UNFINISHED PORTRAIT, de Mary Westmacott
Titre français = Portrait inachevé
Larraby, un peintre portraitiste, à succès, se promenant un jour sur la petite île où il passe des vacances, croise une jeune femme – ils échangent quelques paroles de politesse et le peintre poursuit son chemin.
Cependant, quelque chose dans l’attitude de la jeune femme le fait retourner sur ses pas – il a compris qu’elle envisage de mettre fin à ses jours et a choisi la falaise.
Il décide d’emménager dans le même hôtel, se rendant carrément dans la chambre de celle qu’il nomme « Celia » (dont il ne connaîtra jamais le nom véritable) – selon lui elle est douce, fragile et a besoin de parler. Et elle parle – elle lui raconte ce que sa vie est devenue, ce que sont devenus ceux qu’elle aimait, elle lui parle de ses peurs les plus profondes. Comme celle de ne plus être aimée.
Toute une nuit, Celia racontera sa vie à Larraby, depuis sa plus tendre enfance auprès d’une mère adorée, jusqu’à ce divorce qui ravage sa vie, sans oublier sa fille qui est désormais mariée et ne lui écrit que de temps en temps. Sa fille lui en a voulu de ce divorce et avec la cruauté des jeunes a toujours dit que tout était la faute de Celia.
Larraby réalise à quel point Celia est une créature fragile et timide, il espère qu’après cette longue nuit où elle s’est racontée, elle pourra poursuivre sa vie.
« Unfinished Portrait » est le 2ème roman écrit par Agatha Christie sous le nom de MARY WESTMACOTT, et aux dires de tous ceux qui l’ont connue – à commencer par Max Mallowan son second mari, c’est son roman le plus autobiographie – bien plus encore que « Loin de vous ce printemps ».
Ce livre est un gros coup de cœur pour moi, il véhicule toute la sensibilité, toute la fragilité d’un personnage que l’on a tenu à l’abri des réalités de la vie et qui ne sait comment s’y prendre une fois seule et face à ses démons.
Pour Larraby, l’espoir est qu’enfin elle va « grandir », car j’ai aussi eu l’impression comme lui que cette jeune femme de presque 40 ans était une femme-enfant, incapable de vivre en adulte.
L’enfance de Celia est semblable à celle que connut Agatha Christie, avec une « Grannie » pleine d’humour et une mère à l’imagination telle qu’elle lui inventait des histoires plutôt que d’en lire dans les livres destinés aux enfants. Celia attirait les hommes, tous semblant vouloir la surprotéger ; bien que décidée à épouser son ami Peter, parti avec son régiment aux Indes, c’est Dermot qui l’enlève, comme un prince charmant.
Hélas les princes charmants se changent parfois en vilains crapauds. Car les jeunes femmes généreuses et timides attirent systématiquement des manipulateurs. Larraby, l’artiste, lui fait comprendre ses idéaux et peut-être, finalement, un désir de vivre.
L’histoire se termine en point d’interrogation – comme l’écrit Larraby à une amie = je ne sais pas ce qu’elle est devenue, mais j’espère qu’elle aura enfin envie de vivre en adulte désormais.
Même si parfois Celia m’a exaspérée, elle m’a profondément émue, peut-être me suis-je un peu identifiée à la relation avec la grand-mère. Peut-être aussi à la peur de vivre, que j’ai heureusement pu conquérir.
Un livre que je recommande vivement, dans lequel on reconnaîtra peut-être les fameux « 10 jours manquant dans la vie d’Agatha Christie ». Une intéressante étude de multiples caractères.
la couverture de la toute première édition