THE GHOST WRITER, de Roman Polanski
Titre UK = « The Ghost »
Titre français = « The ghost-writer »
Scénario de Roman Polanski et Robert Harris, d’après le roman éponyme de Robert Harris
Un ferry se vide de ses occupants, sauf un véhicule laissé à l’abandon. Plus loin, sur une plage, un corps a été déposé par les courants. Ce corps est celui de Mike McAra, le « nègre » de l’ex-premier ministre britannique Adam Lang ; ensemble, ils rédigeaient les mémoires de Lang.
A Londres, un jeune écrivain, spécialiste des mémoires de personnages célèbres, est recruté pour terminer la réécriture du manuscrit existant ; il n’est pas très emballé par ce travail, mais son agent insiste lourdement vu le montant à la clé.
Lorsqu’il arrive dans l’île où Lang, son épouse, leurs collaboratrices et gardes du corps sont installés, l’écrivain se rend compte de l’extrême tension qui règne dans cette maison – l’épouse d’Adam Lang est persuadée que la collaboratrice de son époux est aussi sa maîtresse et ces dames se lancent régulièrement quelques rosseries à la tête, ce qui ajoute aux malaises. Comme il réside dans un motel, plutôt minable, cela lui permet d’échapper à l’ambiance, mais l’écriture s’avère pénible.
Par ailleurs, l’ambiance, très vite, s’envenime car Adam Lang est accusé par le tribunal international de crimes contre l’humanité après avoir autorisé l’arrestation de 4 personnes suspectées de terrorisme et livraison à la CIA, tout cela pendant son mandat de premier ministre en Grande-Bretagne.
Lors d’une balade à vélo, il découvre un vieux monsieur qui lui parle de courants, un corps n’aurait pu arriver à l’endroit où on a trouvé McAra. Peu à peu, le nouveau « nègre » réalise qu’en fait on lui cache pas mal de choses, en mettant la main sur des informations secrètes, il est certain qu’il met sa vie en danger. Il y a encore ce personnage étrange et menaçant qui semble guetter tout le monde.
Thriller politique réellement épatant, je recommande vivement le film de Roman Polanski, tout comme je recommande vivement le livre de Robert Harris d’ailleurs.
Je n’ai pas été déçue un seul instant par la version « cinéma » du roman, alors que je suis parfois déçue dans un sens ou dans l’autre par les changements opérés. Ici, rien de tout ça, le romancier a également participé au scénario et le découpage final correspond parfaitement au thriller que j’ai lu récemment. J’aurais pu, connaissant toute l’intrigue – et la fin ! – m’ennuyer, or au contraire j’ai eu l’impression de « relire » l’histoire en images.
Du début à la fin on se demande comment le jeune écrivain – le « ghost writer », alias « le nègre », dont on ne révèle l’identité à aucun moment, accentuant l’effet « fantôme » du personnage - qui prend la place de Mike McAra va se tirer d’une situation aussi ambiguë et épineuse.
Etre le « nègre littéraire » d’un auteur connu n’est déjà pas simple (voir « l’Autre Dumas »), mais lorsque la politique s’en mêle, cela devient franchement très délicat.
L’interprétation est absolument impeccable. Pierce Brosnan est un Adam Lang séduisant, ambigu, un homme plein de faux-semblants, d’airs innocents à propos d’une vie qui ne l’est probablement pas ; il a sa part d’ombre, une part qu’il aimerait oblitérer.
Ewan McGregor est le malheureux écrivain pris dans une souricière dont il espère s’échapper, on le lui souhaite tout au long du film, seulement il y a un tel chèque à la clé et son agent insiste particulièrement là-dessus ! Bref les choses ne sont jamais simples dans la vie, le « remplaçant » de McAra va avoir l’occasion de s’en rendre compte au cours des quelques journées qu’il passera à Martha’s Vineyard.
Ruth Lang, l’épouse d’Adam Lang/Brosnan est interprétée avec talent par Olivia Williams, qui interprète généralement des rôles beaucoup plus sympathiques qu’ici, elle est une femme assez dure, qui n’a pas l’air heureux du tout ; l’assistante de son époux, Amelia Bly, qu’elle égratigne tant et plus est jouée par la belle Kim Kattrall.
Dans la distribution se trouvent encore Tom Wilkinson, dans le rôle de Paul Emmett, homme d’affaires américains aux activités pas très claires. Et on a aussi le très grand plaisir de retrouver Eli Wallach, dans le rôle du vieux monsieur interrogé par l’écrivain.
Timothy Hutton interprète l’avocat de Lang/Brosnan et, dans une composition trop courte à mes yeux, on trouve James (Jim) Belushi dans le rôle de Maddox, directeur de la maison d’éditions.
Le paysage de Martha’s Vineyard ajoute énormément à l’intrigue : alors qu’il s’agit d’un lieu de vacances absolument pris d’assaut pendant l’été, là en hiver, la désolation est de mise et rajoute du poids au sentiment d’isolation des protagonistes. Huis-clos étouffant, dans une maison superbe, mais qui de l’extérieur ressemble plutôt à un bunker-prison, de grandes vitres pourtant et cependant une isolation du monde extérieur accentuée par le lieu (île).
Avant de choisir Ewan McGregor, c’est Nicholas Cage qui était prévu pour ce rôle, et Tilda Swinton aurait été Ruth Lang.
Le titre français du roman est « L’homme de l' ombre ».
Comme dans tout bon roman noir et / ou film noir, il y a évidemment une femme sulfureuse, tirant les ficelles dans l’ombre. Et Polanski aborde un de ses thèmes préférés = méfiance à l’égard de la politique, des politiciens.
Chaudement recommandé pour tous les amateurs de bons thrillers, bien mis en scène, ce qui n’est pas toujours évident.
Avec ce film, Roman Polanski égale Alfred Hitchcock dans ce que celui-ci montrait de plus sombre.
Il a obtenu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Berlin pour ce film.
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