ENIGME AUX FOLIES-BERGERE, de Jean Mitry

D’après le roman du même nom de Leo Malet

Un homme affolé est assassiné dans une cabine téléphonique alors qu’il essayait de joindre son ami le commissaire Raffin. Peu après la police des bords de Seine trouve un cadavre dans une voiture ; Raffin va reconnaître le corps qui est bien celui de son copain Courvoisier.

Puisqu’il est dans les environs, il prend l’initiative d’aller prévenir l’épouse du mort ; en même temps il rencontre la nièce de madame, une ravissante et aguichante jeune personne travaillant aux Folies-Bergère.

Ce nom fait tendre l’oreille au commissaire car son adjoint enquête sur un mort, un certain Rosenthal – mort naturelle, mais dans sa poche on a trouvé un diamant !

La nièce lui apprend par la même occasion que son oncle était un nul bon à rien, c’était sa tante qui était l’industrielle. L’oncle se contentait de courir après tous les jupons possibles, ce que lui confirme d’ailleurs la petite bonne.

Comme on lui a confié l’enquête finalement, il revient, interroge le valet, le chauffeur, la bonniche, tout le monde lui confirme avoir un alibi en béton.

Aux yeux de Raffin, elle s’avère bizarre cette enquête : des valets qui écoutent aux portes, des téléphones à lignes multiples, dont une installée dans une guinguette dont le propriétaire était (mais ne l’est plus) un ami du mort.

Il y a encore une malheureuse ancienne danseuse des Folies, devenue alcoolique à la suite d’un accident de voiture qui l’a rendue boîteuse.

Assez étrangement, chaque fois qu’il croit trouver un indice, le commissaire est à nouveau plongé dans les coulisses des Folies, où Clara l’accidentée vient souvent narguer et insulter la belle Solange qui l’a remplacée. D’ailleurs dans les coulisses, l’ambiance entre les filles n’est pas des plus détendues non plus.

Raffin a un peu l’impression de patauger, surtout que lorsqu’on veut se confier à lui, on est tué – et lui se fait bêtement assommer. Et le régisseur des Folies est vraiment en pétard, non seulement ses filles apparaissent et disparaissent sans prévenir, le spectacle n'avance pas. C'est à pleurer !

Il y a des coups de téléphone anonymes, des ombres mystérieuses, des lumières qui s’éteignent lorsque le commissaire paraît. Dans la pension de Mme Rosenthal, veuve du premier mort, les chambres sont occupées par la plupart des danseuses des Folies… Encore et toujours les Folies, encore et toujours les diamants.

« Enigme aux Folies-Bergère » est un polar « old school », typique des années 50, filmé en noir et blanc, où les filles ondulent de la croupe et les commissaires tutoient les secrétaires et les petites bonnes, mais restent corrects avec les jeunes filles de la soi-disant bonne société : on n’est pas plus macho !

Le commissaire Raffin est interprété par Frank Villard, un acteur que j’ai eu plaisir à revoir ; il jouait beaucoup aux côtés de Jean Gabin et Bernard Blier, entre autres, dans les films de Gilles Grangier ; il apparaît même dans la version longue d’ « Apocalypse Now » de Coppola.

L’enjôleuse Solange, nièce de Madame Courvoisier, détestée de pratiquement tout le monde sauf son beau chauffeur, est jouée par Bella Darvi, une actrice qui devint célèbre grâce à son rôle dans « The Egyptian » en 1954. Elle fut découverte par Darryl Zanuck, cependant sa carrière ne fut pas longue car l’actrice était dominée par le démon du jeu ; couverte de dettes, elle finira par se suicider en 1971.

Le séduisant chauffeur est interprété par Armand Mestral, connu dans le monde lyrique grâce à sa superbe voix de basse ; il entrera dans le monde du cinéma après la 2^ème guerre mondiale ; on le verra dans des séries télé. En dehors de sa carrière de chanteur et d’acteur, Armand Mestral était peintre.

C’est Dora Doll qui joue avec beaucoup d'émotion le rôle de la pathétique Clara, qui cache un secret au risque d’en mourir.

Dans le rôle du râleur régisseur des Folies, on retrouve avec autant de plaisir Jean Tissier ; le rôle est malheureusement trop court pour apprécier les talents de ce comédien dont le rôle dans « L’assassin habite au 21 » restera l’un des meilleurs. Lui aussi mourra dans la misère à cause du démon du jeu.

René Novan joue l’inspecteur adjoint de Raffin.

Le scénario est adapté du roman éponyme de Leo Malet, écrivain français ayant appartenu au mouvement surréaliste ; il était également un anarchiste convaincu, déclarant « Dieu et la Patrie sont deux monstres qui ravagent l’humanité ».

Citation à laquelle j’adhère totalement.

Leo Malet s’est mis au roman policier en 1942, faisant entrer sur la scène des polars son héros récurrent, le détective Nestor Burma.

Le réalisateur Jean Mitry fut l’un des co-fondateurs du « Cercle du Cinéma » avec Georges Franju et Henri Langlois.  Le « Cercle » plus tard deviendra la « cinémathèque française ».

En dehors de ses longs métrages, Jean Mitry réalisa des courts métrages expérimentaux ; il est également l’auteur de nombreux écrits sur le cinéma.