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mon bonheur est dans la ville
14 juillet 2009

AMADEUS, de Peter Shaffer

« Il fait de la banalité des divinités alors que moi des divinités je fais des banalités »

Ces paroles prononcées par un Salieri gonflé d’amertume résument à elles seules le duel qui opposa (du moins dans l’imagination de Shaffer) deux des plus prestigieux musiciens du 18ème siècle.

Lorsque le rideau se lève, un Salieri vieillissant s’adresse au public, ces fantômes du futur, pour tenter sinon de se faire comprendre, au moins d’expliquer pourquoi il fut l’assassin de Wolfgang Amadeus Mozart.

Antonio Salieri aimait la musique, qu’il voulait consacrer à Dieu, aussi, tout jeune, passa-t-il un pacte avec ce dernier : s’il pouvait réussir à développer ses dons et devenir un compositeur célèbre, il mènerait une vie chaste toute consacrée à son art. Ce qui advint. Puis arriva à la cour de l’empereur Joseph II un jeune compositeur, de six ans plus jeune que lui, Wolfgang Amadeus Mozart, le jeune prodige entouré d’une aura quasi divine et c’est là que la jalousie de Salieri va le ronger à un tel point qu’il fera tout pour abattre l’homme-enfant.

Car c’est bien cela qu’est Mozart : un enfant dans un corps d’homme, un enfant gâté, petit singe savant montré à travers l’Europe par son père, il est vulgaire à la limite de l’obscénité, prétentieux, n’ayant aucun égard pour personne, coureur de jupons, dépensier à l’extrême, sarcastique à l’égard des autres musiciens qu’il méprise et ne leur cache pas ce mépris. Petit à petit, de manière subtile et incidieuse, Salieri va faire en sorte que Mozart sombrera dans la déchéance, jusqu’à sa mort que l’italien s’appropriera aussi, afin qu’à tout jamais son nom soit associé à celui de Mozart.

Salieri a donc tué Mozart, parce que Mozart avait du génie et lui pas assez. Salieri deviendra donc bourreau, sinon de la musique du moins de celui qui a du génie alors que lui s’estime médiocre. Dieu fut injuste : il donne à Mozart le débauché le génie de la musique alors qu’à Salieri, le pieux et le studieux il ne donna que le talent.

Mozart restera toute sa vie un enfant gâté, un adolescent attardé, incapable de se prendre en charche à cause de Léopold Mozart, un père abusif, omniprésent, régentant toute la vie de son fils jusque dans les moindres détails et vivant une célébrité factice au travers de la gloire de son fils. Et Salieri deviendra presque aux yeux de Wolfgang un père de substitution, sans savoir que ce dernier complote à sa perte.

Lorsqu’un texte est aussi formidable et excellent que cet « Amadeus » de Peter Shaffer, les comédiens sont sublimes et le public du Théâtre du Parc ne s’y trompe pas ; les applaudissements et les bravos qui fusent après la représentation en témoignent.

6_labeau_d_oultremont_frison_hinderyckx_et_barbieux_ph_s_daems  Si le comédien Jean-Claude Frison avait interprété le rôle de Salieri dans le film de Milos Forman (sur un scénario de Shaffer et qui obtint l’oscar du meilleur film en 1984), il aurait pu être nominé pour l’oscar de la meilleure interprétation masculine.

Il faut le voir par un seul changement de costume et d’intonation se transformer d’un vieillard aux portes de la mort, en un homme plus jeune, compositeur de la cour. Par sa voix qu’il module, il franchit la barrière des années aussi facilement qu’il change de perruque. Il devient rapidement cet Antonio Salieri, envieux, jaloux de ce jeune blanc-bec au génie musical incontestable, alors que lui Salieri n’a reçu que du talent.

2_frison_et_charlet_ph_s_daems_JPG Qu’on ne s’y trompe pas, Frison n’est pas le seul à exceller dans la pièce. Olivier Charlet, en Mozart, est formidable lui aussi. Il est à la fois ce sale gosse, grossier, voire scatalogique, vantard, gonflé de l’importance de sa gloire enfantine, amoureux de sa femme mais coureur de jupons, dépensier jusqu’à mettre la vie de sa famille en danger.

4_charlet_et_hanciaux_ph_s_daems  Toute la troupe du Parc excelle dans cette pièce ; la sotte Constance Weber est interprétée par Fanny Hanciaux et elle parvient à faire passer la jeune femme pour une véritable gourde. Yves Claessens est un Joseph II bonasse, prêt à écouter les courtisans ou ses compositeurs attitrés, comme Van Swieten, von Strack ou Orsini-Rozenberg interprétés respectivement par Jean-Marie Pétinion, Jean-Henri Compère et Raymond Avenière. Que les autres comédiens m’excusent si je ne les nomme pas tous mais qu’il sache que sans eux la pièce ne serait pas ce qu’elle est.

Costumes et décors de Serge Daems sont comme à l’accoutumée choisis avec soin, sobres mais permettant à chaque fois de bien comprendre où l’on se situe. Une petite estrade au fond de la scène apporte un détail supplémentaire important aux décors, les « Venticelli », ces espions à la solde de Salieri, forment une sorte de chœur antique.

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