BRUEGEL, THE MILL AND THE CROSS, de Lech Majewski
Titre français = Bruegel, Le Moulin et La Croix
Scénario de Lech Majewski d’après Michael Francis Gibson, historien d’art, écrivain et érudit indépendant
D’après « Le Portement de Croix » de Pieter Bruegel, l’ancien – toile exposée au musée des beaux-arts de Vienne
Superbe mise en abyme que ce film donnant vie aux plus de 500 personnages représentés dans cette immense toile du peintre flamand (1.70 m sur 1.24).
Tout comme la toile, la photographie de cette réalisation joue sur les clairs-obscurs.
Dans les années 1500, les Pays-Bas (pas encore la Belgique) étaient sous la botte des Espagnols, plus particulièrement sous celle de Philippe II d’Espagne, ayant succédé à Charles Quint.
Ce prince catholique intégriste avait envoyé le duc d’Albe et ses mercenaires pour « remettre de l’ordre » - lesdits mercenaires n’étant pas payés, on leur laissait le champ libre pour vols, viols, fermes pillées et ensuite brûlées – bref massacres et saccages. Tout cela pour faire régner l’ordre de la « vraie » religion , à savoir le catholicisme, car les Pays-Bas s’intéressaient particulièrement à la religion réformée.
Bruegel (interprété ici par Rutger Hauer), peintre fort concerné par la vie des « petites gens », ceux du peuple, montre dans sa toile que même lorsque le « sauveur » est crucifié, la vie des paysans, fermiers, cultivateurs, bucherons, continue – comme il l’avait déjà montré dans son autre tableau « la Chute d’Icare ».
Accompagne de Nicholaes Jonghelinx (Michael York), banquier et mécène de Bruegel, humaniste ne comprenant guère ces massacres organisés – on le voit à un moment se laver les mains = symbolique de Ponce Pilate ?
Peut-être, même si Jonghelinx l’Anversois n’était guère occupé par les affaires des villes, autres que celles d’un commerçant.
Charlotte Rampling joue Marie, mère de Jésus – comme les autres personnages, son rôle est plutôt celui de figuration ; elle a seulement un texte à dire concernant les raisons de la crucifixion de son fils, qui voulait seulement apporter une réforme à une religion qui oubliait son message d’amour.
Le but du film néanmoins n’est pas de nous raconter une histoire autre que celle du tableau, que Bruegel explique à Jonghelinx = pourquoi un côté de la toile est sombre (là où se trouve le gibet figurant l’arbre de mort) et l’autre côté, dans la lumière (avec l’arbre de vie). Tout en haut, sur le plus haut rocher se trouve le « Moulin », qui semble toucher le ciel. Figuration de dieu jetant un regard à la fois fâché et attristé sur ce qui se passe « en bas ».
On assiste donc à la vie dans le moulin, le blé que l’on mout, le pain que l’on cuit – la vie dans les fermes, les enfants qui jouent, les bûcherons qui taillent les arbres. Ainsi que quelques scènes dans l’atelier du peintre.
Et là-dedans, les soldats mercenaires de la soldatesque espagnole (en costume rouge, couleur des mercenaires pour les distinguer du reste de la troupe) qui se saisissent d’innocents fermiers et les tuent « pour l’exemple ».
Je suis réellement enchantée d’avoir vu ce film, ainsi que le complément racontant la vie du peintre Bruegel, qui a toujours été fasciné par l’œuvre de Hyeronimus Bosch, qui l’inspira pour certaines de ses toiles.
J’ai trouvé que c’était une manière intéressante de découvrir un tableau aussi riche de personnages et d’histoires de la vie quotidienne durant le 16ème siècle.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, je ne me suis pas ennuyée une seule minute des 96 minutes du film, ce qui peut tout de même passer pour un tour de force, vu qu’il ne se passe pas grand-chose, sauf de multiples « historiettes » sorties du tableau, sans texte (je suppose que le fait d’aimer les conférences sur l’art m’a aidée).
L’iconographie est plus importante ici que le texte.
En dehors des acteurs cités, toute la distribution était polonaise.
Une belle aventure que de se « promener au cœur d’un tableau ».
Le réalisateur polonais Lech Majewski, qui se dit lui-même peintre et poète avant d’être cinéaste, ayant aussi des opéras à son actif, a eu envie de réaliser cette histoire après une visite guidée en compagnie de Michael Francis Gibson.
Pour celui-ci, Brueghel n’était pas uniquement un peintre mais aussi un grand philosophe parmi les peintres.
Il me reste à présent à découvrir l’œuvre écrite de Michael F. Gibson concernant le tableau. Comme dit précédemment, le complément sur la vie du peintre flamand, racontée par André Dussolier était aussi un plaisir d’ « écoute visuelle » puisque le texte racontait les tableaux du peintre.
le tableau "Le Portement de Croix"
inspiration du film