MILK, de Gus van Sant
Il y a 24 ans (en 1984) un documentaire intitulé « The Times of Harvey Milk » obtenait l’oscar du meilleur documentaire ; il était consacré au combat d’un homme politique au parcours atypique. Des chansons ont aussi relaté la vie de Milk et en 1995, il y eut même un opéra qui lui fut dédié ; l’opéra « Harvey Milk » est dû au compositeur Stewart Wallace et au librettiste Michael Korie.
Une pièce de théâtre retrace l’assassinat de Milk sous le titre « Execution of Justice » ; la pièce a été adaptée au cinéma sous le même titre en 1999.
Le projet de Gus van Sant est un « vieux » projet : dans les années 90, il en était déjà question avec River Phoenix dans le rôle de Milk et Tom Cruise dans celui de Dan White ; le projet ne se fera pas.
D’autre part, le réalisateur Bryan « Walkyrie » Singer avait également un projet similaire
Et pourtant Harvey Milk était très peu connu de ce côté-ci de l’Atlantique ; ceci est désormais révolu grâce à Gus van Sant et Sean Penn, qui mérite amplement l’oscar obtenu pour le meilleur rôle masculin 2008.
Parce qu’il redoutait de se faire assassiner, Harvey Milk un jour de 1978 se met à enregistrer son combat, sa lutte contre la discrimination des homosexuels, mais ainsi qu’il le dira à la fin de l’enregistrement : il n’est pas question ici de satisfaire un ego, il s’agit de défendre les droits de toutes les minorités, que ce soient les homosexuels, les handicapés, les Noirs, les seniors.
Le film retrace les 8 dernières années du parcours d’Harvey Milk – basé sur ces enregistrements - à partir du moment où, après avoir entamé une relation avec Scott Smith, il s’installe à Castro, le quartier gay de San Francisco. Il y ouvre une boutique de matériel photographique et devient rapidement le meneur de la communauté homosexuelle, créant une association de commerçants afin que ceux-ci soient représentés à la mairie.
Connu sous le pseudo du « maire de Castro street », il va participer aux élections du conseil municipal, et ce par deux fois (1973 et 1975). Face à lui dans tous ses combats se retrouvent les « bien-pensants » de l’Amérique, tous se revendiquant de dieu évidemment, pour la sauvegarde de la famille, pour la protection des enfants à l’école.
Il se battra notamment contre le tristement célèbre protocole 6 qui permettrait, s’il était accepté, de renvoyer de son emploi tout enseignant ayant avoué son homosexualité.
Notre monde s’est construit grâce à des « Justes » comme le fut Harvey Bernard Milk. Bravo à Gus van Sant et Sean Penn d’avoir permis que son combat ne soit pas oublié.
Le film a été traité avec pudeur et émotion, il y est question d’amour, d’amitié, du poids des idées et de choses que l’on peut changer si on le veut vraiment. C’est un film militant autant qu’un biopic.
Sean Penn est excellent bien sûr, mais cela n’a rien de très surprenant ; cet acteur excelle dans pratiquement tous ses rôles (c’est dommage qu’il ait la mauvaise habitude de transformer ses épouses en punching ball).
Harvey Milk était connu pour son charisme et ce charisme est parfaitement rendu par Penn. Par ailleurs, Gus van Sant n’en fait pas nécessairement un petit saint, il montre l’homme tel qu’il était, pactisant avec l’ennemi (Dan White, le républicain). Milk savoure sa victoire, il soutient le maire avec juste ce qu’il faut d’opportunisme pour réussir. En politique, on ne réussit pas, hélas, si on ne « pactise » pas.
Dans le rôle de Scott Smith, j’ai aussi trouvé que James Franco trouvait enfin un rôle à la mesure de son talent, qu’il avait déjà démontré dans « City by the Sea ».
C’est le désormais inévitable Josh Brolin qui joue Dan White, mauvais perdant devenu assassin. Qui ne sera pas jugé pour meurtre avec préméditation, ce qui signifie « meurtre au premier degré », mais bien pour « homicide involontaire » !
L’autre amant de Milk, le maniaco-dépressif Jack Lira, est interprété par Diego Luna.
On retrouve également dans la distribution, dans le rôle des collaborateurs de Milk, Emile Hirsch et Alison Pill.
Le maire de San Francisco, George Moscone, qui sera assassiné le même jour que Milk, est joué par Victor Garber.
L’ultraconservatrice Anita Bryant, que l’on aperçoit dans des documents d’archives, n’est pas sans rappeler le « pitbull en jupes » Sarah Palin.
Le conservateur Art Agnos est joué par Jeff Koons.
Je ne peux citer tous les acteurs, mais van Sant a particulièrement bien choisi ces derniers, de manière à ce qu’ils ressemblent physiquement au personnage qu’ils interprètent.
Un film intéressant, courageux, important en ces temps d’intégrisme religieux : il suffit d’entendre ce que déclare Benoit-je-ne-sais-pas-le-quantième pour s’en rendre compte.
Deux photos du vrai Harvey Milk