A STUDY IN TERROR, de James Hill
Scénario de Derek & Donald Ford, basé sur les personnages créés par Arthur Conan Doyle
Titre français = Sherlock Holmes contre Jack l’Eventreur
Dans le triste quartier de Whitechapel, des prostituées ont été assassinées de manière horrible, avec un instrument ressemblant à un outil de chirurgie. Sherlock Holmes, tout en cherchant sa pipe, discute avec son ami et chroniqueur, le docteur Watson qui est choqué par le peu de cas que la presse semble faire des meurtres. Mais comme le dit Sherlock = il ne faut pas semer la panique dans Londres.
Ils reçoivent un paquet anonyme par la poste, qui les intrigue : il s’agit d’une cassette de chirurgien dans laquelle manque une pièce importante, le couteau chirurgical ; sous une pièce de tissu le recouvrant, les deux compères découvrent l’écusson portant les armes d’une grande famille noble, celle du duc de Shires.
Après une visite au duc, qui les reçoit avec l’arrogance des nobles imbus de leurs titres et peu soucieux du reste du monde, ils apprennent que le fils aîné de celui-ci a disparu, après avoir entamé des études de médecine – après un passage à Paris, où il épousa une jeune femme de mœurs légères, il revint à Londres et disparut.
Au cours de leur enquête, Holmes et Watson reçoivent l’aide de Lord Carfax, fils cadet du duc de Shires qui aide un certain Docteur Murray, un médecin qui a ouvert un centre accueillant les indigents qui y reçoivent des soins gratuits et un maigre repas. Murray par contre n’est nullement content de la présence du détective privé fouinant dans le quartier.
L’inspecteur Lestrade et Mycroft Holmes insistent vivement pour que Sherlock Holmes se démène un peu plus, car les meurtres se poursuivent.
Le Whitechapel « tout studio » qui constitue le décor de cette enquête de Holmes et Watson est très propret, c’est le moins que l’on puisse dire ; tourné en 1965, ce film dit d’horreur, prêterait plutôt à sourire qu’à trembler de peur – ce à quoi je m’étais préparée en décidant de visionner le film hier soir.
Nous sommes loin du gore et des détails sordides auxquels le cinéma nous habitue depuis quelques années.
Il y a même une scène où des malfrats veulent attaquer le Dr Murray qui proteste contre la manière dont sont traités les pauvres – des faiseurs de trouble se mêlent à la foule, la police intervient et tout ce petit monde se bat – les acteurs/figurants ayant apparemment bien des difficultés à maintenir leurs fous-rires.
Dans ce film-ci, à peine quelques regards mystérieux – avec seulement la lumière portant sur le regard – ou quelques ombres furtives, sans oublier le brouillard artificiel qui entoure les personnages la nuit.
Les rues sont toutes nettes, pas une ordure, ni un chien errant, pour tenter d’accentuer l’effet inquiétant, quelques sympathiques « bobbies » qui se promènent et renvoient les prostituées chez elles avec une certaine courtoisie. On est vraiment loin ici de la description du monde sordide de Whitechapel.
Et sans vouloir me vanter j’avais découvert le coupable dès le début de l’enquête de Holmes et Watson – j’ai donc poursuivi la vision du film afin de vérifier si mes soupçons étaient exacts, j’ai eu c’est vrai un instant de doute, mais finalement j’avais raison ! (ce qui me fait toujours très plaisir).
Car dans le film, contrairement à la réalité, Sherlock Holmes dévoile ici l’identité du tueur en série à l’esprit dérangé.
Les acteurs sont sympathiques dans leur rôle même si parfois j’ai trouvé qu’ils manquaient un peu de naturel, comme s’ils étaient là uniquement pour gagner un peu des sous mais sans croire à ce qu’ils faisaient.
Ce sont tous des acteurs britanniques, célèbre outre-Manche, qui poursuivront une honnête carrière cinématographique ou théâtrale, mais qui en sont ici plus ou moins au début de leur carrière.
John Neville est un Sherlock Holmes un peu moins sarcastique que d’habitude et ne traite pas Watson avec son habituelle ironie. Ce Watson est interprété par Donald Houston, et s’éloigne de la manière un peu bouffonne de Nigel Bruce.
Dans le rôle de Mycroft Holmes, Robert Morley fait une interprétation trop brève et très savoureuse – j’aurais aimé le voir un peu plus, tant ses moments à l’écran sont humoristiques.
Le docteur Murray est joué par Anthony Quayle, un acteur qui fera une carrière internationale (Guns for Navarone, Lawrence of Arabia, etc.) ; il est parfaitement bourru et aussi désagréable à l’égard de Holmes et très convaincant lorsqu’il harangue les foules pour protester contre la pauvreté et la manière dont les indigents sont traités dans ce Londres du 19ème siècle.
Le jeune Lord Carfax, à la recherche de son frère avec Holmes, est joué par John Fraser et l’assistante de Murray est interprétée par une toute jeune Judi Dench, vraiment ravissante, mais qui ne fait pratiquement que de la figuration.
Une autre grande figure du théâtre et du cinéma ne faisant qu’une très brève apparition est l’acteur Cecil Parker en premier ministre.
Dans le rôle d’Annie Chapman, l’une des prostituées, il y a Barbara Windsor, connue pour sa participation dans la très comique série de films britanniques « Carry On… (comme ici) ». Frank Finlay, dans le rôle de Lestrade, ne montre pas beaucoup d’enthousiasme – cet acteur se retrouvera dans le rôle de « Porthos », dans « Three Musqueteers » tourné par Richard Lester quelques années plus tard. Il y sera nettement plus convaincant !
Dans le rôle du prêteur sur gage, l’acteur allemand Charles Régnier s’y colle.
Comme je l’ai dit, j’ai un peu eu l’impression que tout le monde jouait dans ce film pour pouvoir payer certaines factures – mais sans grande conviction. Et pourtant ce furent tous de très grands acteurs, qui gagnèrent leurs galons sur les planches ou devant la caméra.
Le réalisateur James Hill est peu connu de ce côté ci de la Manche ; il a tourné quelques épisodes des « Avengers – soit Chapeau Melon & Bottes de cuir » ; toutefois il est le réalisateur d’un film dont tout le monde a entendu parler (si non vu) = Born Free (Elsa la Lionne), d’après l’autobiographie de Joy Adamson.
Il continuera d’ailleurs sur cette lancée de docus-fictions sur les animaux, afin d’attirer l’attention sur le sort de ceux-ci pourchassés par les braconniers. Il est aussi l’auteur de l’histoire de « Christian le lion ». James Hill s’associera d’ailleurs avec les interprètes de « Born Free » afin d’apporter son appui à l’association des Adamson.
A propos des costumes - s’il est vrai que les costumes sont élégants, il est évident que les prostituées sont habillées de manière bien proprettes ! Tout comme le sont les rues de Whitechapel – il est vrai qu’on nous a tellement habitué désormais à montrer des décors « proches de la réalité », que ce style fait sourire à présent.
Le seul moment non-studio du film est la visite au magnifique château du duc.
Pour ce qui est des maquillages, là franchement c’est un peu délirant = rien que pour cela, le film perd un peu de son sérieux – lorsqu’on voit les barbes du dr Murray ou du premier ministre, j’ai vraiment attrapé le fou-rire car elles sont tellement fausses que cela se remarque immédiatement.
Un autre petit détail significatif d’une erreur habituelle commise à propos de Sherlock Holmes : dans les romans d’Arthur Conan Doyle, il n’est jamais stipulé que le plus grand détective de tous les temps porte ce couvre chef seulement dans deux aventures le Dr Watson décrit un chapeau porté par Sherlock Holmes et, d’après des recherches faites à l’époque par les illustrateurs, seule la casquette de chasseur utilisée à cette époque fin 19ème correspond à cette description.
Il ne faut pas non plus oublier que, contrairement à ce que l’on pense, Holmes est très sensible aux codes vestimentaires de son époque et les respecte, il ne commettrait donc jamais l’erreur de sortir avec un couvre-chef inapproprié.
En fait les illustrateurs des aventures de Holmes l’ont toujours placé dans des lieux où cette casquette était de mise, c'est-à-dire à la campagne ; en ville Holmes est toujours tiré à quatre épingles. Sauf lorsqu’il se déguise – même Watson ne le reconnaît pas.
C’est donc une erreur qu’il ait été habillé de la sorte dans certaines séries télé et films ; et une fois encore, dans ce film aussi, Holmes finit par se retrouver avec la houppelande et la typique casquette de chasseur qu’on lui connaît de par les illustrations d’époque, alors que dans les débuts du film il est beaucoup plus fidèle à l’image des romans : avec chapeau style « fedora » et tenue de ville.
Je suppose qu’il est noté quelque part qu’il faut absolument que l’on retrouve Sherlock Holmes avec cette casquette de campagne par peur de décevoir le spectateur.
En cela la version de Guy Ritchie est fidèle à l’original car Holmes (Downey Jr) ne porte jamais la cape et la casquette.
Ce fut en tout cas la toute première fois que l’on imaginera à l’écran une rencontre entre Jack l’éventreur et Sherlock Holmes – en cela, le scénario de ce film est totalement original.
Quelques années plus tard, un essai paraîtra sur le sujet de L’Eventreur, qui sera d’ailleurs à la base de l’essai de Patricia Cornwell, et inspirera une nouvelle aventure de Sherlock Holmes.
C’est évidemment tentant de mêler le personnage fictif du « plus grand détective de tous les temps » à un personnage ayant réellement existé, ayant semé la terreur et défrayé la chronique de son époque.