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mon bonheur est dans la ville
25 juillet 2009

LES YEUX SANS VISAGE, de Georges Franju

yeux5Sur une route de campagne, une voiture ; au volant, une femme nerveuse ; sur la banquette arrière, quelqu’un est affalé – homme ? femme ? qui pourrait le dire, le visage est couvert d’un chapeau, le corps est caché par un imperméable masculin.

 

Lorsque la voiture s’arrête, la femme au volant sort le corps de la voiture, car c’est bien de cela qu’il s’agit : du corps d’une femme, qui sera jeté dans le fleuve.

 

 

La voiture retourne alors vers une imposante demeure dans les bois ; la clinique du docteur Genessier, chirurgien célèbre, désireux de faire connaître ses travaux sur la chirurgie du visage et éventuellement, greffer une peau sur un visage défiguré.

 

 

Ce que tout le monde ignore, c’est que Genessier tente d’appliquer ses méthodes de greffe pour redonner visage humain à sa fille Christiane, défigurée lors d’un accident automobile dont il fut le responsable. Hélas, jusqu’à présent, les tentatives ont échoué et de malheureuses jeunes femmes paient de leur vie la folie mégalomane.

 

Il a installé une salle d’opération dans la cave de son domaine et son assistante, Louise, lui sert en quelque sorte de « rabatteuse », recherchant dans la vie estudiantine parisienne des jeunes filles seules, voire solitaires. La police a déjà un dossier sur la recherche des jeunes disparues, mais sans avoir une seule piste.

 

Quant à Genessier, il a reconnu récemment dans le corps de l’une d’elle sa vie disparue de la clinique où elle résidait suite à l’accident. Le chirurgien espère, par cette manœuvre, dévier les recherches dans d’autres directions que la disparition de sa propre fille.

 

 

Dans sa résidence, sa fille lui demande d’arrêter ses expériences, elle n’en peut plus, ne supporte plus de se savoir défigurée, de vivre dans un lieu où même sans miroir on peut se regarder dans des reflets, de porter le masque que lui impose son père. Pourtant, suite à la greffe récente du visage de la jeune Edna, une étudiante suisse enlevée par Louise, un espoir naît enfin, la greffe semblant avoir réussi.

 

Mais Edna n’est pas morte, elle tente même de fuir, hélas sans succès.

 

 

C’est alors que la police a l’idée de demander de l’aide à Paulette, une jeune femme que le commissaire a laissé s’en aller, bon enfant, pour une pécadille. Le but est d’aller dans la clinique, vérifier s’il s’y passe quelque chose de suspect, puisque même l’assistant de Genessier, et fiancé de Christiane, a quelques doutes.

 

Rien de suspect au premier abord, Paulette sort de la clinique et puis disparaît ! Il n’est guère difficile de deviner où la jeune femme se trouve, mais pourra-t-elle échapper au sort qui l’attend ?

 

 

Le film débute et termine sur une lancinante petite musique de Maurice Jarre, qui a autant d’importance dans l’histoire que les protagonistes, elle en fait totalement partie.

 

Ce petit leitmotiv, ressemblant à une musique de carrousel, se présente à chaque fois qu’une menace se précise et devient finalement aussi angoissante que l’histoire en elle-même. C’est du grand art cinématographique d’être parvenu à intégrer à ce point une musique dans une histoire.

 

 

yeuxIl est vrai qu’il est question avec « Les Yeux sans Visage » de l’un des chefs d’œuvre du film d’horreur, où tout est suggéré plutôt que visuel – contrairement à la vague actuelle du « plus que gore »  où le grand-guignol l’emporte sur le fond de l’histoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec ce film Georges Franju a réalisé un maître-film, que l’on considère encore à ce jour comme le seul vrai film d’horreur du cinéma français, jamais égalé à l’heure actuelle – on dit même que Franju inspira Hitchcock, c’est dire !

 

 

Tous les détails importent dans le film : le jeu des miroirs, ailleurs que dans la propriété, les rares moments de lucidité des jeunes victimes, où elles aperçoivent dans un semi-brouillard le visage mutilé de Christiane, la forêt aussi menaçante qu’une prison, le brouillard qui enveloppe la propriété. Sans oublier les chiens qui aboient pratiquement constamment comme une horde assoiffée de sang.

 

 

yeux4La photographie du film, en noir et blanc, est absolument magnifique, les effets d’ombres et lumières, le jeu avec le brouillard sont parfaits.

 

J’ai un peu déploré la fin grandguignolesque, mais c’est le seul bémol que j’ai à mettre à ce véritable monument du cinéma qui est tout en retenue et esthétique.

 

 

Le scénario est tiré d’un roman de Jean Redon, qui participa à l’écriture comme un certain Claude Sautet, également assistant-réalisateur. Les deux scénaristes principaux furent le tandem Boileau-Narcejac, ce qui n’a rien de surprenant : leurs qualités d’écrivains de romans noirs les mettaient bien au premier rang de l’écriture de cette histoire abominable d’un chirurgien, devenu fou, pour qui la fin justifie les moyens.

 

Il s’agit de l’amour morbide d’un père pour sa fille, un mythe qui rappelle à la fois Pygmalion et Frankenstein, le sentiment de puissance de la création d’une créature nouvelle.

 

 

L’interprétation est excellente, à commencer par Pierre Brasseur, mais cela n’a rien de surprenant ; dans le rôle de ce chirurgien fou, justifiant ses crimes atroces par son amour paternel, avec une légère touche de conscience tourmentée par de vains scrupules, Brasseur joue plus en retenue qu’à l’accoutumée et en est, du coup, bien plus formidablement inquiétant. C’est « Faust » au pire de sa forme.

 

 

Son assistante, dévouée jusqu’à la mort, est interprétée par Alida Valli, une femme qui fait taire ses scrupules par amour et reconnaissance, puisqu’elle doit sa beauté au chirurgien. Elle interprète avec sensibilité le rôle difficile de quelqu’un qui doit taire tout ce qu’elle pense même si sa conscience la tourmente.

 

 

yeux2La malheureuse Christiane est jouée par Edith Scob, avec douceur, tristesse et haine à l’égard d’un père qu’elle méprise pour son besoin de puissance.

 

C’est ce film-ci de Georges Franju qui la révéla au grand public, elle tournera encore cinq autres films avec ce réalisateur.

 

Avec son aspect doux et fragile, voire éthéré, Edith Scob était parfaite et parfois très inquiétante dans les rôles de demoiselles en détresse de films noirs. Elle est une comédienne de théâtre autant que de cinéma et télévision, où elle est désormais reconnue dans le rôle de la mère supérieure de « Sœur Thérèse.com.

 

 

Encore dans la distribution se trouvent Juliette Mayniel et Béatrice Altariba, interprétant deux des victimes de Genessier.

 

Ainsi que Claude Brasseur dans le rôle d’un jeune inspecteur de police, ainsi que Michel Etcheverry, dans le rôle du médecin-légiste.

 

 

yeux3Bien des films ont été inspirés par « Les Yeux sans Visage », ce qui n’a rien de surprenant, Franju a toujours été un précurseur, un grand homme de cinéma. ce qui ne m’étonne guère Franju ayant toujours été un précurseur.

 

Il fut à l’origine de la création de la Cinémathèque française, commençant sa carrière de réalisateur par de courts métrages.

 

 

 

 

 

Aucun de ces « remakes » ou « inspirés par… »  n’ont jamais atteint à la beauté surréaliste et glaciale qui émane des « Yeux sans visage », aucun ne fut jamais à la hauteur de l’original. L’esthétique de ce film est encore un véritable modèle du genre à ce jour.

 

 

orloff   face   Parmi ces ersatz, on peut citer tout d’abord celui qui s’y rapproche le plus, le film de l’Espagnol Jesus Franco « Gritos en la noche » (L’Horrible docteur Orloff), ainsi que « Faceless » par ce même réalisateur espagnol (Les Prédateurs de la nuit).

 

Ainsi que « Corruption » de Derek Ford avec Peter Cushing, spécialiste du genre « horreur ».

 

 

 

Certains furent réalisés dans les années 60, une bonne dizaine d’années après le film de Franju. « Faceless » date des années 80, où en plus du phénomène « horreur » on y a ajouté une bonne dose de sexe, on se demande bien pourquoi d’ailleurs.

 

 

Et peut être également citer « Face off » (Volte Face) de John Woo, quoique je ne sois guère convaincue par cette dernière comparaison, « Face Off » n’étant rien d’autre qu’un film policier et d’action un popcorn movie bourré d’effets spéciaux.

 

 

Ce que je trouve déplorable c’est qu’aucun de ces réalisateurs n’ait eu le geste de se référer au film de George Franju malgré l’évidente « paternité ».

 

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