SPELLBOUND BY BEAUTY, de Donald Spoto
ALFRED HITCHCOCK AND HIS LEADING LADIES
J’ai eu envie de sortir ce livre de ma PAL (où il m’attendait à côté du livre Hitchcock/Truffaut) après avoir lu « Fear in the Sunlight » de Nicola Upson, où le réalisateur britannique, devenu citoyen américain, est l’un des protagonistes.
Le livre de Donald Spoto a suscité en moi des sentiments mitigés =
J’ai énormément apprécié les détails sur la technique des films d’Hitchcock, sur le fonctionnement « en coulisses » de ce qu’est le cinéma tant britannique qu’hollywoodien – étalé des années 1920 à 1964.
Par contre j’ai un peu eu l’impression de me transformer en « voyeuse de la presse people » lorsqu’il s’agissait de parler de l’attitude du metteur en scène avec ses actrices.
Alfred Hitchcock n’appréciait guère les acteurs en général, il les considérait comme des marionnettes qu’il se devait d’activer, alors qu’il donnait en fait très peu de directives sur le plateau – néanmoins il ne supportait guère qu’un acteur se permette d’avoir une opinion sur une scène – comme tentèrent de le faire Paul Newman ou Rod Taylor – il les remettait vertement à leur place ou faisait semblant de ne rien avoir entendu.
Il disait aussi que les acteurs étaient comme du bétail = ils avaient besoin d’être dirigés vers leur but, on ne leur demande rien d’autre ! Légende ou vérité ?
Hitchcock semble représenter (à mes yeux) la quintessence même de cette définition qu’a Woody Allen des génies = ce n’est pas parce qu’on est un grand homme dans son art, que l’on soit nécessairement quelqu’un de bien dans la vie (et il cite, entre autre exemple Picasso).
J’ai eu l’impression, à la lecture du livre, d’un être d’une immense solitude, solitude qu’il se créa d’ailleurs – surprotégé par son épouse Alma Reville, celle qui lisait des romans susceptibles d’être transformés en chefs d’œuvre par le maître.
Car ne nous y trompons pas, Donald Spoto ne remet en aucun cas en doute le génie cinématographique d’Hitchcock, qui savait s’entourer des bonnes personnes – scénaristes notamment, car contrairement à ce qu’il aimait laisser croire, Hitchcock ne savait pas très bien écrire de scénario.
Mais il savait s’entourer d’une excellente équipe et était un remarquable technicien = le décor, la manière de photographier les vedettes, le moindre petit détail de mise en scène, rien n’échappait à son œil acéré, transformant ainsi ce qui aurait pu être banal en chef d’œuvre. Même si le romancier ne reconnaissait plus rien de son histoire.
Alfred Hitchcock naquit en 1899, en pleine ère edwardienne, prolongeant l’ère victorienne avec ses codes très stricts. Il était issu de la classe marchande, donc snobé par les classes privilégiés – de son éducation chez les jésuites, il gardera un très mauvais souvenir (châtiments corporels), mais aussi un humour douteux avec ses sous-entendus à connotations sexuelles.
Les parents d’ « Alfie » avaient aussi des codes d’éducation particulièrement sévères, dont on retrouve certaines traces dans « Psydho ».
Ce qui m’a le plus peinée dans ce livre, pourtant intéressant techniquement parlant, comme je le dis en introduction à ma chronique, c’est l’attitude d’Alfred Hitchcock à l’égard de ses actrices féminines.
Amoureux transi de certaines d’entre elles = Ingrid Bergman, Grace Kelly, Tippi Hedren, il se montrera particulièrement odieux et possessif avec cette dernière – lorsqu’épuisée par son harcèlement celle-ci demanda d’être libérée de tourner avec lui, il la conserva sous contrat et pendant 3 ans, elle ne tourna plus rien – il refusa même de la « prêter » (comme c’était la coutume entre studios) à d’autres réalisateurs ; à cause de cela Tippi Hedren manqua quelques excellentes opportunités d’actrice.
Elle se consolera, heureusement, en créant Shambala Preserve – un domaine où elle recueille des animaux malmenés par les humains (grands félins notammnt), aidée en cela par sa fille Melanie Griffith.
Personne ne comprit jamais pourquoi Alma Reville ne mit pas fin à cette situation des plus ambiguës, aucun membre de l’équipe ne prit la défense de la jeune femme, étouffant littéralement sous l’emprise du réalisateur, contrôlant jusqu’à sa vie privée.
Hitchcock avait un idéal féminin très précis = blonde glaciale, feu sous la glace.
Dès qu’il jetait son dévolu sur une actrice, il la transformait de pied en cap, choisissant des robes, des chaussures, la coiffure. Cette transformation était à l’avantage de l’actrice la plupart du temps – mais certaines se révoltèrent pourtant = Vera Miles préféra avoir un 2ème enfant, même chose pour l’épouse de Sydney Pollack.
Kim Novak après « Vertigo » décida aussi que cela suffisait, très indépendante comme ses 2 collègues, elle préféra aussi choisir une autre voie = celle de s'occuper des animaux (curieux n'est ce pas cette tendance à trouver refuge auprès des animaux après avoir fréquenté Hitchcock - il est vrai que les animaux aportent une immense consolation à bien des déboires).
Pour Spoto, « Psycho » et « Vertigo » sont les deux films qui résument au mieux la personnalité d’Hitchcock = la répression maternelle qui conduit à la folie ; la transformation d’une femme pour correspondre à un autre être.
Dans chacun de ses films on retrouve les notions de peur, culpabilité, modification de l’identité. Ainsi que l' l’innocent accusé à tort et devant tout faire pour prouver cette innocence, pratiquement seul contre tous.
Les menottes le fascinaient aussi – ses histoires sont toujours un habile mélange d’humour et de tension.
Pour tous, y compris François Truffaut, le génie d’Hitchcock se termina avec « Marnie », le 2ème et dernier film avec Tippi Hedren.
Non content de raconter des histoires salaces, il aimait les blagues d’un goût douteux et n’hésitait pas à prolonger des scènes désagréables (comme la douche de Janet Leigh dans « Psycho » ou la scène des menottes dans "39 Steps").
Donald Spoto est biographe ; il a écrit pas moins de 27 biographies allant de Marilyn Monroe à Jesus, en passant entre autres par Jeanne d’Arc, Elizabeth Taylor, Audrey Hepburn etc (Spoto est également féru de théologie).
IL a consacré 3 biographies à Alfred Hitchcock = la première, une analyse minutieuse de chacun des films d’Hitchcock du muet au parlant, la plus intéressante (un must have pour les cinéphiles) « The Art of Alfred Hitchcock ».
Le second est déjà plus « voyeur » = « The Dark side of a genius », qui préfigure ce 3ème volet « Spellbound by beauty » (ce qui peut se traduire par « fasciné, envoûté par la beauté »).
A lire tout cela, j’ai eu une impression à la fois d’infinie tristesse et d’une bonne dose de perversité (ah les jésuites !), chez un homme bourré de complexes, qui souffrait déjà d’embonpoint tout jeune, atteint d’obésité morbide au fil du temps, aimant la bonne chère et surtout le vin (un peu trop porté là-dessus).
Il ne faut pas se fier à ses airs de fausse bonhommie, masquant une personnalité tourmentée, très complexe.
Extrêmement solitaire aussi et c’est là tout le paradoxe = il souffrait d’être « isolé » dans la profession, mais refusait généralement les invitations.
Toutefois, il est et reste envers et contre tout, l’un des plus grands réalisateurs tant du cinéma muet que du parlant.
2 intéressants articles sur Alfred Hitchcock chez la plume et l'image (ici) et (ici)