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mon bonheur est dans la ville
19 janvier 2020

LES HEURES INDOCILES, d'Eric Marchal

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A Londres, au début du 20ème siècle, le monarque est désormais Edward VII.

Olympe Lovell – dont le livre de chevet est le livre d’Olympe de Gouges, ergo le prénom qu’elle s’est choisi – est une suffragette radicale, qui tente par tous les moyens de faire entendre leur voix chez les ministres, se faufilant dans les couloirs souterrains du parlement britannique.
C’est là qu’elle est sauvée des griffes de deux inspecteurs de police qui la suivaient et avaient décidé de « lui faire entendre raison » à leur manière ; ce sauveur se nomme Thomas Belamy et est le médecin en chef du service des urgences du St-Barts.
Il a pour assistante, une excellente infirmière Frances qui étudie lors de ses soirées ou jours de liberté pour devenir médecin ; son autre assistance est sœur Elizabeth, une religieuse qui est loin de partager les idées de Frances, et qui n’est pas toujours d’accord avec les méthodes nouvelles du docteur Belamy.
Un interne est joint à cette équipe, le jeune Reginald Jessop, dont le père est le principal donateur du Barts et qui est profondément opposé à la vocation de son fils, estimant qu’un Jessop ne doit pas s’abaisser à soigner ses semblables.

Belamy est un métis annamite, ayant fait ses études à Paris, mais également féru de médecine chinoise. Il aimerait faire accepter par la direction l’union entre les médecines traditionnelle et chinoise, complémentaires. Il cache un lourd secret.

C’est dans sa fonction de médecin urgentiste que Belamy rencontre le très excentrique Horace de Vere Cole, grand amateur de blagues et canulars en tous genres, de préférence de mauvais goût.
L’homme est riche et peut se permettre ses petites excentricités sans être longtemps inquiété par les autorités.

Il a pour  ami  Adrian Stephen, frère de Virginia et membre du groupe de Bloomsbury. Adrian est rempli d’indulgence pour son ami, sa sœur par contre le trouve particulièrement vulgaire. Il est vrai que de Vere Cole, légèrement atteint de surdité, parle toujours très haut et très fort et adore être le point d’attention de tout endroit où il se trouve.
Parce qu’il est un aristocrate, bien que de petite souche et irlandais de surcroît, on lui passe beaucoup, il est vrai qu’il dépense sans compter.

C’est lui qui dira, plus tard, à Thomas Belamy et Olympe Lovell = chacun de nous trois est un rebelle ; à deux nous sommes dangereux, à trois nous serons incontrôlables.

Ces trois personnes vont tour à tour se trouver dans des situations tragiques, ou parfois tragi-comiques dans le cas de Vere Cole.
Celui qui en principe a le plus à perdre est le jeune médecin, seulement soutenu par le grand directeur du St-Barts, qui lui demande la modération.
Par ailleurs, il y a dans l'ombre un personnage qui se nomme lui-même "l'apôtre", qui est-il ? qui tire les ficelles ?

Pendant plus de deux ans, ils vont se croiser, s’aimer, s’appuyer. Mais pour Thomas Belamy l’exil menace, et Olympe qu’il aime et dont il est aimé en retour, est une jeune femme qui n’est pas prête à céder le peu de liberté dont elle dispose.

Mon avis = ce roman est la preuve, une fois encore,  que je ne dois jamais dire jamais, et que j’ai parfois raison  de m’accrocher à une lecture qui ne me plaît que très modérément,  que j’envisage d’abandonner.
Comme  je le dis régulièrement, abandonner un roman est pour moi un rendez-vous manqué avec l’auteur, et je le regrette toujours – finalement m’étant accrochée à l’histoire, même si je la trouvais réellement fort longue, au tiers du roman j’ai commencé à être un peu plus intéressée, à défaut de captivée.

Il faut dire que j’ai trouvé le personnage d’Olympe Lovell passablement désagréable – je comprends qu’elle y croit à cette cause qui au début du 20ème siècle paraissait perdue, mais vouloir devenir une martyre de la cause, comme le suggère la fille Emmeline Pankhurst, fondatrice du mouvement Women’s Social and Political Union en Angleterre, n’est pas nécessairement la bonne solution.
Pour les personnes convaincues par la cause, il est évident que c’est bien d’être une martyre, mais pour les opposants, c’est une preuve de plus de leur stupidité et de leur hystérie, collective et personnelle.

L’autre personnage qui m’a profondément agacée est cet espèce d’adolescent attardé Horace de Vere Cole – personnage ayant réellement existé et se comportant dans la vie tel qu’il est décrit dans le roman – il adore avant toute chose la provocation et faire la nique à ceux qui se prennent au sérieux – ami du frère de celle qui deviendra Virginia Woolf (dans le livre  Virginia Stephen), entraînant ses amis dans ses canulars, certains pas toujours du meilleur goût.

Finalement, le personnage qui a ravi mon cœur était le docteur Thomas Belamy, métis, pratiquant la médecine chinoise (acupunture) en plus de la médecine traditionnelle au St-Barts. Il est profondément humain, se dévouant sans compter pour les pauvres autant que pour les nantis. Devant se battre pour ses idées novatrices mais aussi contre les préjugés (il n’est pas Anglais n’est ce pas).

Le roman mélange habilement des personnages historiquement avérés (roi Edward VII), ses ministres, Emmeline Pankhurst et sa fille avocate, Christabel , Horace de Vere Cole, les Stephen (Virginia et Adrian) et le groupe de Bloomsbury, même Winston Churchill et Conan Doyle (très peu favorables à la cause des femmes, dont la place est de s'occuper de la maison et des enfants),  et des personnages fictifs comme Olympe et Thomas, ou Reginald, Frances, soeur Elizabeth.

Il y a des passages intéressants au point de vue historique, comment dans la prison pour femmes  on gavait de force les suffragettes faisant la grève de la faim ; et où les femmes qui n’admettaient pas le mouvement suffragiste étaient les plus acharnées à leur perte.

L’écriture est fluide, avec beaucoup de dialogues rendant le récit vivace. Celui-ci s’étale sur deux années, avec beaucoup d’allers-retours entre le St-Barts et divers quartiers de Londres, mais aussi entre l’Angleterre et les Etats Unis.
Toutefois, je ne déclarerais pas, comme d’autres lectrices/lecteurs que j’ai eu des regrets une fois le roman terminé, car je l’ai trouvé trop long – je ne suis pas fan de pavés, néanmoins comment faire plus court dans une telle histoire (question purement rhétorique).

Un bref et trop petit retour sur l’histoire =
Les suffragettes arrêtèrent leur campagne « Vote for Women » au début de la première guerre mondiale – une pénurie de main d’œuvre étant évidente, tous les hommes étant partis au front, les femmes occupèrent des emplois traditionnellement réservés au hommes, ce fut la preuve pour beaucoup que les femmes étaient une force considérable avec laquelle il fallait désormais compter.
Emmeline et Christabel Pankhurst appelèrent à une trêve dans la campagne pour les droits des femmes, alors que l’autre fille de Pankhurst, Sylvia, plus radicale et tendance marxiste, estima qu’il fallait poursuivre.

Les suffragettes britanniques furent longtemps considérées comme des terroristes, atteintes d’hystérie, mais malgré cette considération elles n’obtinrent jamais le statut politique auquel elles auraient dû avoir droit.

Rappelons aussi qu’en 1913, une suffragette – Emily Davison – tenta au derby d’Epsom d’arrêter le cheval portant les couleurs du roi Edward VII, mais fut renversée et mortellement blessée ; la photo de l’accident parut à la Une de  toute la presse, ce qui attira l’attention du monde entier sur le mouvement suffragiste.

En 1918, enfin !, le parlement accorda le droit de vote aux femmes de plus de 30 ans si elles étaient propriétaire terrienne ou locataire, ou si leur mari l’était – il fallait aussi qu’elles aient un loyer annuel de 5£ (comme quoi aucune lutte n’est jamais totalement gagnée, ni totalement finie) ; les diplômées britanniques furent comprises dans cette autorisation.
Finalement les femmes obtinrent 10 ans plus tard (en 1928) le droit de vote pour l’ensemble des femmes. L’Angleterre devenait ainsi le 8ème pays à accorder le droit de vote aux femmes. Le premier pays fut la Nouvelle-Zélande – en 1893, grâce à Kate Sheppard.

En France les femmes n’obtinrent le droit de vote qu’en 1944, à la fin de la 2ème guerre mondiale. En Belgique, la loi de 1921 permet aux femmes de voter aux communales; c'est en 1948 que le droit de vote des femmes est aligné sur celui des hommes.

Anecdote = grosse erreur sur l’intro du livre sur babelio = le roi d’Angleterre de l’époque est EDOUARD VII – et non Edouard VI, celui-ci était le fils d’Henry VIII – ce n’est pas que ce soit très grave, mais c’est fort sérieux tout de même, vu qu’Edouard VI régna au 16èmer siècle – je trouve assez surprenant qu’aucun lecteur ayant laissé un commentaire n’ait corrigé, certains ont repris la même erreur, d’autres heureusement ne se sont pas laissés prendre au piège.

st-bartholomew's hospital, familièrement connu sous le nom 
st-barts, le plus grand hôpital de londres

s3_V0013000_V0013023 

il_fullxfull

 

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Commentaires
M
j'avais mis un commentaire mais bien sûr disparu dans limbes ... Je suis contente que tu aies finalement accroché à ce roman :-)
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A
Je ne retiens plus que les coups de coeur et ça ne me paraît pas être le cas ;-)
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V
si le contexte historique est tentant, je crains de ne pas savoir m'accrocher aussi bien que toi…
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H
Oui bon heum... enfin... je ne sais pas.... je crois que je préfère ton résumé passionnant à ce pavé qui m'a l'air quelque peu fastidieux ;-)
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