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mon bonheur est dans la ville
5 août 2009

NUOVOMONDO, d'Emanuele Crialese

13114Titre anglais : GOLDEN DOOR

La vie des paysans pauvres en Sicile au début du  20ème siècle est précaire et plus que pénible; il n’est dès lors pas surprenant qu’ils rêvent de ce nouveau monde dont ils reçoivent des cartes postales ; un monde où les poules sont énormes, où l’argent pousse sur les arbres …

Salvatore Mancuso, un veuf,  est l’un de ces paysans là, qui voudrait rejoindre son frère déjà installé là bas. Il rêve d’un monde meilleur pour lui et sa famille; la seule qui soit réellement réticente est sa vieille mère, à cet âge on a ses racines et la vieille femme est loin d’avoir un caractère facile.

Finalement tout le monde se retrouve au lieu d’embarquement, où une mystérieuse jeune femme, l’Anglaise Lucy (ou Luce comme l’appelle Salvatore). Bien qu’ayant d’abord tenté de se joindre à eux, Lucy est remarquée par l’homme qui sélectionne les voyageurs, ce qui semble compromettre sa montée à bord. Cependant on la retrouve sur le bateau, toujours aussi mélancolique et étrangement distante. Lucy a besoin de quelqu’un pour entrer en Amérique, Salvatore a besoin de quelqu’un pour l’aider là-bas, ils vont donc conclure un accord qui les arrange tous deux.

Tout cela sous les yeux de la mère qui d’emblée déteste la jeune femme, qui déteste d’ailleurs tout et récrimine sans cesse, mais comment en vouloir à cette vieille dame déracinée, qui de toute évidence a très peur de l’inconnu.

Après des moments agréables et d’autres pénibles à bord, surtout pour cette troisième classe entassée comme du bétail au fond du bateau, on arrive enfin à New-York perdu dans la brume. Tout le monde débarque à Ellis Island, la fameuse « porte d’or » que l’on franchit ou non selon le bon vouloir des officiers de douane. Tests de santé, mais surtout d’admission pour découvrir les faiblesses intellectuelles qui seraient selon ces gens une maladie contagieuse ! Entre rêves et dure réalité, l’entrée en Amérique est loin d’être un moment de bonheur.

Entrer dans le « nouveau monde » signifie devenir une nouvelle personne, devenir quelqu’un de moderne, abandonner les vieilles habitudes. L’Eden ne sera pas pour tous et de nombreuses familles seront ainsi séparées lors de la sélection.

Emanuele Crialese, l’auteur d’un autre film centré autour d’un personnage féminin excentrique et émouvant « Respiro » , nous livre ici une vision intéressante sur le sujet de l’émigration ; partir pour un meilleur ailleurs, c’est mourir et renaître à une autre vie. Pour ceux qui vivaient proches de la terre, cela signifie abandonner traditions et croyances, voire superstitions ancestrales.

Même si les personnages sont quelque peu stéréotypes, la réflexion sur la manière dont sont traités les immigrants traîne dans la mémoire ; et si le scénario du film a planté l’histoire au début du 20ème siècle, il fait réfléchir à la situation de toutes les personnes désireuses de quitter un pays où elles souffrent afin d’arriver dans ces pays qu’on leur fait miroiter comme un paradis.

Que ce soit ceux qui demandent l’asile politique ou ceux qui espèrent améliorer leurs conditions de vie parce qu’on leur a parlé de ces pays où règne la démocratie, où il n’y a plus de guerre, chacun est alors confronté à la bureaucratie, au questionnement et ce qui paraîssait simple au départ devient parfois un cauchemar kafkaïen.

Le film de Crialese m’a toutefois paru un peu long, les séquences oniriques des rêves de Salvatore sont des petits clins d’œil d’humour dans cette histoire dramatique qui n’est pas exempte de tendresse.

Vincenzo Amato est un merveilleux Salvatore, ancré à la fois dans ses rêves et dans la réalité ; il forme avec Charlotte Gainsbourg un couple atypique.

Celle-ci est parfaite en Lucy, jeune femme mystérieuse et mélancolique, dont personne ne sait rien et qui fait marcher les langues de tous. La vieille mère de Salvatore est interprétée par Aurora Quatrocchi avec une justesse de ton formidable ; son bon sens de paysanne face aux questions du service d’immigration est un régal à la fois d’humour et de tristesse car il est évident qu’elle ne passera pas les tests qu’elle refuse avec une hargne due à la peur. Les fils de Mancuso sont interprétés avec justesse par Francesco Casisa et Filippo Pucillo.  Amato, Casisa et Pucillo sont apparemment des acteurs fétiches pour Emanuele Crialese, ils interprétaient les personnages masculins principaux (père et fils) de « Respiro » (avec Valeria Golino dans le rôle de Grazia).

Emanuele Crialese montre dans son histoire les conditions de passage de la classe pauvre dans les grands bateaux, quatre semaines pénibles au cœur de la promiscuité, du bruit des machines, du roulis, son film rend ces conditions d’une façon réaliste et crédible ; il n’y manque, pour le spectateur, que la chaleur des corps dans les cales, l’odeur de la sueur, le froid qui règne sur le pont du navire, peu de lumière là où sont logés comme du bétail les voyageurs à la recherche d’une vie meilleure. La photographie du film est excellente, notamment la partie située dans une Sicile aride, terre de cailloux et de misère.

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