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mon bonheur est dans la ville
14 juillet 2009

AMITIES SINCERES, de F. Prévôt-Leygonie & S. Archinard

14293Dans une belle librairie de St-Germain-des Prés, Jacques le propriétaire et son « petit » frère, Gabriel, se chamaillent comme à l’accoutumée ;  Jacques prépare le déjeuner mensuel avec ses deux meilleurs amis Paul et Walter.

Jacques est le plus cultivé des trois, celui qui aime bien ponctuer ses phrases de citations latines, un peu aussi pour mettre Walter en boîte, celui qui est devenu entrepreneur en plomberie. Quant au troisième, Paul le cavaleur, il est écrivain à succès. Ils se connaissent depuis l’école primaire et cela fait plus de trente ans qu’ils se réunissent une fois par mois pour parler de tout et de rien. Cela permet à Jacques l’intellectuel, le cultivé, de faire comprendre à Walter qu’il est un commercial auto-didacte, plus intéressé par le tiroir-caisse que par la culture.

Gabriel ironise beaucoup à propos de son frère et de ses potes. Lorsqu’arrive Walter, les deux frères ont parié à sa manière d’ouvrir la porte et, comme toujours depuis qu’il rejoint la librairie, il se prend la porte sur le nez !

Entretemps un colonel admirateur de Napoléon et Joséphine arrive pour un volume sur les souvenirs de l’empereur, mais on le remballe gentiment jusqu’après le déjeuner.

Paul comme toujours est très en retard, mais là il tarde vraiment ; entretemps Jacques a déjà eu l’occasion de se disputer avec Walter à propos du vin que celui-ci a apporté, un blanc doux qui ne se marie absolument pas avec du gigot d’agneau froid. Il a seulement oublié de parler du foie gras avec lequel le vin irait très bien. On peut  très bien être intellectuel et de très mauvaise foi.

Walter qui a de plus en plus faim, s’impatiente et en profite pour tenter de tirer les vers du nez à Jacques à propos de la dernière conquête de Paul ; selon lui, il doit s’agir de quelqu’un de fort jeune car il a changé de look ! Jacques qui est au courant répond de manière évasive, change de sujet.

Sur ce, arrive la jeune Clémence, la fille de Walter. Qui annonce aux deux amis que « Paul est mort ».

Ce coup de tonnerre dans un ciel bleu va provoquer des réactions diverses, comme en suscite souvent le chagrin et tout le monde va s’envoyer des vérités qui ne sont pas toujours bonnes à dire, même entre amis.

D’abord, Walter va apprendre que la nouvelle conquête de son ami d’enfance n'est autre que sa fille, qui n’a rien osé dire vu le caractère emporté de son papa – et il va lui donner raison en piquant une fameuse crise de rage, surtout apprenant en plus que Jacques était au courant. Il apprend ainsi qu’on n’ose pas trop lui parler vu ses réactions souvent très moralistes, manquant fameusement de compréhension et de mesure.

C’est pour cela, lui avouera Jacques, qu’il ne lui a jamais avoué être homosexuel. Walter tombe de plus en plus des nues.

Et tout le monde continue à s’échauffer, jusqu’à ce qu’arrive Béatrice, l’élégante épouse de Paul, dont elle vivait séparée tout en lui ayant conservé son amour.

Revient sur ces entre-faits Gabriel, qui s’en mêle et cela ne va guère améliorer l’ambiance.

Lorsque Clémence, réconciliée avec son papa, part à la faculté et que Béatrice, ayant découvert l’identité du dernier amour de son mari, s’en va avec son habituelle dignité, Jacques et Walter se retrouvent face à face.

Où en est leur amitié désormais ? aura-t-elle résisté à cette catharsis ?

J’avais eu le grand plaisir de découvrir « Amitiés Sincères » sur une scène bruxelloise il y a neuf ans environ dans la mise en scène de Bernard Murat.

J’en avais gardé un tellement bon souvenir que j’ai été ravie de pouvoir revoir cette pièce qui a été éditée en dvd.

« Amitiés sincères » est sortie de la plume de François Prévôt-Leygonie et Stéphan Archinard.

On y jongle allègrement avec les mots, mais aussi et surtout les sentiments, les vrais et d'autres plus superficiels. Cela commence comme une sympathique comédie de boulevard et glisse peu à peu vers un psychodrame qui n’est jamais lugubre, ni sinistre, bien au contraire. Malgré le sérieux des situations, les rebondissements suscitent plus aisément une crise de fou-rire qu’une crise de larmes.

On y brosse un portrait parfois sarcastique du parisianisme et de la mode des « cafés littéraires », dont Gabriel, le jeune frère de Jacques, est l’instigateur au sein de la librairie de son aîné.

On s’y moque (presque) gentiment des self-made men qui n’ont pas le temps de lire car ils sont toujours trop occupés à gagner des sous, au risque d’en négliger leur famille.

Bref au fil de la pièce, on déballe d’abord gentiment, ensuite de manière plus acerbe, reproches, lacunes, torts réciproques, défauts multiples. Tout cela au risque de leur coûter une belle amitié.

C’est l’interprétation parfaite qui donne tout son poids au texte.

Bernard Murat, qui signe la mise en scène, est un Jacques un peu pontifiant, qui pourrait paraître prétentieux lorsqu’il s’exprime. C’est en tout cas ce que lui reproche Gabriel, bien interprété par Eric Viellard qui lui renvoie la balle sans aucun temps mort. Il est très bon en jeune intellectuel arrogant qui jalouse un prof d’unif pour son succès littéraire, lui qui n’arrive pas à écrire un autre chapitre à son essai de littérature.

Bien sûr, Michel Leeb vole la vedette à tout le monde dans le rôle du truculent Walter, grande gueule, brave cœur, qui aime un peu trop étaler ce que lui rapportent ses heures de labeur.

Walter a un avis sur tout, de manière fort catégorique, ce qui ne simplifie pas les relations avec les autres et certainement pas avec sa fille qui va, sous le coup du chagrin, lui jeter en pleine figure à quel point elle le déteste. C’est la jeune Sophie Mayer qui interprète Clémence avec beaucoup de conviction.

Le tandem Murat-Leeb fonctionne réellement à merveille ; ils jonglent avec les répliques l’un avec l’autre, entraînant tout le monde dans un tourbillon de bonne humeur et d’émotion. Leurs mimiques, qui étaient déjà bien évidentes sur scène, peuvent encore mieux s’observer grâce à l’enregistrement et il y a quelques expressions de visage de Michel Leeb qui valent leur pesant d’or.

La belle et intelligente épouse de Paul est interprétée par Elisa Servier, une comédienne que l’on voit souvent à la télévision ; elle a commencé sa carrière comme mannequin, notamment dans la célèbre agence Elite aux USA. Actuellement, parallèlement à une carrière de comédienne, Elisa Servier est peintre.

Il reste encore à mentionner Bernard Dumaine, savoureux en général à la retraite, dont les apparitions sont peu nombreuses, mais fort sympathiques.

Le décor signé Nicolas Sire est très beau, on se croirait réellement dans une librairie ancienne, avec ses  vieux livres luxueux et ses recoins à l'antique.

sp_3448_g« Amitiés sincères » est à découvrir pour ses moments d’émotion et de rires. Chacun retrouvera un peu de soi dans les divers personnages, leurs petits défauts et leurs grandes qualités.

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