MANET LE SECRET, de Sophie Chauveau

Alors que je n’avais que modérément apprécié la biographie romancée de Sandro Botticelli (le rêve Botticelli), j’ai été conquise par cette biographie d’Edouard Manet, un être généreux qui aimait peindre, qui aimait ses amis dont il semble avoir été le « point d’ancrage », et qui fut si malmené par les critiques artistiques qui le descendirent en flamme lorsqu’il présenta son « Olympia ». Sans cesse moqué, vilipendé, accusé de pornographie, Edouard a tout dû subir alors qu’il avait simplement voulu innover.
Car innover il fera, sans aucun doute – il savait peindre de manière classique, il le prouvera d’ailleurs, mais il voulait surtout peindre à SA manière, et cela lui valut plus de critique que n’importe quel autre peintre de son époque.
Tout comme fit scandale « Le Bain » rebaptisé « le Déjeuner sur l’herbe ».

Le livre de Sophie Chauveau parle de la famille Manet, des difficultés d’Edouard avec son père, qui le voulait avocat ! qui l’envoya avec la Navale  faire un voyage initiatique, qui le sera surtout pour Manet la découverte des femmes et du plaisir sexuel, mais toujours pas de vocation d’avocat !
Lorsqu’enfin il accepta que son fils devînt peintre, Manet père l’inscrivit dans une académie privée, où notre Edouard resta un jour.
Par contre il passa quelques années dans l'atelier/académie de Thomas Couture, qu'il exaspérait par son indépendance d'esprit, sa volonté de peindre à SA façon, sans nécessairement écouter le professeur !

L’histoire de ses amours fait évidemment partie de la biographie = d’abord la jeune Suzanne, dont il eut un fils avec qui les relations ne furent pas mauvaises mais très ambigües, avec Victorine Meurent le modèle de tous les peintres parisiens, et surtout son amour pour Berthe Morisot qui deviendra sa belle-sœur, ce qui le torturera longtemps.
Une Berthe Morisot qui n’est pas toujours montrée sous son jour le plus sympathique (elle se moquait ouvertement de celle qu’elle surnommait « la grasse Suzanne »), mais qui bientôt dépassera tout le monde par son immense talent, aidée, encouragée par son mari, le frère d’Edouard (à découvrir la biographie de Berthe Morisot par Dominique Bona).

Sous les yeux des lecteurs défilent Baudelaire, Monet, Renoir, Pissarro, Degas, et tant d’autres de cette époque – tous des amis, que seule l’affaire Dreyfus sépara en 2 groupes.
Mais aussi la grande souffrance que vécurent les Parisiens et la commune de Paris, ce qui était une si belle utopie et que la troupe envoyée par Napoléon III étouffa dans le sang.
L’ami Gustave Courbet dut fuir et ne revint à Paris que pour y être enterré.
Celui qui selon l’autrice n’a pas une attitude très belle à l’égard des impressionnistes est Emile Zola, qui les défendit lorsqu’il était peu connu, mais qui les renia lorsqu’il devint le grand romancier que l’on connaît.

Le livre est un hommage à un artiste en avance sur son époque, un visionnaire de la peinture, un homme souvent tourmenté, incompris, qui n’arrivait pas à comprendre pourquoi on ne l’appréciait pas, qui aidait financièrement les amis dans le besoin lui qui n’avait pas de vrais problèmes d’argent, un artiste à la palette à nulle autre pareille, qui n’aimait pas peindre en plein air (la fracture avec Morisot), mais qui appréciait les peintres de plein air (ainsi que se nommaient les impressionnistes – ce terme d’ »impressionnistes » leur fut donné ironiquement par les critiques).

Un livre rempli de tendresse et d’humanité.

 peint par Fantin-Latour, grand ami d'Edouard Manet,
un atelier aux Batignolles où Manet est de face en train de peindre

pour reconnaître ceux représentés dans ce tableau

un autre tableau de Fantin-Latour
hommage à Delacroix - avec en dessous les noms de ceux figurant dans le tableau
dont charles baudelaire grand admirateur de Delacroix

Comments

[Tania]

Tentant, c'est noté.

[aifelle1]

Ah super ! voilà un billet qui tombe pile-poil avec le mien. Je note ce livre-là (une pure biographie ?) et je renote celui de Dominique Bona.