RUNDSKOP, de Michael R. Roskam
Titre français = Tête de bœuf
Titre anglais = Bullhead
Jacky Vanmarsenille travaille dans l’entreprise familiale dans la région limbourgeoise ; depuis toujours sa famille élève des bœufs et trempe dans le trafic de viande, en injectant des hormones de croissance aux bêtes. Plus ils grossissent rapidement, plus rapide est le rapport prix, ne parlons pas de la qualité et des risques encourus par les consommateurs. De plus, l’oncle de Jacky est un vétérinaire véreux, qui accepte de rencontrer des éleveurs de Flandre occidentale qui veulent étendre leur champ d’opération.
Jacky est un garçon violent, qui n’hésite pas à intimider les éleveurs qui n’acceptent pas de jouer le jeu. Là-dessus, un inspecteur fédéral, Daems, se fait abattre par ceux qu’il serrait d’un peu trop près. A partir de là, les tensions s’accentuent, tout le monde prend peur, plus personne ne connaît personne, le but étant de tirer le plus rapidement possible son épingle du jeu sans trop en supporter les conséquences.
Pendant ce temps, Jacky qui n’hésite pas à conseiller à son frère et son oncle à se faire oublier quelque temps – il oublie que lorsqu’on a mis le doigt dans l’appât du gain, il n’est pas aisé de s’en sortir. Lui, Jacky est obsédé par une jeune femme Lucia – et un long flashback nous apprend le traumatisme subi par le jeune homme, vingt ans auparavant, et ce qui l’a mené à se droguer.
Formidable film belge néerlandophone, sélectionné pour la 61ème Berlinale, ce thriller passionnant de Michael R. Roskam s’inspire librement du meurtre en 1995 de Karel Van Noppen, vétérinaire inspecteur du ministère de la santé ; avec son équipe fondée en 1989, il tentait d’enrayer l’abus d’hormones de croissance et d’anabolisants. Ayant bâti une réputation d’incorruptible, il fut assassiné de trois balles devant son domicile. En 2002, quatre suspects furent arrêtés, un groupe d’hommes que l’on dénomma « la mafia des hormones ».
La Belgique s’était construit, à l’époque une réputation d’être en Europe le pays où la viande était la plus « abîmée » (entendez par là « dégueulasse ») par l’utilisation de ces substances illicites et nocives tant pour les bêtes que pour les consommateurs. Depuis ce meurtre, les vétérinaires sont protégés par des gendarmes pour accomplir leurs contrôles. Quand je vous le disais qu’il vaut mieux être végétarien(ne).
Matthias Schoenaerts – digne fils de son comédien de père, Julien Schoenaerts auquel il ressemble comme deux gouttes d’eau, talent y compris – est formidable en Jacky Vanmarsenille ; formidable tant physiquement – il a pris 27 kilos pour le rôle – qu’en tant qu’acteur. Sa prestance en personnage violent, drogué, meurtri par la vie est époustouflante. Il était déjà épatant dans « Loft » d’Erik van Looy, mais ici il porte tout le film sur ces épaules, du début à la fin. J’espère seulement qu’on ne le cantonnera pas dans des rôles de mec violent car il est capable d’exprimer toute une série de sentiments, du plus tendre au plus énervé.
Par ailleurs, en dehors de son impressionnante prise de poids nécessaire au rôle, Matthias Schoenaerts a appris le dialecte limburgeois pour les besoins du film, puisque l’action se situe principalement dans le Limbourg.
Jeroen Perceval interprète Diederik Maes, son ami d’enfance, un homme ambigu qui cache aussi un secret.
Jeanne Dandoy joue Lucia, l’objet de l’obsession de Jacky . Ce rôle est le premier au cinéma de cette jeune actrice, et il me faudra beaucoup pour me convaincre qu’elle a l’étoffe d’une bonne comédienne, elle est totalement insipide et dit son texte comme une mécanique.
Barbara Sarafian interprète Eva Forrestier, l’inspectrice de police qui n’a pas l’intention de laisser les mafieux s’en tirer. Au contraire de sa collègue susmentionnée, elle est excellente en femme-flic, souvent grossière, et très déterminée.
Certains critiques ont comparé ce film belge (néerlandophone) à une réalisation anglaise, du genre que ne renierait pas Ken Loach ou ses collègues – pourquoi toujours chercher ce type de comparaison, les Belges sont capables d’originalité pour une histoire dure, glauque et remplie de suspense.
En dehors de la minable prestation de Jeanne Dandoy, j’ai un léger bémol quant à la longueur du film – un peu plus court n’aurait rien enlevé à l’histoire.
Ce film est le premier long métrange de Michael R. Roskam, qui jusqu’à présent s’est forgé une très bonne réputation en courts-métrages.
Quelques beaux paysages campinois en prime.
A voir – et pour paraphraser le snack préféré de denis « C’est Bon, C’est Belge » !