TOUS LES SOLEILS, de Philippe Claudel
Alessandro Regazzoni est professeur de musique baroque, il habite Strasbourg avec sa fille Irina et son frère Luigi. Alessandro est veuf, la maman d’Irina étant morte dans un accident cinq mois après la naissance de leur petite fille, c’est aussi à cette époque que son frère les a rejoint.
C’est un numéro ce frère = anarchiste, ayant décidé de demander l’asile politique car, pour lui, un pays dirigé par Berlusconi est tout sauf une démocratie – d’ailleurs il ne sortira plus de l’appartement tant que Berlusconi sera au pouvoir …
Son interlocutrice privilégiée est la factrice à qui il expose ses théories, tout comme à sa nièce d’ailleurs, ce qui lui vaut quelques homériques disputes avec son frère. Déjà qu’il n’arrive pas à gérer le fait que son « bébé » grandisse, si en plus son frère l’incite à la rébellion !
Oui il se révolte le « bébé » - Irina a 15 ans, elle adore son père mais il devient pesant sur ses jeunes épaules. Sa maman, elle ne l’a pas beaucoup connue, et ce fantôme tant chéri lui pèse aussi parfois, elle voudrait vivre Irina, s’amuser, voir son père revivre. Son père qui pète un câble lorsqu’il la voit avec un garçon ou qui veut encore lui acheter ses sous-vêtements !!!!
D’ailleurs, c’est décidé Luigi et Irina vont lui trouver une bonne amie via les sites de rencontre ! Et toc pour l’enquiquineur !
Heureusement, il y a tout de même autre chose dans la vie d’Alessandro que ses deux-là qu’il adore ; il est lecteur bénévole dans une clinique de soins palliatifs – parmi « ses » malades, il y a Agathe, très belle dame qui sait qu’elle part doucement mais sûrement, ce qui bouleverse aussi Alessandro, comme cette petite fille qui lui demande des contes mythologiques. C’est aux funérailles d’Agathe qu’Alessandro va rencontrer Florence, dont les regrets de ne pas s’être réconciliée avec sa mère vont les rapprocher.
En dehors de cela, Alessandro fait partie d’une chorale de musique baroque et se réunit régulièrement avec une bande de couples de copains avec qui il partage le plaisir du bon vin et une bicoque qui tombe en ruines !
Très – vraiment très – gros coup de cœur pour moi que ce « feelgood movie » à la française, rempli d’amour, de tendresse, de bonne humeur. Une histoire où l’on traite sur un ton faussement léger plein de choses sérieuses et même graves comme la maladie, la mort, le deuil qui comble la vie et ne laisse pas la place pour vivre, plus les conflits parents/enfants à l’adolescence, les conflits mère/fille (où l’affection l’emporte malgré tout), bref une série de sujets qui m’ont réellement interpelée personnellement et que j’ai trouvés merveilleusement exprimés, avec pudeur, avec vérité, sans pathos.
D’aucuns ont critiqué Philippe Claudel pour la légèreté de son ton, pour ne pas avoir réécrit un 2ème « Il y a longtemps que je t’aime » - pourquoi un scénariste-écrivain-réalisateur devrait-il sans cesse refaire la même histoire ? Ici, comme je l’ai dit, sous l’apparente légèreté, on parle de sujets qui touchent chacun de nous de près.
Tous les acteurs, sans exception, sont à la hauteur du sujet = Stefano Accorsi est excellent en père dépassé par le fait que sa fille grandisse et un homme empli d’un immense désarroi pour avoir perdu son épouse – et comme il le dit très justement = le temps n’arrange pas nécessairement les choses (inutile de die que je me suis sentie très interpelée par cette phrase).
Neri Marcoré est absolument hilarant en frère anarchiste incitant tout le monde (y compris la factrice) à se rebeller contre le système.
La charmante Lisa Cipriani est une Irina passant par les troubles de l’adolescence, les premières amours, un besoin intense de vivre et se libérer du poids de la tendresse paternelle. Clotilde Coureau est une charmante jeune femme, blessée par la mort de sa mère et surtout par les silences qu’elles vécurent et qui l’éloignèrent d’une maman qui va lui laisser un merveilleux message d’amour après sa mort (ici aussi je me suis sentie très interpelée).
C’est Anouk Aimée qui interprète avec douceur et justesse cette Agathe en fin de vie, qui en parle avec une certaine autodérision en énumérant les formes de livres qu’elle et Alessandro ont choisi tout au long de ses visites.
Il faut encore citer Margot Lefevre-Chan en grand-mère ; Patricia Joly en directrice qui attend beaucoup plus d’Alessandro qu’il ne s’imaginait. Et Marie Seux et Babeth Reziciner, deux amies qui aident Alessandro à comprendre sa fille. Sans oublier Emilie Gavois-Kahn en factrice et Fayssal Benbahmed en policier habitué à la famille Regazzoni.
La musique est superbe, parfaitement en accord avec le film – j’ai adoré la scène de la tarentelle (musique traditionnelle italienne) en classe de musique … et comme je suis une grande fan de musique classique baroque, l’ensemble des musiques du film m’a réellement séduite.
Le décor est magnifique = la ville de Strasbourg a été photographiée avec joliesse et du coup, j’aurais très envie d’y retourner (j’y suis allée il y a longtemps déjà). Et puis, comme apparemment le soleil fut de la partie, tout ce film semble avoir été tourné sous le signe de la bonne humeur – et cela se sent de bout en bout.
Pas mal de références littéraires bien sûr, du fait du bénévolat d’Alessandro/Accorsi – quelques bons moments de rire là aussi, mais aussi de réflexion.
Et bien sûr un gros clin d’œil politique à l’égard de l’Italie de Berlusconi.
Avec en prime, pas mal de dialogues en italien – ce qui m’a donné envie de terminer mon début de soirée dans mon resto italien préféré – à deux pas de chez moi - où la conversation avec le patron a été un apport supplémentaire au délicieux plat choisi (certains d’entre vous reconnaîtront les lieux j’en suis sûre)