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mon bonheur est dans la ville
14 juillet 2009

BOOMERANG, d'Alexis Goslain & Delphine Ysaie

120700_1Mise en scène de Patrice Mincke

Une jeune femme, que l’on imagine en prison d’après ce qu’elle raconte (« quand elle sortira, il aura 4 ans et il a ses yeux »), se met à parler de ce qui fut sa vie un an auparavant.

ELLE fait du stop, LUI s’arrête et l’embarque. Il descend dans le sud, ça tombe bien elle aussi. Lui, qui s’appelle Paul on l’apprendra plus tard, se met à faire la conversation, elle qui s’appelle Béatrice on l’apprendra aussi plus tard, le remet à sa place, elle n’est pas là pour parler.

ELLE est particulièrement agressive et lorsqu’il essaie de détendre l’atmosphère en lui racontant des blagues idiotes, elle devient carrément hargneuse.

De chamailleries en longs silences, leur route se rapproche du but : le sud.

Lors d’un arrêt, il semble qu’elle ait une façon assez particulière de se servir dans un magasin et les voilà désormais « en cavale ».

Cavale qui va s’intensifier en même temps qu’ils se découvrent attirés l’un vers l’autre ; elle découvre son secret (il est escroc), lui découvre le sien (elle a une arme et a décidé de tuer celui qui est responsable de la mort de son père).

Alors qu’il tente de l’en dissuader, l’homme est tout de même abattu ; Paul dans un moment d’égarement a tiré.

Désormais leur cavale est bien réelle, bien dramatique et leurs sentiments s’aigrissent au fur et à mesure que la situation empire : plus d’argent (celui que LUI avait volé à ses employeurs).

Ils sont pourchassés par la police, ELLE s’est à nouveau « servie » au magasin de la station d’essence, mais cette fois, la balle est partie également.

Leur course s’achève dans l’arrière d’un camion ; elle seule en a réchappé, sans avoir eu le temps de lui dire qu’elle était enceinte, LUI qui aurait tant aimé être père. Et ce jour-là, Serge Gainsbourg mourait aussi.

Un road movie en l’espace d’une année sur une scène de théâtre, c’est vraiment pas banal et fort bien imaginé. Mise en scène simple mais efficace : un lit, deux chaises, une petite table, quelques spots et bougies en guise d’accessoires pour « situer » les lieux où l’on se trouve – voiture, chambre, église.

Avec comme fond musical, quelques extraits de chansons de Serge Gainsbourg – pourquoi lui ? parce que pour les auteurs de la pièce (Goslain et Ysaie) l’homme était synonyme de décadence, provocation et cynisme, ce qui est exactement le reflet du caractère de cette Bonnie des temps modernes.

C’est également de la part des auteurs un hommage à un artiste immense, dont chaque chanson raconte une histoire.

Tout comme Bonnie & Clyde, en cavale à travers les Etats-Unis de 1929, tant que personne ne se met en travers de leur route, point de problème, ils ne font que voler. Mais s’ils se sentent menacés, ils tirent, exactement comme la Béatrice de cette pièce en un acte.

Ce qu’il y a d’épatant dans la pièce des comédiens-auteurs belges Alexis Goslain et Delphine Ysaie (fille de …), c’est qu’à chaque instant on y croit vraiment à ce couple en cavale à cause des circonstances.

Pour LUI qui prend les nationales car il a tout son temps, la vie s’écoule de manière décontractée, ELLE est quelqu’un pour qui le langage est une provocation systématique, son vocabulaire est d’ailleurs loin d’être très joli.

Après les premiers émois amoureux, ils perdent soudain le contrôle de leurs vies et tout bascule.

Même en ne quittant jamais la scène, éclairages et meubles bougés, langage corporel des interprètes, donnent vraiment au spectateur l’impression que les protagonistes bougent, tout comme leurs vies « avancent » (hôtels de luxe, demande en mariage avec superbe bague, et puis la descente aux enfers).

Le jeu des lumières est du à Quentin Rommelaere, assisté de J.J. Borrego. Le décor sonore est de Nicolas Vandooren.

Les co-auteurs et interprètes expliquent avoir eu envie de faire une pièce s’articulant autour de l’ « effet boomerang », ensuite ont été inspirés par la chanson de Serge Gainsbourg « Bonnie & Clyde », et même si le début est drôle, l’issue sera forcément fatale.

La pièce m’a-t-elle plu ? sans doute, avec quelques grincements de dents au niveau du vocabulaire, quelques agacements au niveau de l’interprétation de Delphine Ysaie, trop dans son style « Delphine Pointbarre ».

En tout cas, ce fut intéressant.

Alexis Goslain est un familier du TTO (Théâtre de la Toison d’Or) ; ce comédien a obtenu le premier prix en art dramatique et déclamation au conservatoire de Bruxelles. Au TTO, il a participé à la coordination du café-théâtre et ce pendant 4 ans ; il a fait partie de la pièce « eXcit » qui remporta un immense succès auprès du public de ce même TTO.

Il a donné la réplique à Cécile de France dans le film « J’aurais voulu être un danseur ». Il apporte au personnage de Paul de la douceur, de la tendresse,

Dephine Ysaie, co-auteure et interprète du rôle de la déjantée Béatrice, personnage borderline, au langage grossier et provocateur, on a pu la voir dans de multiples interprétations sur les scènes belges.

De plus, elle est connue des auditeurs de la radio des classiques RTBF « Classic 21 » - dont Marc Ysaie (hé oui, népotisme pas mort) est le directeur – pour ses billets d’humeur signés « Delphine Pointbarre ». Si souvent je les trouve amusants, certains sont des petits coups de gueule assez agaçants, comme la voix qu’elle adopte pour les lire et qui est souvent à la limite de l’hystérie – d’accord c’est voulu, mais moi ça m’irrite. On ne peut pas plaire à tout le monde.

boomerang_dombredap2« Boomerang » en prison

Alexis Goslain et Delphine Ysaie ont eu la possibilité de présenter leur spectacle devant des prisonniers de la prison de Jamioulx ; expérience pas banale pour les auteurs, mais l’occasion aussi pour les détenus de s’éloigner de la télé, habituelle distraction de la prison (au passage je suggère la lecture aussi).

La démarche ne se veut pas uniquement un divertissement pour « gentils » prisonniers ; pour la direction de la prison de Jamioulx il est important que le milieu carcéral reste en contact avec la culture.

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