JACQUES JORDAENS & L'ANTIQUITE
(ma chronique est basée sur les explications de madame sarah cordier, artiste-historienne d’art et guide – une partie des photos illustrant la chronique sont ma propriété, quelques autres ont été choisies dans la photothèque google )
En guise de préambule, je signale tout de suite que je n’apprécie que très modérément la peinture baroque, que ce soit celle de Jacques Jordaens, Rubens – je fais parfois exception pour certaines toiles du Caravage ou d’Artemisia Gentileschi (et encore !)
Généralement que ce soit chez Jordaens ou Rubens, cet étalage de chairs me dérange un peu, même si je reconnais qu’en fin de visite, avoir eu la même réaction que les autres dames présentes = je me suis sentie mince voire maigre =^-^=
A ce propos, il est évident qu'au 17ème siècle, les critères de mode étaient différents de ceux de notre époque et que l’on préférait les femmes potelées ou carrément bien en chair, mais il ne faut pas non plus oublier que, dans le passé, les multiples naissances étaient la norme – il n’était pas rare qu’une femme mette plus de 10 enfants au monde – ces multiples grossesses avaient forcément une influence sur les corps, parfois assez « déformés ».
L’exposition propose quelques 80 toiles (gigantesques) et dessins à travers 9 thématiques – à côté d’œuvres de Jacques Jordaens, le public peut admirer des œuvres de peintres contemporains sur des sujets identiques.
Pourquoi ai-je l’air d’insister sur le prénom Jacques et non Jacob Jordaens comme on nous l’a appris depuis des années ?
Tout simplement parce que, bien que né à Anvers, Jordaens ne fut jamais appelé « Jacob », que lui-même ne signa jamais ses toiles « Jacob » mais bien Jacques Jordaens, quand il les signait.
Le but de cette exposition au musée des beaux-arts de Bruxelles est de montrer une facette peu connue de Jordaens, un côté peut-être un peu plus glorieux, celle d’un érudit, bien instruit des classiques (Ovide, Virgile, Homère), alors qu’il a toujours été considéré comme un peintre plutôt « lourdaud », peignant de préférence des paysans ou des bourgeois.
Ce peintre avait également une grande connaissance de la statuaire antique, ce qui l’aida dans ses compositions.
quelques exemples de cette statuaire, dans les collections du musée
(en guise d'introduction à l'exposition - mais des statues de ce type parsèment la visite)
Pour la petite histoire technique = Les murs du musée ont été repeints pour l’occasion en un vert doux – pourquoi ce vert ? parce qu’en étudiant de près les peintures de Jacques Jordaens, on s’est rendu compte qu’il utilisait un certain vert dans ses carnations, afin de les rendre moins blafardes. C’est un vert se rapprochant au plus près de celui de l’artiste qui a été choisi.
En dehors de l’erreur commune sur son prénom, beaucoup d’autres affirmations ont été faites dans certains livres sur Jordaens, notamment qu’il était issu d’un milieu pauvre, alors qu’en réalité sa famille venait d’un milieu anversois fortuné.
On pense que cette image de peintre pauvre est venue du fait que Jacques Jordaens utilisait les papiers à dessins avec énormément d’économie – contrairement à notre époque où il suffit de se rendre dans n’importe quel magasin de fournitures d’art pour s’approvisionner, au 17ème siècle le papier était une denrée rare qu’il valait mieux ne pas gaspiller.
Autre « légende » = Jacques Jordaens ne fut jamais l’élève de Pierre Paul Rubens, il ne fut jamais son apprenti, mais par contre fut celui d’Adam van Noort dont il épousa la fille Catharina qui lui servit régulièrement de modèle.
Ce qui est exact c’est que Jordaens collabora parfois avec Rubens, et cette collaboration eut certainement une influence sur lui.
Jacques Jordaens, s’il peignit beaucoup de sujets mythologiques directement inspirés par « Les Métamorphoses » d’Ovide , ne fit jamais LE voyage en Italie, comme il était coutume pour les peintres.
Ceci dit, cette mode du voyage en Italie pour les jeunes peintres – de préférence pauvres et « maudits » est un mythe du 19ème siècle qui créa une certaine confusion dans les esprits sur ce fameux voyage que tout artiste était supposé faire.
Jordaens estimait qu’avec toutes les informations reçues d’autres peintres, tous les dessins qui étaient échangés, il n’y avait guère d’utilité pour lui de faire un tel déplacement alors qu’il avait un atelier débordant de commandes.
L'un des buts principaux de cette exposition est de montrer à quel point Jacques Jordaens était un lettré, qu'il en était fier et qu'il aimait à le montrer dans son oeuvre peint.
Sa bonne humeur et sa truculence se retrouvent dans certaines toiles, teintées d'érotisme et d'un certain comique bon enfant.
Il y a, au début de la carrière de Jordaens, une différence dans la finesse des traits, mais il ne faut pas oublier que Jordaens était plus jeune que Rubens, son trait aura donc le temps de s’affirmer au fil des dessins et du temps.
Jordaens = mai 1593 – octobre 1678
Rubens = juin 1577 – mai 1640
Leur contemporain est également Antoon Van Dijck, qui se spécialisera plutôt dans les portraits.
Comme dit plus haut, Jordaens choisissait souvent son épouse, sa petite fille et d’autres membres de la famille en guise de modèle – il se mettait aussi lui-même en scène comme dans ce tableau – en joueur de luth - en hommage à sa famille, où il se présente encore jeune devant les parents de son épouse qui lui fait face.
Jacques Jordaens était fier d’être peintre, non pas de manière arrogante, mais content de son métier qui lui permettait de bien vivre et faire vivre sa famille, il a donc toujours un regard tourné vers le spectateur.
Cette soif de reconnaissance se retrouve dans un autoportrait nettement plus tardif – où il montre avec fierté un petit objet antique, avec à l’arrière un coucher de soleil dont les derniers rayons se portent tant sur le peintre que sur la statuette.
Tout un mur de l’exposition est consacré aux dessins – ceux-ci servaient de « bases de données » aux artistes – non seulement il s’agissait d’exercices entre les commandes, mais de plus en cas de commande, il suffisait de puiser dans les dessins pour gagner du temps. Jordaens dessinait toujours à l’encre ou au crayon.
Les grands artistes se passaient ces dessins entre eux – les prêts de dessins étaient fréquents d’un artiste à l’autre, causant parfois des dissensions quand l’un d’entre eux prêtait le dessin d’un autre à un troisième confrère.
Jacques Jordaens soumettait ses projets à ses clients-commanditaires sous forme de dessins, alors que Rubens utilisait le principe des « modellos » - des petits tableaux réalisés soit à l’aquarelle ou l’huile.
Il est évident que la peinture de Jordaens est empreinte de truculence – même les sujets graves sont traités avec un certain humour, alors que chez Rubens ils ont une dimension nettement plus tragique.
le célèbre "Roi boit", tradition de l'épiphanie
Il est certain que la mythologie est remplie de contes à dimension tragique = tout y est viol, enlèvement, massacres d’une rare cruauté !
la légende d'atalante et méléagre
promethée et l'aigle lui dévorant le foie en guise de punition
pour avoir donné le feu aux humains
ce ne sont certes pas des contes destinés aux enfants comme le montre ce « Triomphe de Bacchus » (généralement très mal vu par certains touristes étrangers, choqués par toutes ces chairs étalées sans pudeur – les visiteurs anglo-saxons – USA surtout – sont particulièrement choqués).
Ce « Triomphe de Bacchus » est inspiré d’un sarcophage romain – en rappel à cette inspiration, Jordaens a inclus dans son tableau la chèvre et l’enfant qui figurent en petit dans la sculpture.
Dans une autre partie des salles, on trouve des dessins de la 2ème moitié du 17ème siècle, notamment celui de l’ « Hercule Farnese » (il doit cet épithète parce que trouvé dans les ruines de la villa Farnèse à Rome – la statue fait 3 m de haut.)
Pour rappel = « Les Métamorphoses » d’Ovide étaient réellement le livre de chevet de la plupart des peintres du passé, les thèmes les interpelaient particulièrement et Jacques Jordaens tenta toujours de respecter, le plus fidèlement possible, le texte dont il s’inspirait.
Une petite salle propose plusieurs illustrations de la fable d’Esope = le Satyre & le Paysan – qui inspirera d’ailleurs Jean de la Fontaine.
Rappel de l’histoire = un paysan explique à un satyre ayant froid qu’en soufflant sur ses doigts il peut se les réchauffer – il emmène le satyre chez lui, et là lui sert une soupe bien chaude sur laquelle il conseille de souffler pour la refroidir, provoquant ainsi la colère du satyre qui estime que ce paysan n’est pas clair dans ses conseils.
Esope désirait parait-il argumenter sur l’ambiguïté de certains propos, un homme doit être clair, exprimer et choisir clairement ses positions.
j'aime particulièrement le petit chat (sous la chaise du faune)
qui semble avoir l'air d'avoir envie qu'on lui fiche la paix
3 figures allégoriques = le perroquet, signe de bêtise - le dindon, signe de colère
le chien, signe de servitude, d'envie
La fécondité est un tableau allégorique, situé exactement derrière la statuette de la Vénus dite aux belles fesses – on y voit notamment Cérès – avec son manteau rouge, celle que l’on retrouve dans un autre tableau, qui sert d’ailleurs d’ « affiche » à l’exposition.
La visite s’est terminée sur les cartons (projets) pour tapisseries – un aspect peu connu du talent de Jacques Jordaens – c’est un côté atypique de son œuvre – il a produit 8 séries de 5 à 9 cartons – cette fois des petits tableaux, toujours sur le thème de l’antiquité classique (Ulysse, Alexandre le Grand) – on ne sait pas grand-chose de ces cartons pour tapisseries, on pense qu’il s’agissait là d’une commande pour des tapissiers bruxellois ou anversois. Les 2 tapisseries exposées ne sont pas en très bon état – on ignore où elles sont entreposées, tout cela semble être confidentiel.
un "modello" à la manière de Rubens
2 dessins m'ayant particulièrement plu =
le dessin préliminaire à "fécondité"
En guise de conclusion personnelle = je n’aime toujours pas plus ce type de peinture après avoir visité l’exposition, mais j’ai apprécié découvrir une facette méconnue (de moi) d’un peinture du 17ème siècle faisant partie de l’histoire de la peinture belge.
C’est cela que j’apprécie réellement dans les visites organisées par Sarah Cordier = la possibilité de découvrir de nouveaux aspects de l’art.
A part cela, aimer ou pas, est un critère de choix personnel mais ma curiosité me pousse à re-découvrir l’histoire de l’art autrement.