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mon bonheur est dans la ville
27 février 2013

LEE MILLER ou LA TRAVERSEE DU MIROIR, de Sylvain Roumette

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LES MARDIS DE L'ART
dans le cadre de la  thématique 2012-2013 =

une petite histoire du corps dans l'art # 4

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Commentaires-citations de Lee Miller dits par Susan Moncur

« Belle, intelligente, fascinante, intrépide, amusante, adorant l’auto-dérision, surtout détestant s’ennuyer »

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Ne sont que quelques-uns des adjectifs appliqués à cette femme formidable dont j’aurais aimé être l’amie et dont j’ai découvert le parcours grâce à ce mardi de l’art.
De Top modèle chez Vogue à la correspondante de guerre qui, après avoir couvert le blitz de Londres, fut la première femme photographe à montrer les horreurs des camps de concentration.

C’est en compagne de son fils, Antony Penrose, né de son union avec le peintre surréaliste Roland Penrose -  qui s’est fait le gardien de la mémoire, devenant  l’archiviste de Lee Miller -  que le réalisateur Sylvain Roumette nous ouvre l’album photographique de la vie de cette superbe personne.

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Un vrai personnage aux dires de tous ceux qui l’ont croisée – dans le bon sens de ce terme de « personnage », mais aussi parfois avec une légère consonance péjorative lorsque l’on aborde son caractère = pas facile à vivre, à la fois simple et compliquée (ceci n’est il pas l’apanage d’une réelle personnalité ?)

Lee Miller naquit en 1907 dans une petite ville près de New York – son père, passionné de photographie l’avait déjà choisie pour modèle. Sous prétexte de recherches en technique photographique, Theodore Miller a réalisé des clichés de sa fille et autres jeunes filles très jeunes, à la limite du voyeurisme.
Dans ces photos érotiques, faut-il voir une relation incestueuse, probablement pas, mais leur complicité fut très forte.
Comme le dit Antony Penrose = de telles spéculations sont inutiles, mieux vaut parler de faits.
Et parmi ces faits,  la passion de la photographie de son père qui fut le premier pas vers la photo qu’entreprit sa fille.

Sur les photos d’elle, Lee Miller est toujours très distante, ce qui est totalement différent de ce qu’elle était dans la réalité.

De ses histoires d’amour, Lee Miller dira toujours qu’elles étaient des attirances quasi animales ; que le sexe était à la base de tous les rapports amoureux comme le disait Freud, mais qu’elle aurait préféré aimer et être aimée purement.
Est-ce un viol qu’elle aurait subi à l’âge de 7 ans qui fut à la base de ces propos ? On ne le saura jamais car il n’y a aucune trace de cet acte odieux, ni même dans ses carnets intimes.

Etre « différente » est certes très positif, en tout cas de nos jours – mais à son époque, Lee Miller était étiquetée comme « indocile », « non conformiste » et briser le conventionnel d’alors n’a certainement pas dû être facile à vivre pour elle ; elle fut cependant toujours soutenue – et toute sa vie – par son père. 
Lee Miller part une première fois à Paris pour étudier l’art dramatique ; la 2ème fois elle fit la connaissance de Man Ray (= l’homme lumière). Il est totalement séduit par sa beauté et quitte Kiki de Montparnasse pour Miss Miller. Elle devient à son tour la reine des nuits parisiennes, puis veut devenir l’élève de Man Ray.

Elle VEUT être photographe, techniques et jeux de lumière la passionnent – elle découvre le procédé de « solarisation », dont  Man Ray dira qu’il en fut l’inventeur. Comme Lee Miller ne connaît absolument pas la compétitivité, peu lui importe, c’est le procédé qui compte.
Man Ray par contre est très compétitif par rapport à l’art qu’il perçoit chez Miller et tente de l’étouffer, de la contrôler, voire de la « diminuer » par le biais de la photographie en découpant des photos d’elle pour en faire des collages – même chose d’ailleurs chez Roland Penrose.
Mais on ne maîtrise pas, on ne contrôle pas, on ne domine pas une Lee Miller, sa personnalité est beaucoup trop forte.
Cela rendait d’ailleurs les hommes de sa vie fous de rage.
 

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Après 3 ans dans le « cirque de Montparnasse » comme on l’appelait alors, Lee Miller retourne à New York et ouvre son studio personnel. Elle fait la connaissance du théâtre noir de Harlem – prendra beaucoup de clichés de femmes et de femmes noires.
Elle fut par ailleurs la photographe personnelle de l’actrice Liliane Harvey.

En 1934, Lee Miller accepte la demande en mariage d’un homme d’affaires arabe, et part vivre en Egypte – probablement attirée par le romantisme exercé par le désert ; elle y prend des clichés dudit désert, de l’architecture, d’oasis,  dans lesquels elle montre beaucoup de créativité.

Puis bien vite elle est rattrapée par l’ennui = elle devient l’une de ces femmes passant du temps à la lecture (de mauvais polars comme elle les nomme), de bridge, certainement pas à faire du ménage mais ne prend plus de photos.
Avec l’accord de son époux, elle retourne en France où elle rencontre Roland Penrose, ami d’Eluard. Elle vit une histoire d’amour-amitié. Aziz et elle divorcent – tout le monde est d’ailleurs d’accord là-dessus = Aziz l’aimait profondément, au point de comprendre qu’on n’attache pas un esprit aussi libre qu’elle.
Elle retrouve Roland Penrose en Angleterre et décide de rester à Londres avec lui. Elle redevient photographe chez Vogue qui, bien que toujours magazine de mode, s’ouvre à l’actualité. Lee Miller leur propose un reportage sur le blitz, et prend des clichés qu’elle dédie à Winston Churchill. 

Elle devient aussi photographe pour Life et fait la connaissance de David Scherman qui découvre le « salon » que tiennent Lee Miller et Roland Penrose dans le Hampshire. La vie à Hampstead était très libre, selon Scherman – il n’existait aucune jalousie dans le couple – Scherman en évoquant ses souvenirs  dans le film de Soumette, en parle avec beaucoup de nostalgie. Il a aimé Lee Miller, cela se sent.

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Etait-elle une « femme fatale » demande le journaliste – Réponse de Scherman =
« Encore devrais-je savoir ce que c’est qu’une femme fatale – non, c’était une femme différente du modèle courant, pas du tout dangereuse, très humaine, bouillant de vie, surtout très talentueuse »

Lee Miller se voyait comme une œuvre d’art qui serait  passée de l’autre côté du miroir, pour se libérer du narcissisme, se sentir vivante et non image de papier glacé.
Dans son travail en tant que correspondante de guerre, elle participa au Jour J et à la libération de Paris, ainsi qu’à la libération des camps de concentration. Elle s’investit totalement dans ce travail, elle avait « des tripes », un vrai courage parmi les G.I. qui l’appréciaient pour sa simplicité.

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Négationnistes en tous genres, je vous conseille de voir les clichés ramenés des camps par  Lee Miller, vous cesserez peut-être de dire des c******** (ndlr du blog).

C’est à cette époque là que Lee Miller va se découvrir un goût pour l’écriture et désormais ses clichés s’accompagneront de textes personnels, très appréciés des lecteurs. Elle est contente dans sa petite chambre de l’hôtel Scribe à Paris.

Lee Miller se voulait photographe de l’extraordinaire, d’une vision humaine, contradictoire. Sa vision était différente de celle de Robert Capa, très bon sur le terrain, pour la prise d’image sur le vif. Lee, elle, proposait des clichés « au repos », elle n’était pas très douée pour les prises sur le vif, mais chacune de ses photos est un coup de poing.

Quand quelque chose n’était pas drôle, cela n’intéressait pas vraiment Lee Miller, aux dires de ceux qui l’ont connue.
Y compris son fils, qui fut plutôt élevé par sa « 2ème maman », Patsy, une jeune femme de 20 ans qui n’était pas toujours à l’aise avec le non-conformisme de Lee, mais qui reconnaît que grâce à elle, son esprit s’ouvrit beaucoup sur le monde.

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Lee Miller aimait cuisiner, mais elle était enfermée dans un silence que même les sentiments n’arrivaient pas à briser. Etre mère ne l’intéressait pas beaucoup.

L’amie d’Eluard, de Picasso, de Cocteau (pour qui elle représenta une statue dans « le sang d’un poète ») ne parvenait plus à s’amuser.

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Antony Penrose découvrit un jour dans le grenier toutes les photos, tous les carnets de Lee Miller – lorsqu’on lui expliqua que cela appartenait à sa mère, il décida de la « découvrir ». Il conclut le commentaire du film par ces mots pleins de tendresse = «  je la connais mieux en tant que personne qu’en tant que mère ; nous fûmes en très mauvais termes car elle n’était pas du tout facile à vivre ; heureusement nous nous sommes rapprochés et réconciliés lorsqu’elle se savait malade. »

Est-il réellement nécessaire que je dise à quel point j’ai aimé ce « mardi de l’art »-ci  ?

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Commentaires
M
Une femme qui mérite visiblement d'être davantage connue qu'elle ne l'est !
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M
Je ne la connaissais pas bien du tout et j'ai pris beaucoup de plaisir et d'intérêt à lire ton billet. C'était certainement une femme fascinante mais j'ai toujours du mal à comprendre cette difficulté à se sentir maternelle (Je pense à Colette aussi!)
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T
Merci de nous (me) l'avoir fait découvrir :)
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A
C'est une femme fascinante et d'une beauté ! J'ai longtemps cru qu'elle n'avait été "que" le modèle de Man Ray, comme quoi, on a toujours autant de mal à donner leur vraie place aux femmes.
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M
Un beau billet Niki. Je ne connaissais pas cette femme photographe :)
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