LES PARENTS TERRIBLES, de Jean Cocteau
Réalisation de 1948
Scénario et dialogues de Jean Cocteau, d’après sa pièce de théâtre éponyme datant de 1938
Assistant réalisateur = Claude Pinoteau
Dans l’appartement de Georges et Yvonne, tout le monde s’énerve parce que Michel, leur fils, a découché pour la première fois de sa vie, sans prévenir. Yvonne, mère-sangsue, possessive comme il n’est pas possible, ne supporte pas la situation et rate exprès sa piqûre à l’insuline – heureusement, Léonie (Léo) sa sœur, qui a la tête bien sur les épaules, lui sauve la vie.
Elle en profite pour lui faire la leçon sur l’état déplorable du grand appartement, surnommé d’ailleurs « la roulotte », car parfois il y fait propre, parfois tout y est laisser-aller.
Dès que paraît Michel, il se fait vertement remonter les bretelles par tout le monde ; déçu le jeune homme se demande ce qui se passe et se précipite dans les bras de « sa » Sophie (surnom qu’il donne à sa mère).
Il avait quelque chose de merveilleux à lui annoncer et voilà que tout le monde l’enguirlande.
Lorsqu’il annonce sa bonne nouvelle, à savoir qu’il est amoureux, lui décrivant la jeune fille, Yvonne entre dans une rage et une colère qui sidère le pauvre garçon.
Son père et tante Léo calment le jeu – en aparté, Georges, le père, annonce à sa belle-sœur que la situation est pire que tout = la jolie Madeleine est en réalité sa maîtresse, lui qui est totalement délaissé par son épouse depuis 20 ans, depuis la naissance de leur fils.
Léonie, qui a été lâchée par Georges au bénéfice de son égoïste sœur, tente d’imaginer un stratagème pour que l’on puisse « se débarrasser » de la jeune femme qui aime Michel sincèrement.
Toute la famille passe chez elle afin de faire sa connaissance ; Léo est surprise par la propreté et la classe du petit appartement, et regrette son stratagème = faire se confronter le père, le fils, la jeune femme.
Michel est dévasté de chagrin et s’enferme dans la chambre. Le père de son côté avait déjà exercé un chantage sur Madeleine, afin qu’elle quitte Michel.
Ce sera Léonie, une fois de plus, qui va tenter de mettre de l’ordre dans cette tragi-comédie due à l’égoïsme de ces parents, qui ne veulent que leur petit monde à eux, leur tranquillité et ne comprennent pas qu’ils font le malheur de leur fils.
Quand on croit que tout s’arrange, Yvonne leur jouera encore un tour à sa façon.
Typique théâtre filmé, toute l’intrigue se situant dans l’appartement des parents de Michel, en dehors d’une scène dramatique chez la tendre Madeleine.
J’ai trouvé les personnages créés par Jean Cocteau profondément artificiels ; non seulement ils sont d’un égoïsme extrême – c’en est effrayant – ils sont totalement superficiels
La mère est littéralement monstrueuse, une véritable succube, qui s’accroche désespérément à son fils, sans accepter qu’il vive sa propre vie, et lorsqu’enfin elle semble y consentir, c’est encore pour lui/leur jouer un dernier tour par son suicide, en les accusant tous de vouloir se débarrasser d’elle. Je me demande où Cocteau a puisé son inspiration, mais j’aime autant ne jamais rencontrer une telle femme (quoique j’en ai connue une qui n’en était pas loin).
Elle est magnifiquement interprétée par Yvonne de Bray, qui sera la tante de Jean Marais dans « L’Eternel retour », où là aussi elle interprètera une femme, encore plus odieuse que celle-ci, protégeant aussi outrageusement son rejeton.
Georges, le père, très veule dans son attitude vis-à-vis de sa jeune maîtresse, ayant enfin trouvé le bonheur, est joué par Marcel André, reprenant le rôle qu’il avait créé au théâtre – tout comme Jean Marais.
Celui-ci joue donc Michel, jeune homme qui adore sa mère, l’appelle plutôt Sophie que « maman », accepte de lui tenir sans arrêt compagnie, jusqu’à ce qu’il se décide à avoir envie de faire autre chose – ce qu’elle accepte à condition de le régenter. Mais Michel a tout de même l’intention de se secouer, cela va déclencher le drame.
Le joli catalyseur de ce psycho-drame est Madeleine, jouée par la belle Josette Day, qui avait joué aux côtés de Jean Marais dans « La Belle et la Bête ».
Le personnage que j’ai le plus apprécié, même si je l’ai trouvée quelque peu manipulatrice – mais nettement moins que sa sœur – est Léo, toujours habillée avec élégance, refusant de se laisser aller comme sa sœur ou son beau-frère. Un bon contraste pour celle qui doit "sauver la situation".
Elle a la tête bien sur les épaules, tente par tous les moyens de faire le bonheur de tous, mais surtout de faire comprendre qu’il faut que Michel puisse être heureux. Elle est fort bien jouée par Gabrielle Dorziat, grande dame du cinéma et du théâtre, reprenant à l’écran le rôle qu’elle interprétait au théâtre.
L'ambiance est étouffante à souhait dans le huis-clos de cet appartement, rendu plus étouffant encore non seulement par les décors chargés du grand appartement, mais aussi par la passion maladive de cette mère pour son fils.
Une intéressante découverte dans ma vie de cinéphile, dans le cadre d'un hommage de la cinémathèque de Belgique à Madame Eliane Dubois, disparue en août dernier, une grande dame de la distribution cinématographique - directrice de Cinélibre/Cinéart, représentant le courant du cinéma indépendant en Belgique.