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mon bonheur est dans la ville
1 juillet 2009

LA GUERRE DE TROIE N'AURA PAS LIEU, de Jean Giraudoux

41FREANEY2L__AA240_Interprétée par la troupe du Théâtre du Parc de Bruxelles et mise en scène par Jean-Claude Idée.

Andromaque attend le retour d’Hector victorieux, il le lui a promis : cette guerre-là était la dernière.  Donc « la guerre de Troie n’aura pas lieu ». Elle porte en elle l’enfant d’Hector et aspire ardemment à la paix, enfin !

Mais c’est à Cassandre qu’elle s’adresse, Cassandre celle qui prédit l’avenir, que personne n’a envie de croire, mais qui dit toujours ce qui va exactement se produire.

Malgré les discussions avec le conseil des anciens, menés rageusement par le mauvais poète Demokos, loin d’être un poète pacifique mais au contraire, plein de haine et de fureur, refusant de rendre Hélène, la belle, la sensuelle Hélène, que les vieillards de Troie suivent comme le jeune Troilus comme des chiens affamés. Hélène qui baigne dans cette adoration, que Pâris depuis longtemps n’intéresse plus mais elle n’a nulle envie de retourner à Sparte.

Même Priam préférerait ne pas la rendre à Ulysse, venu en ambassadeur, dont la rencontre avec Hector en tête à tête est un plaidoyer désabusé pour la paix, mais il est convaincu que cette guerre aura lieu car Troie est trop riche. Il y a belle lurette qu’Hélène n’intéresse plus les Grecs, ce qu’ils veulent c’est l’or de Troie,  les champs dorés de Troie.

Et c’est à cause de l’ignoble Demokos hurlant qu’Oïax l’a tué, qu’échoue la négotiation. Parce qu’un poète a préféré la haine et la fureur à la paix et la sagesse. Lorsque le premier acte se termine, les portes de la ville se ferme et la paix entre dans Troie, hélas au deuxième acte, il faut les rouvrir pour laisser venir les parlementaires, le calme Ulysse et l’excité Oïax.

« Le poète troyen est mort, au poète grec d’entrer en scène ! »

Ainsi finit une pièce qui m’a littéralement transportée de plaisir théâtral. Il paraît qu’il s’agit de la pièce la plus jouée de Jean Giraudoux. Peu importe, même si elle n’avait été interprétée qu’une seule fois, il a suffi que je la voie.

Ce texte est un magnifique réquisitoire contre toutes les guerres, le ton léger contrastant avec la gravité du texte. Ecrite dans les années 30, pendant les négotiations pour la paix en Europe, elle sera créée en novembre 35 par Louis Jouvet et le théâtre de l’Athénée. Il s’agit alors de tenter d’éviter une nouvelle guerre fratricide. Comme le dit Giraudoux par la bouche d’un Ulysse légèrement désabusé, sans illusions sur l’issue de son ambassade =  « le privilège des grands, c’est de voir les catastrophes du haut d’une terrasse » tentant ainsi de consoler Hector qui plaide pour cette  paix.

« La Guerre de Troie n’aura pas lieu » c’est le plaidoyer contre toutes les guerres, contre toutes les haines et de tous les temps elle sera terriblement d’actualité. Le texte met en valeur le cynisme des hommes politiques et la manière qu’ont les hommes de manipuler les symboles à leur avantage. Un texte brillant, empli de dérision mais dont tous les mots sont lourds de sens.

J’ai été absolument soulevée d’enthousiasme tant pour  l’interprétation des comédiens du T.R. du Parc était éblouissante, que pour la mise en scène et les costumes de Serge Daemes et Ludwig Moreau.

Le metteur en scène Jean-Claude Idée a transformé Hélène en une bimbo, écervelée,  superbement interprétée par Véronique Biefnot qui la transforme en une sorte de Paris Hilton, à la plastique superbe mais au cerveau et au cœur complètement vides. De même que Pâris, interprété par Serge Demoulin, dans le plus pur style bellâtre hollywoodien. On croirait Travolta dans « Saturday Night Fever ». Leur couple basé seulement sur le plaisir contraste avec celui formé d’Andromaque et Yves Claessens, qui s’aiment profondément. Claessens est éblouissant, émouvant, chaque phrase vous prend au cœur.

C’est le toujours excellent Jean-Claude Frison qui apporte sa voix profonde au rôle d’Ulysse.  Qu’ajouter de plus au fait qu’il est, comme à l’accoutumée, exactement dans le ton du rôle de l’homme sage qui a compris ce qu’est la fatalité, mais voudrait l’empêcher.

L’immonde et fanatique Demokos, soi-disant poète mais surtout belliciste, est interprété par Jean-Marie Petiniot qui lui donne un air très clown, ce qui accentue le côté odieux du personnage. Oïax, le guerrier, est joué par Bernard d’Oultremont qui insiste aussi sur le côté « beauf » du personnage.

Priam est interprété par Gérard Vivane et c’est Anna-Marie Cappeliez qui est Hécube, sa reine. Leur petite dernière, Polyxène, est jouée par la jeune Stepfanie Vanden Broeck ; je n’ai pas grande estime pour les enfants-comédiens, mais elle s’en tire avec justesse.

Servantes, Troïlus,  et toute la distribution sont à la hauteur des rôles principaux.

Les costumes sont tous très sobres, dans des teintes de sable et terre, sauf Andromaque, tout de blanc habillée afin d'accentuer sa douceur, sauf Cassandre au maquillage blafard et aux vêtements sombres accentuant son pessimisme, sauf Hélène et Pâris, habillés à la mode contemporaine, se promenant en parfaits égoïstes. Les décors sont beaux, simples, sauf vers la fin où le bruit et la fureur de la guerre se déchaînent.

Que tous ceux qui vivent en Belgique courrent voir la pièce. A tous – toutes générations confondues - je conseille de relire le texte de Jean Giraudoux.

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