TOWER OF LONDON, de Roger Corman
Titre français = La Tour de Londres
Version 1962
Scénario « original » de L. Gordon, F. Amos Powell, R. Kent
Lorsque l’histoire commence, le roi d’Angleterre Edward IV se meurt – il nomme son frère George, duc de Clarence, lord protecteur des enfants royaux au grand déplaisir de son frère Richard III.
Celui-ci propose un verre à son frère Clarence, pour se consoler de la perte de leur aîné, et le poignarde puis le cache dans le tonneau de malvoisie. Il est soutenu dans cette démarche par son épouse Anne Neville, qui estime que le trône lui revient.
Petit à petit, Richard, avec l’aide de son âme damnée, Sir Ratcliffe, élimine tous ceux qui se trouvent en travers de son ascension vers le trône d’Angleterre et bien sûr, les enfants d’Edward IV et Elizabeth Woodville, qui trouve refuge dans l’abbaye de Westminster.
La gouvernante des enfants royaux, Elizabeth Shore, est également supprimée pour avoir refuser de nommer « illégitimes » les enfants royaux. Tout comme le sera Tyrus, un médecin s’inspirant de la médecine arabe, versé dans les herbes, qu’il avait utilisées dans l’espoir de sonder l’esprit malade de Richard III, qui dans un moment d’égarement a étranglé son unique amour, son épouse.
Tyrus et le reste de la cour conspirent pour détrôner Richard III. Un jeune couple d’aristocrates, Justin et Margaret, aident la reine mère et décident d’aller chercher de l’aide en Ecosse, chez le père de
Margaret pendant que celle-ci est retenue prisonnière.
C’est dans les champs de Bosworth que le triste destin de Richard III s'accomplira, sous le regard des fantômes de ceux qu’il a assassinés.
Inutile de vous dire que la version de Roger Corman, sur l’histoire de Richard III, est encore plus énorme que la précédente.
Le réalisateur de films fantastiques, grand adaptateur d’Edgar Allan Poe, accepta ce film parce que son frère en étant l’un des producteurs – il fut néanmoins surpris par le petit budget qui lui fut alloué, l’obligeant à tourner en noir et blanc, lui qui avait une nette préférence pour la couleur.
Toujours pour cause de budget, il récupéra quelques scènes du film de 1939 (une production Universal également, lui donnant accès aux archives), surtout au niveau des décors = quelques scènes dans le château, les remparts, la bataille de Bosworth.
Quant au décor des salles du château proprement dit, il fut également récupéré pour y introduire les nouvelles scènes.
Roger Corman n’avait jamais réalisé de film historique jusqu’à ce moment-là et le sujet l’amusa beaucoup, mais il choisit avec son acteur-fétiche, complice de toujours Vincent Price, d’en faire un film fantastique fortement teinté d’humour noir.
Du côté de la vérité historique, c’est encore pire que la version 1939 ou celle de Shakespeare qui a réellement empoisonné les esprits des scénaristes, c’est le moins que l’on puisse dire.
Par exemple, Anne Neville – interprétée par Joan Camden – est pratiquement une « lady Macbeth » (manière Shakespeare puisque là aussi il s’est planté le barde !). La douce reine Anne, morte très jeune de tuberculose et de désespoir à la mort de leur fils unique.
George, le duc de Clarence, est présenté en réelle victime, presque un saint, alors qu’il était un ivrogne, coureur de jupons, cupide et avare. Il complotait sans cesse dans l’espoir d’accéder au trône. Il est joué par Charles Macaulay.
Le jeune couple d’aristocrates, ajoutés pour les besoins du film, sont joués par Robert Brown et Joan Freeman. Celle-ci joue la fille de lord Stanley, qu’on ne verra jamais et qui est, lui, un personnage avéré qui complotera la chute de Richard III.
Elizabeth Woodville est également présentée comme une victime, presque martyre, alors que Mistress Woodville était une ambitieuse hors normes, qui plaça toute sa famille dans les postes les plus importants du royaume une fois qu’elle fut reine.
Cicely, la reine-mère d’Edward IV, George of Clarence et Richard III, est montrée totalement comme dans le "Richard III" de Shakespeare = en mère haineuse de son fils bossu, qu’elle apparente carrément à un suppôt de satan.
Le conseiller Ratcliffe, au service de Richard III, son homme de main dans ce film ; malgré ses instincts de conspirateur, il resta fidèle à Richard III et mourut à ses côtés à Bosworth. Il est interprété par Michael Pate.
Quant à Elizabeth Shore, maîtresse d’Edward IV, courtisane aux mœurs plus que légères, elle est dépeinte ici comme une noble dame d’honneur de la reine Elizabeth Woodville.
Elle fut effectivement accusée de trahison, pour avoir aider Elizabeth Woodville et la conjuration contre Richard III, néanmoins elle ne mourut pas sous la torture, au contraire, lorsque Richard III mourut, elle fut pardonnée (forcément elle avait été ses ennemis) et se remaria. Elle est interprétée ici par une belle actrice Sandra Knight, mais apparaît surtout sous forme de son fantôme.
Vincent Price s’en donne à cœur joie dans le rôle du roi Richard III, dans ce rôle de faux jeton, faux frère, dévoré d’ambition, mais souffrant sincèrement du manque d’affection de sa mère et du décès de son épouse.
Il adopte la pause courante attribuée à Richard III (par Shakespeare toujours), c'est-à-dire un bossu se déplaçant de manière grotesque. Or Richard III était soucieux de son apparence et parvenait à avoir une certaine prestance malgré sa malformation physique.
Côté effets spéciaux, Roger Corman multiplie le jeu des ombres sur le mur, surtout concernant la dégaine de Richard III. Sombres couloirs, caveaux et donjons, apparition des spectres de ceux que le roi a assassinés ou fait assassiner avec vent violent à l'appui.
Parfois, en dehors desdits spectres, un crâne se substitue au portrait. Dans les couloirs souterrains on trouve même des rideaux de toiles d’araignées – bref du totally Corman.