LES MEMOIRES D'AGRIPPINE, de Pierre Grimal
Je me suis lancée dans une série de lectures pour vider la pal papier (on est prié de ne pas rire) – parmi ces livres, il en est pas mal consacrés à des femmes célèbres, importantes dans l’histoire, des femmes fortes, au caractère bien trempé, comme cette AGRIPPINE MINOR, mère de l’empereur Néron, par le spécialiste de l’histoire romaine qu’est Pierre Grimal.
Dire qu’elle m’ait été plus sympathique après lecture serait exagéré – ambitieuse pour son fils, au-delà de tout scrupule, elle était une forte femme, intelligente, descendante d’une série de personnages illustres, à commencer par son père Germanicus qui fut assassiné sur ordre de Tibère.
En se basant sur des écrits qui n’auraient pas été retrouvés, à savoir les écrits mêmes de ladite Agrippine, Pierre Grimal en fait un portrait extrêmement vivant.
J’ai seulement déploré qu’il n’y ait pas eu d’arbre généalogique en début de livre, cela m’aurait simplifié la lecture, car un moment donné, il m’a été fort difficile de savoir qui était qui, vu qu’ils portaient pratiquement tous, à quelques exceptions près, les mêmes patronymes.
Un jour donc, les astres promirent à Agrippine qu’elle aurait un fils qui deviendrait empereur mais qui l’assassinerait – ce à quoi elle n’hésita pas à répondre = qu’il me tue pourvu qu’il règne !!
Ça c’est envoyé ! et tellement vrai, en plus.
A aucun moment, Agrippine Minor, fille d’Agrippine Major et Germanicus, ne déviera de cette ligne de conduite qu’elle s’est donné = tout faire pour que règne son fils Néron.
Après avoir épousé son oncle Claude, peu après qu’il eut fait tuer Messaline, elle fera en sorte que Néron, qui avait épousé Octavie fille de Claude (à ne pas confondre avec Octavie sœur d’Octave-Auguste, vous commencez à comprendre le problème de la généalogie ?) soit nommé successeur de Claude, avant le fils de ce dernier, Britannicus – que Néron empoisonnera à un dîner où participait sa mère et où il la défia pour ce geste – après tout, n’avait-elle pas empoisonné Claude ?!
Le livre est divisé en 5 grands chapitres de l’existence d’Agrippine, de l’enfance à la mort, avec toutes les turpitudes dont les empereurs romains furent capables au cours de leurs règnes – d’Auguste à Néron, en passant par Tibère et Gaius-Caligula, frère d’Agrippine, qui fut aussi l’amant de leur sœur Drusilla, parce que Gaius avait fort bien interprété à sa manière les pharaons d’Egypte qui épousaient leurs sœurs.
Ceci en niant parfaitement la notion d’inceste qui n’était pourtant pas trop bien vue par les Romains.
Si Livie, l’épouse d’Auguste, une mante religieuse elle aussi, vous fascine, soyez vigilants, elle maniait la mort comme pas deux = soit le poison, le moins pénible de tous, soit elle vous faisait assassiner par ses sbires, soit elle vous exilait et vous mourriez de faim.
Elle était par alliance l’arrière-grand-mère de l’Agrippine qui nous occupe et dont elle exilera la mère, parce qu’elle restait fidèle à la mémoire de son époux Germanicus.
Les frères aînés d’Agrippine Minor furent aussi tués, on ne sait pas trop pour quelle raison, mais cela en faisait quand même deux de moins dans la prétention à l’empire.
Ils étaient d’ailleurs, avec leurs sœurs, des descendants de Marc Antoine, et les petits-neveux et nièces de Tibère.
Les « mémoires » nous font partager non seulement la vie d’Agrippine mais de nombreuses pages de l’histoire romaine, avec toutes les manipulations possibles et imaginables pour arriver au pouvoir – avec les assassinats nécessaires pour éviter la vengeance familiale.
Il est beaucoup question de l’affranchi Narcissus, qui « veillait » sur Claude mais qu’Agrippine parviendra à éliminer, avant qu’il ne l’élimine elle, puisqu’elle avait pris un amant, proche conseiller de Claude justement. Elle profitera de l’absence de Narcissus pour empoisonner Claude.
Je comprends parfaitement la notion de « goutteur » dans ces grandes familles, où l’on n’était jamais très sûr que ce que l’on mangeait ou buvait était très sain.
Croyez-moi, le livre est nettement plus sérieux que le compte-rendu que j’en donne ; Pierre Grimal est réellement un historien de l’histoire romaine, biographe de Marc Aurèle et Tacite, dont les écrits sur l’histoire de Rome ne se comptent plus ; il n’est pas qu’historien, il est aussi philologue et spécialiste de littérature latine, académicien reconnu, mythographe, qui se battra toute sa vie pour que latin et grec soient maintenus dans l'enseignement secondaire.
Pour certains, cette biographie d’Agrippine, sous forme de mémoires, est un roman – mais dans ce cas, alors, la réalité dépasse la fiction, car tout y est exactement relaté.
Un autre avis sur le livre chez aline-leslivresd'aline - qui fait une intéressante comparaison d'écriture avec "les mémoires d'Hadrien" de Marguerite Yourcenar.