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mon bonheur est dans la ville
14 juillet 2009

KNOCK OU LE TRIOMPHE DE LA MEDECINE, de Jules Romains

624_2070360601  Lorsque le rideau se lève, le docteur Knock discute avec le docteur Parpalaid ; il vient de racheter son cabinet médical dans le canton de St-Maurice et n’est pas loin de penser qu’il a fait un marché de dupes.

En effet, le « bon docteur » Parpalaid, aussi surnommé Ravachol par ses patients, n’a pas jugé bon de lui dire à la signature du contrat que tout d’abord les patients étaient plus que rares car personne n’était jamais malade dans le canton, mais par ailleurs ils ne le payaient qu’à la St-Michel, autrement dit une fois l’an ! Au fur et à mesure de l’entretien, Knock comprend que le canton n’est pas pourvu de pauvres paysans, mais au contraire de fermiers cossus. Sa déconvenue fait place à un enthousiasme renouvelé. Le deuxième acte peut commencer.

Dans son cabinet, Knock reçoit le tambour du village, qui se vante de sa bonne santé jusqu’à ce que le docteur lui demande si cela lui « gratouille » ou si cela lui « chatouille » ? Ensuite pour appuyer ses théories sur le malade qui s’ignore, il pousse très fort sur un point sensible de l’abdomen et voilà notre tambour tout déconfit … il est donc malade !
Suivront ainsi plusieurs personnages truculents que Knock va convaincre rapidement qu’ils feraient mieux de garder le lit et sa consultation gratuite devient bien vite une lucrative visite à domicile. Sans oublier l’accord qu’il passe avec l’instituteur et le pharmacien.

Le 3ème acte s ‘ouvre sur l’hôtel de la sympathique Madame Remy où toutes les chambres sont désormais occupées par des patients du « bon » docteur ; sur ces entrefaits arrive Parpalaid qui veut encaisser son terme et découvre que finalement ses méthodes ne portaient guère leurs fruits alors que celles de Knock sont autrement lucratives. Il reçoit lui-même le conseil de se coucher car il n’a pas bonne mine !

« Knock » est fort honnêtement interprété par la troupe du Théâtre du Parc, ce charmant petit théâtre blotti au fond du Parc de Bruxelles.
C’est Jean-Claude Frison qui interprète magistralement le docteur, il est raide et pompeux à souhait ; on ne peut s’empêcher de penser à Jouvet dont il a un peu l’allure, pourtant son interprétation est épatante et personnelle. Il confirme, si besoin en était, qu’il est l’ un des meilleurs comédiens du théâtre belge. Il est secondé par Michel de Warzée en docteur Parpalaid, Michel Poncelet en tambour, Jacques Vialat en Mousquet, le pharmacien. Parmi les malades, en plus du tambour, il y a la « dame en violet », riche fofolle interprétée par Françoise Oriane, quant à la célèbre « dame en noir », la première patiente de Knock, c’est Laure Godisiabois qui lui prête son talent.

Mention spéciale également – comme d’habitude d'ailleurs - pour les décors de Thierry Bosquet, des décors sobres, voire minimalistes mais qui s’intègrent parfaitement dans l’histoire.

En écrivant « Knock ou le Triomphe de la Médecine », Jules Romains n’avait pas du tout l’idée de se moquer des médecins et de leur savoir médical, mais au contraire de montrer que tout comme en tout homme bien portant sommeille un malade, en tout médecin sommeille un commerçant !
Car Knock, bien que souvent présenté comme un charlatan, est seulement attiré par l’appât du gain, c’est son seul mobile pour pratiquer la médecine. Il ne souhaite nullement guérir les malades mais au contraire faire comprendre aux bien-portants qu’en fait ils sont en sursis de maladie !

Le texte est cynique à souhait, plein d’un humour noir qui le rend très drôle sans que l’on ne s’esclaffe ; il est aussi totalement actuel bien qu’écrit en 1923, il n’a pas pris une ride .
Comme le dit le metteur en scène Toni Cecchinato en parlant de la pièce : « à première vue Knock parle de la santé, qui est ce qui nous intéresse le plus au monde et elle nous met en garde contre les charlatans de toute sorte qui prétendent nous guérie de malades, même imaginaires. A seconde vue, elle parle des dérives du marketing et nous met en garde contre les manipulateurs de toutes sortes ».

Car il ne faut pas non plus perdre de vue en lisant ou regardant « Knock » que ce « brave » docteur se transforme petit à petit en véritable dictateur ; il prend le pouvoir sur ceux qui lui font confiance et n’est pas loin, en cela, de ressembler à ces gurus de la médecine ou des médecines parallèles qui nous proposent des « ateliers » pour nous soigner autrement et qui petit à petit prennent possession de nos volontés.
« Knock » c’est une leçon politique aussi, c’est une mise en garde contre les techniques des dictateurs de toutes époques, contre ceux qui en enrobant leurs propos parviennent à annihiler les esprits, qui déstabilisent les esprits les plus critiques comme le docteur déstabilise les bien-portants en leur faisant croire qu’ils ne le sont pas.

Lorsqu’il écrivit « Knock… » l’auteur ne pensa pas à Louis Jouvet comme interprète mais comptait la proposer à la Comédie-Française. C’est après avoir déjeuné avec le comédien que celui-ci demanda à lire la pièce et qu’il pressa Romains de questions, propositions, suggestions. Finalement Jules Romains ne put que céder à un homme qui comprenait si bien son œuvre, qui en avait deviné la richesse.

Jouvet qui jusqu’alors interprétait des caricatures ou des rôles pour lesquels il se transformait physiquement ou par maquillage, « composa » le rôle, ce qui conduisit Jules Romains à lui parler ouvertement sur le fait que « Knock » se devait d’être interprété de manière brute, sans stylisation, d’une manière naturelle et vraie. Jouvet qui souhaitait effectivement s’éloigner de ses grimages respecta les remarques de l’auteur et le déclic s’opéra chez le comédien. Il incarnera le docteur exactement tel que Jules Romains l’avait imaginé en l’écrivant et le triomphe qui suivit la représentation du 14 décembre 1923 prouvera qu’auteur et comédien eurent raison.
L’enthousiasme fut à son comble parmi tous les critiques et en une nuit les deux hommes devinrent définitivement célèbres.

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