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mon bonheur est dans la ville
6 août 2009

ANGEL, de François Ozon

Grandeur et décadence d’une héroïne de roman. 12995

S’il fallait raconter la vie d’Angel Deverell, faudrait-il raconter la vie qu’elle vécut ou celle qu’elle rêva ?

A 17 ans, Angel, orpheline de père et dont la mère est épicière dans la petite ville de Noley, rêve de devenir écrivain, même si ses dissertations font l’objet des quolibets de sa maîtresse d’école et de ses condisciples. La jeune fille déteste ce petit monde étriqué qui ne la comprend guère, mais elle n’est nullement aimable ; elle méprise sa mère  à cause de ses origines simples, sans oublier sa tante qui sert à Paradise House, le domaine où Angel rêve de vivre. Elle n’hésite pas à se dire l’enfant illégitime d’un aristocrate, obligée de vivre dans cette masure. Cependant, l’exaltation qu’elle met dans ses romans, dans sa mythomanie, la porte à être convaincue qu’un jour elle sera célèbre et dans ce but, elle envoie ses manuscrits aux éditeurs londoniens.

L’un d’entre eux finit par s’y intéresser et les rêves de grandeur de la jeune fille deviennent réalité. Celle qui par contre n’est nullement impressionnée par les romans d’Angel est l’épouse de l’éditeur, mais les écrits de la jeune fille sont un style à la mode et du jour au lendemain, Angel devient la coqueluche de Londres et environs. Au point qu’elle peut acquérir Paradise House, tombé dans l’abandon et qu’elle va meubler avec un abominable mauvais goût de nouvelle riche. Le public l’encense, les critiques littéraires se moquent de son style. Peu importe à ses yeux, elle se croit et se dit sublime.

De par sa célébrité, Miss Deverell va rencontrer Nora, une jeune femme qu’elle subjugue par son audace et qui bien vite sollicite de devenir sa gouvernante ; elle lui présente également Esme, son frère, une sorte de peintre maudit. Pour Angel, c’est la passion, l’amour avec un grand A comme dans ses romans, quoiqu’en fait Angel n’aime qu’une seule personne au monde et c’est elle-même. Ce qu’elle veut, ce qu’elle aime par-dessus tout, c’est que l’on s’occupe d’elle. Le mariage aura donc lieu, mais après la lune de miel et ses extravagances, le couple va battre de l’aile et la première guerre mondiale y mettra définitivement fin, tout comme la mode mettra fin à la gloire d’une jeune femme qui prenait ses rêves pour la réalité.

« The Real Life of Angel Deverell » est un très beau film en costume, qui tourne totalement autour d’un personnage, à savoir une jeune femme à l’imagination débordante, complètement mythomane, lanipulatrice, superficielle et parfois très méchante, bref tout sauf une héroïne sympathique et pour laquelle je n’ai guère de sympathie, tout comme je n’en ai jamais eue pour Scarlett O’Hara à laquelle on la compare.

Effectivement, Angel est aussi frivole et égocentrique que Scarlett, utilisant les gens selon ses caprices.

Mais quel travail que celui de Romola (féminin de Romulus, on se demande à quoi pensent certains parents !) Garai, jeune actrice anglaise, peu connue de ce côté de la Manche. Elle porte tout le film sur ses épaules, elle fait formidablement passer tous les défauts de l’héroïne, aux différentes étapes de sa vie. Dans les différentes interviews que j’ai lues, la jeune actrice dit avoir tenté de rendre Angel à la fois pathétique et odieuse ; « odieuse » c’est certain, « pathétique », c’est moins sûr quoiqu’il est assez pathétique en effet de rêver sa vie à ce point. Et plus dure est la chute.

Autour de Romola Garai gravitent Sam Neill en éditeur, Lucy Russell en amie fidèle jusqu’au bout et Michael Fassbender, en peintre et époux tourmenté. Sans oublier l’égérie d’Ozon, la grande Charlotte Rampling en épouse compréhensive de l’éditeur. Il faut encore mentionner Jacqueline Tong en mère d’abord timorée, puis impressionnée par le succès de sa fille.

J’ai particulièrement aimé que le film ait été réalisé en anglais, Ozon a respecté là l’esprit de l’époque et de sa société guindée face à un être plein d’imagination, fût elle une personne exaspérante.

Ce qui a été amusant était de voir un lieu connu de Bruxelles – le Palais de Charles de Lorraine – passer pour un domaine typiquement anglais.

Je n’ai pas vu tous les films de François Ozon, mais ceux que j’ai vus (Swimming Pool, 8 Femmes, Sous le Sable) m’ont à chaque fois convaincue du talent de ce jeune réalisteur qui aime à s’essayer à des genres différents.

« Angel » est l’adaptation du roman éponyme d’Elizabeth Coles-Taylor – l’autre « Elizabeth Taylor » comme l’appellent les Anglo-Saxons – romancière née dans le Berkshire, dont les livres mettent en scène des situations qu’elle observe avec un esprit des plus caustiques, des histoires qui débutent presque toujours sur un mode léger, sur un ton de comédie, pour devenir petit à petit de plus en plus sombres, jusqu’au drame.

Son style a été souvent imité selon moi (je pense à David Lodge, à Joseph Connolly) ; Elizabeth Taylor observe la soi-disant bonne société et ses petites mesquineries qui percent bien vite sous le vernis de la civilisation et de la bonne éducation.

Le roman « Angel » s’inspire de la vie de l’écrivaine Marie Corelli, célèbre à la fin du 19ème et au début du 20ème siècles ; elle écrivait des romans à l’eau de rose dont le style – aux dires de tous – était plutôt plat et insipide. Cependant les livres de Marie Corelli devinrent bien vite la coqueluche de l’aristocratie anglaise, après que la reine Victoria ait déclare qu’elle était son écrivain préféré … cela en dit long sur l’intellect de cette reine et sa suite, mais soit, ne sombrons pas dans le terrorisme intellectuel des critiques littéraires.

Marie Corelli (que l’on surnomme actuellement la Jacqueline Susann de son époque) défiait les normes de la société de l’ époque par son mode de vie plein d’excentricités, comme par exemple se promener en gondole avec un vrai gondolier sur la rivière Avon ; elle vécut la fin de sa vie à Stratford sur Avon, où elle oeuvra à la sauvegarde des bâtiments anciens datant du 17ème siècle.

Oscar Wilde qui adorait ce type de personnalité la comptait parmi ses amis. Marie Corelli a également été considérée comme lesbienne et naine ; qu’elle ait été bi-sexuelle est probable, mais le fait qu’elle ait été une personne de petite taille n’en fait pas nécessairement une naine !

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