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mon bonheur est dans la ville
17 juillet 2009

MANIERE NOIRE, de Xavier Hanotte

« Bruxelles s’endort dans le vide couleur néon de ses bureaux et de ses magasins. La vie se réfugie alors dans les banlieues, à l’abri des volets mécaniques et des rideaux, quand le bon peuple tire un trait sur le monde et l’enferme jusqu’au lendemain dans le bocal hermétiquement clos d’une télévision. »

resizeCe passage, extrait du livre,  tout empreint de mélancolie donne bien le ton de ce polar belge dont je prends un immense plaisir à parler.

Barthélémy Dussert s’est engagé dans la police à la suite d’un amour malheureux ; il est un inspecteur apprécié de son supérieur et de ses collègues. Dussert est un homme au caractère fort mélancolique, passionné par les écrits du poète britannique, Wilfred Owen, un homme mort  jeune, pendant la première guerre mondiale quelque part du côté d’Ors (Nord-Pas de Calais), à seulement 7 jours de l’armistice. L’une de ces nombreuses morts totalement inutiles comme toutes les morts en temps de guerre.

L’inspecteur vient d’être convoqué par le commissaire Delcominette parce qu’il va falloir rouvrir le dossier « Maghin » surnommé le « tueur de flics », un terroriste déclaré mort depuis quelque temps. Dans une copie d’une vidéo amateur prise à Prague, l’homme est apparu brièvement dans le cadre de la caméra. Compte tenu d’une certaine connaissance de la langue tchèque, Barthélémy est envoyé à Prague, d’autant plus qu’au cours d’une perquisition il a découvert une arme de fabrication tchécoslovaque.

D’autres indices que cette arme le mettent peu à peu sur la piste d’André Maghin et de son complice en cavale, une carte postale dont il est rapidement convaincu qu’elle est bourrée de références. Il va donc les suivre pas à pas, comme un jeu de pistes jusqu’à la confrontation finale.

Entretemps il aura découvert un tueur à la personnalité surprenante ; un historien d’art, grand amateur de J.W. Turner, un homme cultivé, un homme amoureux d’une certaine « Alice », un homme dont on n’a toujours pas compris ce qui l’a amené à devenir un implacable tueur, semblant tuer pour le seul plaisir de semer la mort.

Je suis absolument ravie de m’être enfin décidée à découvrir les romans policiers de Xavier Hanotte, dont on m’avait dit beaucoup de bien il y a  un certain temps déjà, mais il y a tant de livres à lire que, en toute sincérité, je n’avais pas fort envie d’ajouter des livres à ceux en attente.

L’ambiance de « Manière Noire » est comme ces ciels d’automne belges : alternances de nuages et de quelques pâles éclaircies. On sourit parfois aux joutes verbales entre policiers ou aux blagues pas toujours du meilleur goût des collègues. On s’émeut un peu au récit de l’amour manqué de Dussert ou ce qui conduisit sa partenaire, Katrien, dans son service.  Le suspense psychologique s’installe petit à petit, presque incidieusement ; les inspecteurs utilisent des méthodes classiques d’indices, d’intuition mais aussi de hasard, parfois.

L’un des passages les plus poignants est le rêve que fait Barthélémy quant à la mort du poète britannique.

Là où malheureusement cela dérape complètement, c’est presque immédiatement après l’extrait du livre que j’ai copié dans l’introduction à ce résumé.

Tout à coup, on se retrouve dans une espère de polar à l’américaine, non pire : dans un de ces films américains avec poursuites en voiture, avec échanges de coups de feu,  avec une confrontation finale policier/meurtrier sur les toits d’un immeuble. 

Cette fin est selon moi le point faible d’un roman qui vaut vraiment le détour, un roman plein d’atmosphères diverses,  étrange mélange de tendresse (Dussert est un personnage touchant, obsédé par un amour qu’il n’a pas réussi) et de train-train quotidien.

Xavier Hanotte aborde aussi par touches légères les conflits linguistiques qui animent ce pays ; le livre datant d’une dizaine d’années, ces conflits ont pris une importance nettement plus grande depuis.  Il nous fait voyager de Bruxelles à Prague, en passant par Charleroi et le Namurois (Crupet), il nous rappelle ces hommes morts pour rien, quelque part dans les Flandres françaises. Ce qu'il y a de formidable aussi, avec ce roman, c'est de connaître et reconnaître les lieux dont parle l'auteur.

Pour ce premier roman, l’auteur a obtenu le Prix Alain-Fournier.

Je me pose la question à propos du choix du titre « Manière Noire » : étant donné qu’il s’agit d’une enquête qui amène notre inspecteur à se pencher sur la vie d’un meurtrier qui, jeune, s’intéressait à l’art, le titre ferait-il référence au « mezzo-tinto », procédé artistique en gravure, inventé au 17ème siècle grâce auquel on obtenait des nuances de noir doux au gris profond. Comme il semblerait que ce terme de « Manière Noire » désigne également un dessin par méthode d’effacement, je me suis demandé si effectivement ce n’était pas là la référence d’une enquête avec des personnages tout en demi-teinte ?

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