L'ARMEE FURIEUSE, de Fred Vargas
« J’irai revoir ma Normandie …… »
A dû se dire le commissaire Adamsberg lorsqu’il s’est décidé à rejoindre le village d’Ordebec. Tout ça parce qu’une petite vieille dame (aussi fragile que des akènes, autrement dit les fruits du pissenlit portés par les petits parachutes duveteux) est venue timidement lui demander d’enquêter sur « L’Armée Furieuse », alias « la Mesnie Hellequin ».
Heureusement, l’encyclopédie vivante nommée Danglard a pu lui raconter ce que c’était que cette « Mesnie Hellequin » que seuls quelques-uns peuvent voir, des « initiés » qui ont alors obligation d’en parler pour prévenir les « saisis ».
Cela fait beaucoup pour Adamsberg, type pragmatique même s’il est un « pelleteux de nuages ».
Toujours en est-il que Lina, la fille de la vieille dame, l’a vue cette Armée diabolique, formée d’êtres maudits hommes et femmes, parmi lesquels hurlent les « saisis » (c’est pour cela qu’il faut les prévenir, qu’ils aient une chance de rédemption afin que les maudits ne les emportent pas dans la mort et l’enfer). Il y a déjà eu un mort, un immonde chasseur qui s’est pris une décharge de fusil dans la figure – un suicide, selon les policiers normands.
Il a un peu l’impression d’halluciner notre commissaire parisien, comme la petite dame est repartie aussi doucement qu’elle est venue, aussi timidement, il a tout de même décidé d’y aller voir. On ne peut pas dire qu’il soit accueilli à bras ouverts par le commissaire Emeri, qui ne croit pas du tout lui non plus à cette histoire - pour lui, la Lina et ses frères sont des faiseurs d’embarras et ce depuis leur plus jeune âge. En se promenant, Adamsberg rencontre Léonie, ou Leo comme on dit, une ancienne aubergiste, qui le trouve bien sympathique ce Parisien et puisqu’il a raté son train, il peut loger chez elle.
Pendant ce temps, à Paris, on a arrêté le jeune Momo-mèche-courte, un gars des banlieues aimant bouter le feu aux grosses voitures de capitalistes.
Malheureusement cette fois, dans la grosse bagnole, il y avait Antoine Clermont-Brasseur, riche industriel. Bien qu’Adamsberg soit persuadé que c’est l’un des fils du mort (ou les deux) qui ont assassiné leur père, ils sont complètement intouchables par la loi et si notre commissaire et son équipe s’y frottent, cela risque de se terminer sur la touche pour Adamsberg. Qui est persuadé que Momo sert de bouc émissaire et qu’il va en prendre pour au moins vingt ans. Mais comment prouver l’innocence de Momo ?
Pour commencer, envoyer Retancourt en « sous-marin » chez les industriels richissimes. Après on avisera.
C’est Emeri qui va le rappeler à Ordebec, car un autre mort, un autre « saisi », a été retrouvé mort, et là pas possible que ce soit un suicide. Emeri demande l’aide d’Adamsberg, parce qu’il va être démis de l’enquête au profit d’un commissaire de Lisieux. Le commissaire Adamsberg accepte, bien que ce ne soit pas vraiment le moment = Momo s’est enfui et il porte le chapeau.
Le commandant Danglard n’est pas du tout emballé lui non plus de se rendre en Normandie, il est persuadé que la mort l’attend à Ordebec. Et puis, Louis Veyrenc les accompagne, et Danglard est toujours bêtement jaloux de Veyrenc.
Lorsqu’en Normandie, la sympathique Leo, vieille dame inoffensive, est retrouvée la tête frappée contre le sol, à peine encore en vie, Adamsberg en fait une affaire personnelle de cette « Mesnie Hellequin ».
J’étais très impatiente de lire cette « Armée furieuse » avant qu’elle n’arrive en format livre de poche, surtout après avoir lu ou entendu autour de moi les avis positifs d’autres lecteurs.
Deux enquêtes concomitantes occupent le commissaire Adamsberg et son équipe au grand complet, telle qu’il la décrit lui-même = un commandant, véritable encyclopédie vivante qui boit comme un trou, un adjoint aux cheveux bigarré qui s’exprime de préférence en vers, un autre féru d’ichtyologie, une inspectrice boulimique dont le casier personnel est un véritable garde-manger, une inspectrice immense qui ne l’apprécie que modérément, un jeune inspecteur naïf que les autres trouvent parfaitement inutile, d’où son utilité, un inspecteur atteint de narcolepsie, et un chat dont l’équipe ne pourrait se passer.
Sans oublier le principal Bertillon, toujours très agacé par Adamsberg, en dépit des excellents résultats obtenus.
A ceux-là, il faut désormais joindre Armel, alias Zerk, le grand fils de 28 ans, qu’Adamsberg s’est découvert dans « Un Lieu Interdit ». Et un pigeon, un vrai, que Retancourt et Zerk ont décidé de sauver.
Comme à chaque fois, le véritable assassin, en dehors de ceux qui sont arrêtés, la « tête » en somme, a été une totale surprise pour moi, ce que j’apprécie particulièrement.
J’aime aussi le ton de l’écriture, utilisé par Fred Vargas, un humour caustique que l’on perçoit constamment malgré les situations dramatiques.
Vous l’aurez compris = j’ai beaucoup aimé cette histoire.
Un tout petit regret = Fred Vargas oublie qu'après une phrase négative ou "bien que", la subordonnée qui suit exige un subjonctif, et moi je suis une grande avocate des subjonctifs - toutefois je suis ravie d'avoir appris ce qu'étaient des akènes.
La légende de la Mesnie Hellequin est une légende des pays nordiques et de l’Europe de l’est – elle daterait du moyen-âge. On la surnomme aussi « la Chasse fantastique » ; elle fait référence au dieu Wotan (ou Odin). La plupart du temps, elle fait référence à une chasse maudite. En Bretagne, on parle de l’Ankou et sa charrette. Alors que la « Chasse maudite » porte généralement un patronyme ou le nom d’un roi, s’il s’agit d’une chasse conduite par une femme, elle reste anonyme (bien qu'en Ecosse ou en Irlande, elle soit souvent surnommée "la dame blanche" - dixit mon professeur d'études celtiques).
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