure – la vie professionnelle ne fait pas partie de l’expo).

402806_ENSous la dynastie Yuan se développe le premier âge d’or de l’opéra. Le repose-têtes que l'on voit ici représente une scène d'opéra.

Les lettrés aiment s’entourer d’objets rares, élégants, pour leur usage quotidien.  Des objets évocateurs, témoignant des goûts de leur possesseur qui les acquiert pour le plaisir de les toucher et de les regarder ; pour un lettre le goût est un don gratuit de la nature, les couleurs et les matières sont donc raffinées et « naturelles ».

Rites & Relations sociales

Le confucianisme a façonné la vie intellectuelle, religieuse et morale des Chinois pendant de longs siècles.

Les vertus fondamentales comme les vertus du rituel sont des règles de confort social et s’apprennent depuis l’enfance, impliquant une forte tension mentale et physique afin d’aller vers une réalisation de soi plus parfaite, en accord avec l’ordre conçu par le ciel.

Le ciel est représenté par le cercle (yin/yang) ; l’alternance du rigide et du flexible est représenté par la terre = le carré ; les vertus de bienveillance et justice qui régissent le monde des hommes sont représentées par la triangle = monde des hommes. On le place entre le cercle et le carré.

Les rites régulent évidemment la vie domestique, correspondant à une répartition spatiale des individus dans le domaine = on ne franchit pas un certain seuil sans y être explicitement invité.

Sous la dynastie des Han est édité le livre (très épais) des règles de piété filiale et de loyauté, ainsi que la transmission du savoir des anciens.

Le Studio du lettré

Dans cet espace qui n’appartient qu’à lui, le mandarin y oublie les tâches difficiles de son office ; il y reçoit des amis, il lit, compose. Le studio est généralement ouvert sur les bambous et les arbres d’une cour ; c’est une pièce intime, ouverte sur le monde végétal = lotus, bambous, pruniers.

Les peintures sont déroulées au rythme des saisons, on les contemple entre amis. Elles permettent de s’échapper vers le souvenir et/ou l’imaginaire.

402841_ENLes 4 trésors du lettré

Ce sont les ustensiles nécessaires à la calligraphie et à la peinture = pinceaux, papier, encres et pierres à encre.

402822_ENLes pinceaux sont en poils de loup, de chèvre ou de lièvre, le manche est en bambou. Il existe des repose-pinceaux en jade ou en corail

L’encre se présente sous forme solide, les pigments en sont agglomérés par la gomme arabique. Il existe plus de 500 motifs de moules à encre (dans le « Recueil des Pains à encre ») ; ces moules sont de prix très élevés et sont des objets de collection.

L’encre doit être broyée dans de l’eau d’où l’usage des pierres à encre, en des pierres rares, polies par l’eau ou dans un argile de haute qualité.

La montagne sur la table du lettré

La mythologie chinoise se base sur les jeux de correspondance entre le microcosme et le macrocosme. Une montagne miniature figure sur la table du mandarin, elle lui rappelle le séjour des immortels. Elle est également le symbole de sa fonction de juge. Elle figure également sur les paravents.

Parmi les objets exposés, outre un superbe corail porte-pinceaux, on trouve d’autres objets se trouvant généralement dans le studio = brûle-parfum (laiton), une porcelaine « bleue », un sceau en cornaline, le socle pour bâtons d’encre, l’encre et les pinceaux.

L’encre est aussi précieuse que l’or et le jade. Tous les objets dénotent un goût prononcé pour les objets de calligraphie raffinés et chers, comme l’est l’art même de la calligraphie.

402830_ENAnimaux porte-signes (sceaux)

Dans la mythologie chinoise la tortue et la chimère sont deux animaux jouant un rôle fondamental dans la vie rituelle  = la chimère, animal fabuleux, est aussi la gardienne des tombeaux impériaux et on la retrouve dans divers lieux sacrés, symbole de protection contre les esprits malins.

La tortue – de par sa forme - est la représentation même de l’univers en réduction = sa base est carrée et sa carapace est ronde.

Elle est associée à l’écriture chinoise = sur son plastron ventral les religieux écrivaient les manipulations divinatoires.

Quant à ses écailles, on les considérait comme une écriture naturelle.

Le coup de pinceau

La maîtrise du pinceau est extrêmement importante et concerne à la fois celle de la calligraphie et de la peinture qui sont indissociables.

Les paysages chinois sont toujours l’eau et la montagne disposées le long d’un chemin imaginaire sinueux disposé ainsi par la nature et figurant le chemin de la vie.

Le QIN

Est instrument ancien, sorte de caisse de résonance ; il se joue seul ou en petit comité (parfois pour un seul ami qui en comprend les subtilités ; il est aussi indissociable du mode de vie du lettré. Il peut se marier avec un léger son de flûte ou de luth, et aussi à la récitation de poèmes.

L’ivresse

Le banquet est l’un des plaisirs de la vie officielle et privée des mandarins. Les artistes et marginaux consomment énormément d’alcool qui apporte une libération des contraintes sociales.

402748_ENLe monde en petit

Le monde matériel et mental des lettrés est un mélange à la fois d’une extrême sophistication et d’une grande simplicité.

Racines et rochers sont autant d’œuvres d’art puisque ce sont des sculptures de la nature. Dans un jardin chinois réussi, pierres et rochers sont associés à l’eau.

Le lettré possède très souvent un rocher sur son bureau, en guise d’œuvre d’art et parce qu’il représente le monde.

Le rêve dans le bosquet de bambous

C’est un lieu de réunion des aristocrates lettrés ; ils y pratiquent l’art de la poésie, de la musique, de la conversation ; ils y boivent et consomment de la drogue.

C’est dans cette ambiance que se développera un taoïsme religieux et le bouddhisme.

La 2ème partie consacrée à la peinture – la partie que j’ai réellement préféré, même si la partie historique était fort intéressante. Elle fait la part belle à des artistes comme Hongien, Xu Wei, Gong Xian, Shitao.

402754_ENLa peinture lettrée

Comporte des paysages de montagnes et d’eau. Il existe un courant académique qui a le soutien de la cour impériale ; l’autre courant, plus personnel, est parfois réalisé par les mêmes artistes à d’autres moments dans un environnement moins officiel.

Le thème des bambous est omniprésent. Peindre les bambous est un exercice de style apparenté à la calligraphie.

Peinture et calligraphie sont indissociables et se retrouvent sur le même support de papier ou de soie, utilisant les mêmes instruments = pinceaux et encres.

La peinture des lettrés est pratiquement une démarche philosophique ; l’image préférée est celle du monde en miniature (montagnes, eaux, arbres). Le yin et le yang engendrent le monde visible – entre eux il y a le souffle, l’esprit invisible au regard (nuages).

Les rouleaux de papier de riz ou de soie fine ne sont pas destinés à être exposés (par exemple au mur, comme les peintures occidentales). On les regarde sur une table, les déroulant de droite à gauche ; on les déroule soit à l’occasion d’une fête, soit pour les contempler quelques moments, puis elles sont rangées. On les déroule généralement par rapport aux saisons.

L’expression « Avoir l’encre, mais pas le pinceau » signifie qu’on possède la technique mais qu’on n’insuffle aucune vie dans sa peinture. « Avoir le pinceau, mais pas l’encre » signifie le contraire (on a l’esprit, la vie mais pas de technique).

Sobriété et dépouillement sont les maîtres mots d’une peinture ; on se sert de préférence d’une seule encre (du moins pour les puristes), et on en tire toutes les nuances à ce que l’on veut peindre – cela peut aller jusqu’à HUIT nuances, du noir le plus pur au blanc du papier pour les nuages et le vide. La composition est généralement très et bien structurée – les plans horizontaux sont opposés à des lignes et des formes verticales ou courbes.

Le rêve sous les pruniers ombreux

Est un rêve de printemps, période des relations amoureuses. Le rêve est omniprésent dans la littérature sentimentale et plus particulièrement le thème des amours très compliquées et très fragiles, que représente d’ailleurs par excellence la délicate fleur de prunier.

Le thème préféré est celui des amours impossibles, avec une très jeune concubine à l’allure délicate (maladive) et qui meurt rapidement (de préférence vers 20 ans.

C’est le thème du rêve, de la nostalgie, du bonheur éphémère.

Les jeunes femmes aimées sont aussi lettrées ; elles ont appris la calligraphie, la poésie, la musique – certaines sont des courtisanes de haut rang.

Pour les lettrés orthodoxes, l’instruction des filles devait se limiter à une formation morale ; toutefois leurs adversaires estimaient que les filles avaient le droit à la même formation que les garçons.

Les pièces théâtrales « Le pavillon des pivoines » et « Le pavillon de l’ouest » sont célèbres – et furent très populaires - parce qu’elles sont le typique exemple des amours impossibles, de la mort par langueur. Les jeunes femmes à l’allure délicate et fragile ont la cote, elles sont souvent atteintes de tuberculose ; elles présentent un charme particulier aux lettrés.

402834_ENLe rêve du papillon

A été imaginé à la suite d’un rêve dans un jardin, par un lettré qui était devenu un papillon – à son réveil il écrivit un poème ne sachant plus qui était le papillon.

Tout comme une peinture, l’espace littéraire intime de la demeure est le jardin ; celui-ci est un monde parfait, peu importe sa taille.

Comme on l’a déjà vu, peinture et calligraphie sont intimement liées = chaque œuvre est complétée d’un commentaire ou d’une poésie parfois tendre ou comique.

Les éventails

L’exposition se termine sur une série d’éventails – lorsque ceux-ci commencèrent à devenir à la mode, ils furent un défi pour l’artiste.

En effet, le format en était inhabituel pour concevoir un paysage sur une forme arquée. Généralement on y voit un homme contemplant une cascade, symbole d’immensité de la nature.

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Commentaires
S
personnellement, je suis très sensible à la peinture chinoise, je la trouve réellement belle et intéressante dans son principe spirituel.<br /> <br /> Par contre les chipotages dont tu parles me provoquerait plutôt une crise d'urticaire :o)
Répondre
T
Hello<br /> <br /> Autant tout ces arts chinois - que certains appellent avec plus ou moins de mépris - chinoiserie, me laissent totalement froid; autant je suis admiratif de la dextérité nécessaire pour réaliser ces sculptures miniatures , ou les écritures de poèmes sur les grains de riz.
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