MADAME BOVARY, de Gustave Flaubert au cinéma
Titre complet du roman = Madame Bovary, mœurs de province (inspiré paraît-il de l’histoire vraie et tragique de Delphine Delamare, épouse d’un officier de santé qui se suicida en 1848)
Résumé (bref) du roman = Emma Rouault, la jolie fille d’un riche paysan normand, a été élevée au couvent et s’est nourrie de romans sentimentaux, de princes sur blanc destriers volant au secours des demoiselles en détresse, tout le monde y étant riche et beau. Lorsque le docteur Charles Bovary, fasciné par son charme, l’épouse, Emma est convaincue qu’elle va vivre la vie de ses rêves. Mais Bovary n’est qu’un officier de santé et guère riche comme espéré. Bien vite, elle déchante, abandonne lecture, broderie, piano et tombe en dépression. Son mari, réellement bon et soucieux de son bonheur, décide qu’ils déménageront pour Yonville, ville provinciale mais d’un échelon plus important que leur campagne. Lorsqu’ils sont invités au bal du marquis d’Andervilliers, Emma Bovary revit ; elle rencontre le jeune aristocrate Rodolphe Boulanger qui a tôt fait de la séduire ; le jeune clerc de notaire, Leon, également amoureux d’elle part à Paris pour parfaire ses études. Et Emma recommence à s’ennuyer. Surtout lorsque Rodolphe rompt avec elle.
Dans le village, le pharmacien et un commerçant font partie des notables, le premier un pompeux personnage qui s’imaginant connaître la science et la médecine entraînera Charles Bovary dans une opération dramatique pour le jeune Hippolyte. Le second a vite fait de comprendre qu’Emma aime les belles choses, il entraînera la jeune femme dans des dépenses inconsidérées qui la mèneront à sa perte. Perte dont son mari et sa fille feront les frais.
Au cinéma, il n’y eut pas moins de 17 versions cinématographiques de cette histoire, dont celle de Jean Renoir ; il y a également une version plus récente (2014).
Sans oublier le roman graphique (très bonne version modernisée) « Gemma Bovery de Posy Simmonds » et la version cinéma de celui-ci avec Gemma Arterton et Fabrice Luchini.
Dans le film « Little children de Todd Field » il est question du livre dans un club de lecture, et la vie de la protagoniste principale n’est pas sans rappeler Emma et son ennui pathologique.
Il semblerait que David Lean se soit aussi inspiré du roman de Flaubert pour son film « Ryan’s Daughter », qu’il a placée dans un contexte de rébellion irlandaise.
En littérature, il y a la « Contre enquête sur la mort d’Emma Bovary », de Philippe Doumenc que j’ai apprécié.
Emma Bovary n’est pas un personnage pour lequel j’ai de l’empathie, à défaut de sympathie – elle ne se soucie que d’elle-même, totalement centrée sur ses besoins à elle, elle en néglige sa fille, elle en vient à détester un mari trop bon pour la contrarier. Elle ne réfléchit jamais, un seul instant, aux conséquences de ses actes, enfermée comme elle l’est dans son besoin de ressembler aux héroïnes des romans qu’elle a lus au couvent. Elle est relativement sotte, même si elle se targue d’aimer la musique, la lecture.
La plupart du temps, elle est dépeinte dans les films comme une victime de la fatalité, languissante, mélancolique – d’autres voient en elle une rebelle à la vie des femmes du 19ème siècle, enfermée dans les contraintes de son époque, ce qui n’est pas faux.
Pour moi, toutefois, le terme « rebelle » ne s’applique pas vraiment à elle, elle ne brave pas vraiment les conventions, sauf peut-être en prenant des amants – là encore, elle est prévisible, se contentant de se plaindre de son sort, ne fait rien pour tenter d’en sortir.
Qu’aurait-elle pu faire me direz-vous ? là j’avoue mon impuissance à répondre étant une femme du 20ème siècle qui s'est battue pour ses idées.
Ma petite chronique ne parlera que de 2 versions cinématographiques vues récemment = par les yeux de 2 cinéastes = Vincente Minelli (1949) et Claude Chabrol (1991)
MADAME BOVARY – Vincente Minnelli (1949)
L’écrivain Gustave Flaubert est convoqué au tribunal – son roman « Madame Bovary » fait scandale = une femme qui prend des amants, qui abandonne son enfant à sa bonne, qui se suicide, ce portrait est une insulte à la France et aux femmes françaises.
Flaubert prend fait et cause pour son anti-héroïne, dont il a grand pitié, tentant d’expliquer son comportement, à travers toute son histoire. Il faut qu’il soit persuasif, sinon le roman ne pourra plus être vendu.
Que James Mason ne ressemble pas physiquement à Flaubert, c’est le moins que l’on puisse dire, mais sa voix superbe, son élégante diction, font merveille en tant que défenseur de son personnage principal, interprété par Jennifer Jones, qui accentue le côté frivole, coquette, superficiel d’Emma Bovary. Le brave Charles Bovary est joué par Van Heflin, avec la sobriété qui convient. Louis Jourdan, décidément toujours choisi pour interpréter les séducteurs, est l’aristocrate Rodolphe qui fuit lorsque la passion d’Emma devient un poids dans sa vie. La jeune bonne Félicité est interprétée par Ellen Corby qui ne cache guère son antipathie pour sa patronne.
J’ai bien aimé cette version noir et blanc, au charme un peu désuet, où Minnelli semble avoir eu envie de mettre l’accent sur les superbes robes de Miss Jones/Bovary. C'est une version relativement succinte (un peu à la manière de mon résumé ci-dessus).
Un autre billet sur ce film sur le blog laplume&l'image
MADAME BOVARY – Claude Chabrol (1991)
Ce projet tenait Claude Chabrol à cœur depuis de nombreuses années ; pour lui le seul choix possible pour interpréter « Emma » était Isabelle Huppert, et je pense que désormais – pour beaucoup de personnes (dont moi) – Emma Bovary aura le visage de cette remarquable comédienne.
Cette version-ci est nettement plus longue que celle de Minnelli, suivant le roman passablement à la lettre. Le mari est interprété par Jean-François Balmer, avec beaucoup de justesse ; les séducteurs sont respectivement Christophe Malavoy (Rodolphe) et Lucas Belvaux (Léon). L’odieux pharmacien Holmais est joué avec tout autant de justesse par Jean Yanne.
La veulerie des personnages masculins d’Emma Bovary est très frappante pour moi, du moins est ce ainsi que je l’ai ressenti dans le film de Chabrol.
La narration en voix off est faite par François Périer.
Je ne puis citer toute la distribution, qui est nombreuse, mais tous sont bien dans le ton de l’histoire – Claude Chabrol savait comme choisir ses acteurs.
Un beau portrait d'Isabelle Huppert sur le blog laplume&l'image